Chronique

TTC
Ceci n’est pas un disque

Big Dada - 2002

Depuis leur premier maxi, Game over 99, Teki Latex, Cuizinier et Tido Bermann n’ont cessé de se distinguer par leur originalité. Celle-ci ne rimant pas nécessairement avec qualité, les apparitions du trio ont suscité à la fois circonspection et enthousiasme. A l’origine confinés à l’univers du producteur Mr. Flash, qui les a introduits chez Big Dada, ils n’ont pu résister aux tentations extérieures. Ils ont donc concrétisé leur envies adultères en invitant des proches à apporter leurs touches à l’édifice musical qu’est Ceci n’est pas un disque.

Et quel édifice ! Rarement autant de trouvailles sonores auront pullulé au sein d’un même album. A l’image de l’intro précédant ‘Nonscience’, l’album est, de prime abord, à la fois désemparant et séduisant. Trop d’enchaînements et d’idées pour ne pas être frustré de passer à côté de la moitié d’entre eux, mais assez pour avoir l’intuition de pénétrer dans un univers fascinant. Tel un périple dans une fractale, les écoutes attentives successives confirment à l’infini cette double impression. Comme si chaque solution éclairant une des énigmes parsemées ne faisaient que repousser les interrogations à un niveau plus profond.

Sept producteurs pour douze titres et l’unité est néanmoins là. Le goût sûr des trois membres de TTC aboutit à un sans faute sur ce point. Condensé, sans temps mort ni d’interlude, il serait trop long de décrire l’album en détaillant chaque instru. Mais notons simplement que les pires rappeurs auraient pu poser sur les productions de ‘Nonscience’, ‘Teste ta compréhension’, ‘De pauvres riches’, ou ‘Subway’ sans parvenir à retirer leur statut de bijoux fascinants.

Parés de tels supports, Tido, Cuizi et Teki étaient déjà bien armés. Ambitieux, ils s’octroient le privilège d’inviter de rappeurs magistraux, qui présentent deux traits communs : un réel travail de collaboration avec leurs hôtes et des prouesses dignes des meilleures performances accomplies sur leur propre opus. Dose One est sans aucun doute le plus impressionnant, sur ‘Pas d’armure’, mais Hi-Tekk délivre une prestation impeccable. Accompagné de Nikkfurie sur ‘Pollutions’, il démontre sa capacité à progresser en permanence. De son côté, James Delleck domine ‘Soudaine montée d’adrénaline dans l’éloge’ tandis que Yarah Bravo délivre un couplet de haute tenue.

En comparaison avec ces invitations judicieuses, les qualités de rappeurs des trois membres de TTC se voient mises à nues. Et le bât blesse légèrement sur ce point. Il est surprenant de constater que, aussi décomplexés soient-ils dans leur approche des productions, leurs performances verbales pêchent par leur didactisme. Dans ‘Subway’, morceau conceptuel par excellence, chaque couplet décrit de manière personnifiée un élément du métro. Or, les rappeurs jugent bon de terminer leur textes par une explication (« Je suis un rail« , « T’es dans l’trom’« , « Je suis une souterraine galerie« ), ruinant ainsi le minutieux travail de description effectué.

Mais les quelques déceptions textuelles ne doivent pas cacher l’une des bonnes nouvelles de l’album : tant au niveau du flow que de l’écriture, les différentes routes empruntées par TTC dépassent le cadre de l’expérimentation et détruisent les illusoires limites du rap français. Tido domine toujours le trio, mais Teki Latex et Cuizinier parviennent à prendre le dessus par moments. Gare àla concurrence lorsqu’ils synchroniseront tous trois leurs instants de génie.

Révolution annoncée, Ceci n’est pas un disque surprend par sa faible teneur en réelles surprises. Ayant su canaliser ses envies d’innovations, le groupe se montre convaincant en offrant un album musicalement imparable. Malgré les performances inégales des rappeurs, il s’agit indéniablement d’une réussite. Et d’une porte ouverte à un futur prometteur.

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