Remedy
The Genuine article
Remedy, le nom était jusque là principalement lié à la compilation The Swarm. L’originaire de la grosse pomme s’était en effet fait remarquer sur cette compilation rassemblant les divers affiliés de la grande famille du Wu Tang Clan. Il avait fourni à cette occasion assurément l’un des meilleurs morceaux de l’album, en l’occurrence ‘Never Again’, titre que l’on retrouve ici et sur lequel on reviendra. Plus de deux ans après, et un quasi silence total Remedy revient avec cet album 13 titres. Avant de se lancer tête baissée dans la présentation de cet opus, présentons un peu plus cet MC jusque là assez discret. Tout d’abord, et ça vous le savez puisque vous êtes bien informés, Remedy vient de Staten Island. Avec un petit peu de recherche on apprend même qu’il a fréquenté le Drop High School où sont passés entre autres Raekwon et Method Man. Autre détail qui n’en est pas un, Remedy est blanc et de confession juive (ce sont des choses qui arrivent.) Une précision importante puisque ces particularités sont aussi deux thèmes sur lesquels notre ami revient régulièrement. Attention tout de même à ne pas tirer de conclusions un peu hâtives. Remedy ne fait pas partie de cette masse de rappeurs blancs récemment débarqués qui ne jurent que par le porno, les insultes et l’égotrip (vous voyez de qui je veux parler).
Coté production, Remedy s’est chargé de l’ensemble du travail à la seule exception du dernier morceau ‘Warning’, l’œuvre de 4th Disciple. Une semi-surprise au vu de son peu d’expérience à la production. Au chapitre des collaborations, on a plutôt le droit aux seconds couteaux de la famille Shaolinienne. Solomon Childs, Cappadonna et Rza le temps d’un couplet. Aucun doute les têtes d’affiches sont restées à la maison. Mais peu importe, l’intérêt de cet album est ailleurs.
‘Education’ ouvre le bal. Dans un style assez surprenant ce morceau sample allègrement ‘The Wall’ de Pink Floyd en empruntant même le refrain. Les Children of the World, version américaine des petits chanteurs à la croix de bois reprennent en coeur le refrain pseudo-révolutionnaire »We don’t no need no education, we don’t need no thought control, what we need is information, teach us, leave those kids alone« . Le plagiat est si évident et frappant qu’il donne au morceau un goût assez fade, à mi-chemin entre le réchauffé et le complètement cramé. Une impression que le couplet de Rza ne parvient pas à effacer. Et puis il faut le dire on préfère quand même Rza à la production.
Remedy calme ses ardeurs sur ‘Fallen Angels’. Le natif de Staten Island ne s’enfonce pas dans le piège de l’égotrip argumenté par des insultes en série. Assurément plus réfléchi, Remedy évite aussi ce débat stérile de la lutte contre les soit-disant faux. Un pseudo combat qui sert plus souvent à combler un manque cruel d’imagination. Sans donner de leçon, il s’exprime avec sincérité et maturité : « to the fake Mcs that swear they could rap, for all those cats that love to talk yak, for all those white kids that wanna be black, love is still love, ya’ll, I got your back« .
Il sait ce qu’il est, et aussi ce qu’il n’est pas. Bien conscient de ça, Remedy s’attelle à contourner les clichés qu’ils soient raciaux ou religieux. On prête ainsi une oreille attentive aux paroles de ‘Whiteboy’ (plus qu’à la composition musicale, assez lassante). On passera très vite fait sur ‘U don’t care’. Un essai R&B dont on ce serait bien passé. Au rayon des morceaux assez fades on classera aussi ‘Hip Hop Music’, un autre ode au Hip-Hop. La production assez sombre est plutôt monocorde, et ce n’est pas le refrain des Children of the World qui sauve l’affaire.
Si le thème de ‘Girlfriend’ n’a rien de novateur, la production est particulièrement soignée. Elle est aussi soutenue par des MCs bien en rythmes et inspirés. Cappadonna rappelle à cette occasion qu’il peut-être un rappeur hors pair. Il tranche le beat et joue avec les sonorités »Baby my love is still strong,on some King Kong ding-dong (…) sellin ya gold, sellin ya soul, you crossed out, and crossed over, girlfriend, what you did was wrong. » On croirait retrouver le Cappadonna d’Ironman.
On retrouve avec un plaisir non-dissimulé ‘Never again’, qui figurait sur déjà sur la compilation The Swarm sorti il y a trois ans. Comme certains autres MCs, Remedy exprime son Judaïsme à travers ses morceaux. Sur ce titre au sujet quasi unique, Remedy nous fait partager sa vision de l’Holocauste. Une chronique brute mais réaliste de l’horreur du génocide pratiqué lors de la seconde guerre. Le refrain est à lui seul particulièrement évocateur : »Never again shall we march like sheep to the slaughter, never again leave our sons and daughters, stripped of our culture, robbed of our name, never again, raped of our freedom and thrown into the flames. »
Le morceau n’a pas vieilli, et on a toujours affaire à l’un des textes les mieux écrits de ces dernières années. Je ne résiste pas à vous en replacer un petit extrait « No hope for a remedy, nothing to believe, moving targets who walk with the star in their sleeve, forever marked wit a number, tattooed to your body, late night, eyes closed, clutched to my shotty« . Si je vous précise que l’instru est à la hauteur de l’inspiration de Remedy, vous comprendrez encore mieux pourquoi ce morceau mérite l’appellation de classique.
Au titre des grandes satisfactions on citera aussi le dernier titre ‘Warning’. La seule production de 4th Disciple sur cet opus est une incontestable réussite. Un beat claquant sur lequel Clocka impressionne par son aisance. Poussé par une vague d’enthousiasme j’irais jusqu’à le comparer au Ghost Face, période Wu-Tang Forever. Une comparaison peut-être flatteuse mais vu sa performance il y a fort à parier qu’on entende reparler de Clocka. Bref une véritable tuerie musicale qui vous ferait passer Verdun pour un vulgaire échange de billes.
Voilà c’est fini, il paraît qu’une conclusion s’impose. Si on occulte quelques morceaux un peu fade, The Genuine Article est un bon album. Il mérite en tout cas une place de choix au sein des innombrables sorties des affiliés du Wu. Now you know.
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