Chronique

The Coup
Party Music

75Ark - 2001

L’éthique est une qualité rare dans l’industrie musicale. The Coup fait partie de ces exceptions animées par une volonté politique restée intacte malgré l’érosion du temps.

Du méconnu premier album Kill my Landlord sorti en 1993, sa suite Genocide and Juice deux années plus tard jusqu’au controversé Steal this album, le groupe d’Oakland a toujours revendiqué une dimension subversive et révolutionnaire. Ce quatrième album s’inscrit dans la droite lignée contestatrice des trois opus précédents. La pochette de ce nouvel opus Party Music, reflète l’esprit profondément anti-capitaliste du groupe. Boots Riley y fait exploser les tours jumelles du World Trade Center, symbole de la puissance économique et du capitalisme Américain à l’aide d’un accordeur de guitare. Une image symbolique et complètement fictive imaginée par le duo Boots-Pam the Funkstress au beau milieu de cette année.

Le jour de la sortie officielle de l’album, le 11 Septembre, la fiction devient réalité – sauf que cette fois l’accordeur de guitare de Boots n’y est pour rien. Une incroyable coïncidence, qu’on aurait qualifié d’opportuniste si cette pochette n’avait pas circulé dans la presse spécialisée bien avant ce jour tragique. Si cette coïncidence constitue un appui publicitaire aussi indéniable qu’inattendu, le groupe refuse d’être assimilé avec ces actions terroristes. The Coup décide quasi-immédiatement de retirer ses disques des bacs et de changer la pochette de ce Party Music, devenu centre de toutes les attentions. Un simple cocktail explosif remplace alors les deux tours en feu. L’album reste lui inchangé et vient renouer avec une tradition subversive relativement oubliée.

Le duo d’Oakland se fait en effet l’apôtre d’un rap intelligent et engagé. Subversif, militant, autoproclamé marxiste, Boots s’applique tout au long de cet album à dénoncer les incohérences du système américain.

La composition musicale de ce Party Music transpire l’électro-funk, rappelant par moments les envolées d’un George Clinton. Un retour vers le passé aux antipodes des essais expérimentaux-futuristes aujourd’hui en vogue. Pam the Funkstress ajoute à cet ensemble quelques scratches apportant à une touche encore plus Hip-Hop. L’alchimie entre la basse percutante et les effets électroniques omniprésents est quasi-idéale. On flirte allègrement avec le G-Funk, notamment lors de morceaux musicalement bien lourds comme l’excellent ‘Pork and Beef’. T-Kash y va de son couplet sur ce titre sans compromis sur les actions policières. « Don’t trust the police, no justice no peace , they got me face down in the middle of the street, pistol whip me with the heat…”. Boots est tout aussi équivoque « If you got beef with  c-o-p’s, throw a Molotov at the p-i-g’s, cuz they be harassing you and me, you got to understand that we still not free… »

‘Get up’ se veut tout aussi radical et sonne comme un véritable appel à la révolution. La présence de  Dead Prez sur ce morceau est à ce titre peu surprenante. Tahir de Hedrush qui s’était déjà chargé de la production de plusieurs titres du « Let’s get free » de Dead Prez, s’est occupé de ce ‘Get Up’. Une boucle bien grasse s’accorde avec une basse légère pour un morceau qui aurait sa place sur les dancefloors. Le refrain chanté pourrait être niais à souhait mais il est au contraire on ne peut plus explicite « You go to get up right now! ,turn this system upside down, you supposed to be fed up right now, turn the system upside down, get up !.. » Stick se fait lui aussi particulièrement véhément quand il s’agit de s’insurger contre le système en place. « I don’t like this government, I don’t need to cover it up, that’s what I meant, I’m sick of paying bills, and I’m sick of paying rent, seems like I work all the time and don’t know where the money went, and the funny shit is we suppose to like this shit, but y’all politicians could bite this dick… »

Le maxi précédant la sortie de l’album incluait ‘5 Million ways to kill a CEO’, une audacieuse réussite mêlant avec bonheur des influences disco-funk. Les spécialistes trouveront dans ce morceau de nombreux points communs avec le ‘Taking these’ de « Genocide and Juice ». Le rythme est accrocheur et les scratches de Pam The Funkstress complètement géniaux. Boots prend pour cible les directeurs d’entreprises, mélangeant cynisme, pointes humour pour une critique sociale acerbe. Un des très bons titres de Party Music. « They own sweat shops, pet crops, and fields of cola , murder babies with they molars on the ariola, control the Pope, Dali Lama, holler rollers, and the Ayatolla, bump this rolling in your bucket or your new corolla… »

‘Ride the Fence’ est tout aussi dynamique et influencé par le funk. Boots y incite le peuple à prendre position et une nouvelle fois à s’opposer à l’ordre établi. « I’m anti-Republican and democratic, if they self destruct, that’s anti-climatic, tired of being hunted like an antelope, take the system by the throat, that’s the antidote. »

Quelques moments de calme viennent tempérer cet élan révolutionnaire intense. Le ‘Wear clear Draws’ adressé à la fille de Boots fait partie de ceux-là. Sur ce morceau relativement lent et mélodieux (bien moins électronique) Boots prodigue à sa fille toute une série de conseils, qui reconnaissons-le tombent dans le gnangnan. On se délectera par contre de la démonstration de DJing de Pam the Funkstress utilisant ses platines pour répondre à son collègue MC. Un talent devenu évident sur ‘Tight’, morceau relaxant sur lequel Pam multiplie les scratches sur des beats old school. Impressionnant.

L’album s’achève sur un étrange ‘Lazymuthafucka’. La guitare électrique lourde et assourdissante étouffant ce morceau sonne très rock. Le refrain chanté poussif et assez pénible de Lenon Honor rappelle un Lenny Kravitz des mauvais jours. Les rimes haineuses de Boots pour ces fainéants, riches et ultra-puissants ne sauve pas le morceau. Une dernière fausse note qui ne gâchera tout de même pas notre bonheur.

En dépit de ce dernier petit raté, ce quatrième album de The Coup (et premier sur 75 Ark) est une incontestable réussite. Un concentré de rap subversif et militant.

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