Chronique

Lucha Lonely
The Bobby Lonely Story

Hand'Solo Records - 2017

Troisième sortie pour Lucha Lonely, alter ego dépressif du Canadien Bobby Balkan.

Une production soulful. Un refrain, un couplet, un refrain, un couplet. Et enfin des scratches. Voilà la configuration de neuf morceaux sur les dix que compte The Lonely Bobby Story. « Big Smoke » constitue une exception notable : comme deux rappeurs sont invités, il y a un troisième couplet et un troisième refrain avant la prestation du DJ. Une forme plutôt rigide, qui pourrait faire craindre de prime abord un album répétitif et monotone. Pourtant, l’ennui ne nous rattrape jamais sur ce troisième épisode des aventures de Lucha Lonely, alter ego dépressif du truculent Bobby Balkan.

Déjà, parce que quel que soit l’alias choisi, le sujet reste le même : la vie dissolue de Bobby dans les bas-fonds de Toronto, entre drogues, petite délinquance et histoires de cul avec l’équivalent local de nos cagoles. Le texte qui accompagne le disque résume au mieux sa teneur : « This is not a cautionary tale or an uplifting tale. Rather, it’s an honest look at a man who is not a total piece of garbage, but garbage nonetheless. » Les fulgurances introspectives d’un côté, l’inclination à la débauche fièrement assumée de l’autre. Difficile de savoir quand il faut rire et à quel moment il convient d’adopter une mine contrite. C’est là le premier talent de Bobby, celui de proposer -entre un extrait de Scarface et une promo de catch- des textes à différents degrés de lecture, qui obligent à tendre l’oreille pour s’assurer de ne pas en perdre une miette. La seconde grande qualité du Canadien, c’est cette voix puissante travaillée par les excès, captivante elle aussi. Elle lui donne une présence et une autorité certaines, collant à merveille aux samples vocaux et aux cuivres grandiloquents proposés par Good Friend Norman, unique producteur mobilisé ici. Il n’y a effectivement que des instrumentaux soulful dont la recette ne varie qu’à la marge, mais, au terme de la demi-heure couverte par l’album, on n’aurait pas envie d’entendre Bobby sur d’autres supports.

« Bobby Balkan est de la race des grands MCs malheureusement trop bordéliques pour faire une carrière digne de ce nom, de surcroît à notre époque. »

Le manque de variété dans la structure des morceaux ne se remarque d’ailleurs qu’une fois l’écoute achevée. Tout au long de The Lonely Bobby Story, la qualité globale de l’album et les talents d’entertainer du rappeur font passer cette lacune inaperçue. Révélé sur le circuit canadien des battles sous le blaze K-dot-o-dot, Bobby Balkan est de la race des grands MCs malheureusement trop bordéliques pour faire une carrière digne de ce nom, de surcroît à notre époque. Sur « Did Me Wrong », il claironne « Fuck the internet, I like being dead » et met effectivement un point d’honneur à utiliser les réseaux sociaux pour parler -à l’occasion- de tout sauf de musique. En découle une actualité difficile à suivre et une carrière chaotique, avec une dizaine de projets sortis en digital depuis la fin des années 2000, à droite, à gauche, sous des alias divers et des référencements farfelus. Composer tous ses morceaux de la même façon, premier pas vers (un peu) plus de rigueur ? Voilà une idée séduisante.

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