Edan
Primitive Plus
Edan, figure phare de Boston, scène bouillonnante.
La scène Hip-Hop du Massachusetts se montre depuis quelques années particulièrement active, et c’est non sans un certain enthousiasme que l’on assiste à l’émergence de grands talents aux alentours de Boston. Mr Lif, Reks ou encore Akrobatik figurent entre autres parmi les acteurs majeurs de cette scène créatrice, brisant un peu plus l’idée toute périmée d’une hégémonie New-yorkaise du Hip-Hop. Si on ne devait retenir qu’un seul artiste parmi tous les acteurs de cette scène, ce serait à coup sûr Edan.
Déjà auteur de plusieurs maxis génialement décalés et inspirés (Mic Manipulator et Sing it shitface en tête), Edan s’était déjà fendu en 1999 d’un onze titres, sorti dans l’indifférence quasi-totale. Trois ans plus tard, revoici Primitive Plus, dans une nouvelle version, enrichie de six nouveaux morceaux, et sortie cette fois sur le label Anglais Lewis Recordings. Edan est à l’image de Necro un artiste complet, à la fois producteur, emcee, DJ et même graphiste à ses heures perdues (il a fait lui-même la pochette du maxi Rapperfection). On reconnaît en ce petit blanc qui ne ressemble à pas grand chose un digne représentant de l’esprit « do it yourself », propre aux sorties indépendantes.
A l’écoute de cet album, on saisit très bien le lien passionnel qui unit Edan au Hip-Hop, et plus particulièrement son admiration pour les grands emcees des années 80. La compilation Fast Rap sortie cette année reflète d’ailleurs assez clairement les influences de ce maestro unique. Celui-ci multiplie en effet tout au long de cet opus les références à ces icônes et sources d’inspirations, citant directement sur « Syllable Practice » Kool G Rap, Big Daddy Kane, Rakim et quelques autres. On reconnaît aussi sur ‘Ultra ’88’ un sample vocal du mythe vivant KRS-One, tournant en boucle, et enrichissant ce morceau.
Diversité, originalité et innovation s’affirment comme les maîtres mots de cet ensemble musical éminemment riche. Une multitude d’éléments divers et inattendus viennent ainsi se greffer à des productions à la fois déconcertantes et surprenantes. Le classique (à plus d’un titre), « Key.Bored » reprenant « la Marche Turque » de Mozart, succède ainsi aux saturations ultimes de You suck ou encore à l’étrange improvisation beatboxée « Primitive plus ». Et on se délecte toujours avec grand plaisir des morceaux plus anciens, les brillants « Sing it shitface » et « Mic Manipulator ». Ce dernier fait figure de véritable démonstration microphonique, l’egotrip a beau être relativement classique, l’expression demeure impressionnante. Mention spéciale aussi au morceau instrumental ‘A.E.O.C’, aux multiples boucles lancinantes et envoûtantes.
Parfois difficile d’accès, décontenançant car décalé, Primitive plus se veut aux antipodes des tendances actuelles, une volonté exprimée dans cette rime explicite et symbolique, »Instead of R&B bitches, I do my hooks with Japanese kids ». Cet opus possède cette caractéristique propre aux grands albums, il semble se bonifier au fur et à mesure des écoutes, dévoilant sans cesse de nouvelles facettes. Un grand album donc, en avance sur son temps. Apprécions le à sa juste valeur, à savoir comme l’un des indispensables de cette année 2002.
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