Chronique

Dose One
Slow death (thepermanent cry)

Mush - 1999

13 août 2001, 11h35min

Encore un week-end chargé, encore un lundi matin passé dans un bureau, encore un soupir inconscient que je ne puis m’empêcher de pousser lorsque je commence mon travail journalier…Un nouveau soupir, de satisfaction celui-là, après avoir terminé d’examiner quelques dossiers. Ce que j’allais commencer, c’était mon journal. Mon entreprise n’a rien d’illégal, mais valait mieux ne pas être découvert sous peine de remontrances (me semble-t-il ! ou de travaux forcés). Mais au moment de débuter mon journal, un mouvement de panique m’envahit- sans doute le syndrome de la page blanche- après quelques secondes interminables je décide d’écrire sous l’effet d’une substance sonore. D’un coup d’œil rapide je parcours le couloir, pendant que ma main presque aussi vive se saisit de mon MD et installe discrètement le casque sur mon crâne. Lecture : « To a very special little boy. Slow death, but i’m not sad. who hurt you? everyone. tell me the truth. nobody. sincerely. myself… »

Les secondes passaient et la musique à défaut de doper mon écriture me faisait au moins oublier le vide de la page. La voix de Dose One (icône de l’underground et du rap expérimental de l’écurie Anticon) parlée et non rappée, sa poésie couchée sur les productions sombres, sales et mélodiques de Odd Nosdam (déjà présent sur l’album de Sole « Bottle of Humans », sur le « Giga single » en compagnie de Why? et accompagnant Dose sur « Clouddead »), Ant (producteur d’Atmosphere), Dose-1 en personne et de Kris Brown, m’ont rendu totalement inconscient. Les quelques phrases et murmures de Dose qui m’atteignaient encore au début du morceau ainsi que l’extrême lenteur du tempo ont lancé un interminable monologue dans mon cerveau…

Alors que l’humanité semble libérée de ses angoisses par une télévision grisante et enivrante, par des informations souvent impersonnelles qui lui font souvent oublier la pensée même de la mort, je détecte la présence de la mort dans mon existence quotidienne et dans mon cœur. Nous entrons tous dans la vie pour en sortir un jour. « Dès qu’un Homme est né, il est assez vieux pour mourir ! » disait Heidegger. Ce thème est certainement celui qui m’a toujours préoccupé depuis l’adolescence – L’Homme est le seul être terrestre à savoir qu’il mourra -, ne m’empêchant pourtant jamais de bien vivre. En effet, la vie donnent à la mort son caractère dramatique et la mort quant à elle nous fait penser la vie comme précieuse mais aussi fragile. Ne pouvant éviter la mort je ne chercherais pas à la fuir en me réfugiant dans une vie sans risque. Je ne pourrais échapper à la condition humaine et il me semble que seuls ceux qui ont eu une vie bien remplie – pas forcément de débauches – accueillent la mort plus « sereinement ». En fait, penser à la mort, et la pensée même de la mort est une invitation à construire pour soi et pour les autres une belle existence.

23min13 secondes, ma réflexion est stoppée nette par le sample utilisé, je ne savais plus ce qui m’avait poussé à déverser ses flots d’absurdités. Un son déjà entendu , et une phrase qui revenait sans cesse en mémoire « La blessure le pire ennemi de l’athlète ». Des souvenirs de la cassette consacrée à Michael Jordan « Come Fly With Me ». C’est dans cette cassette et peut être même si je remonte un peu plus loin dans mes souvenirs dans la bande originale du « Flic de Berverly Hills » que j’avais déjà entendu ce son ! 

3 minutes plus tard, un son chaotique heurte mes oreilles, et Dose hurle « A snap eating flesh… ». Heureusement, Kris Brown place quelques accords de guitares sur lesquels Dose murmure « I’ve been dying since the day i was born. but a dose has two lifes. » (Il existe pleins de clichés à propos des chats. L’un d’eux prétend que nous avons sept vies ! A vrai dire, je n’ai jamais voulu le vérifier.)

A la manière de Buffon dans ces « Histoires Naturelles », Dose présente la mort comme un « simple moment dans la dissolution progressive de l’être humain ». On meurt sans cesse et la dernière mort n’est rien, surtout si l’on a une seconde vie… Malheureusement, cet espoir d’un au-delà s’efface devant le silence, synonyme de néant pour certains… d’éternité pour d’autres.

Je ne me risquerai pas à tenter de distinguer les morceaux (2 pistes d’environ une demie-heure chacune.) Ces pièces procèdent de choix collages, de boucles, d’enchaînements et d’atmosphères dont il faut reconnaître la pertinence et la douceur. « Slow Death » est un album, inclassable, qui stimulera vos pensées et libèrera votre imaginaire poétique. Un thème et une atmosphère neurasthénique, sombre, pour une lumineuse réussite. Une phrase de Flaubert définit à merveille cette oeuvre: « Les oeuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière. »

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