À l’écoute vol.2

Svinkels – « Le corbeau »

« Comme jadis furent pendus sorcières et bossus, nous te cravaterons à la plus haute branche du villaaage… ». Un morceau atypique de presque six minutes, à part dans l’album, dans la discographie du groupe, et dans le rap français. L’originalité du thème (hommage décalé au film du même nom réalisé par Clouzot en 1943), la qualité du texte, la petite flûte perverse, la référence inattendue dans le couplet de Baste au(x) « traîtres » du Ministère Ämer, les ruptures rythmiques, les extraits de lettres exprimés avec un plaisir vicelard… Un cumul de détails bien vus pour une ambiance poisseuse à souhait, prise à contre-pied par l’emballement soudain du beat, façon drum n’ bass, qui tranche avec le climat général… avant que celui-ci reprenne finalement le dessus. — Greg

Ärsenik – « Rue de la haine » (Quelque chose a survécu, 2002)

Huit ans après sa sortie, Quelque chose a survécu est souvent considéré comme un album en demi-teinte incapable de rivaliser avec le premier opus d’Arsenik. Bénéficiant des talents conjugués de Sulee B Wax et Djimi Finger à la prod, d’une alchimie intacte entre les deux frères et de plusieurs couplets mémorables de Lino, ce disque avait pourtant des qualités à revendre. Au premier rang desquelles figure ce ‘Rue de la haine’ dévastateur. Surfant sur la vague post-Blueprint, l’instrumental accueille à merveille les paroles prophétiques de Lino qui anticipait presque le résultat du premier tour de la présidentielle et créait un proverbe à chaque ligne tandis que Calbo détruisait tout sur son passage façon Freeway sur ‘1-900 hustler’. Pas de doutes, ‘Rue de la haine’ a la puissance de ces morceaux parfaits dont JB aimait parler il y a trois ans de ça. — Mehdi

Mop Top – « Forever (Verbal Assault) »

Honnêtement, je ne sais quasiment rien sur ce groupe. Je me souviens juste du jour où j’ai acheté le maxi à Crocodisc. Quand le vendeur m’a demandé si je cherchais quelque chose de précis, je lui ai répondu un truc du genre : « Des maxis de rap US indés avec un son East Coast assez minimaliste et des mecs qui rappent dur dessus, dans l’esprit de ceux qu’on trouve sur les tapes de JR Ewing« . Il m’a sorti une pile de maxis pour me les faire écouter. Celui de Mop Top était dedans. Quand il l’a mis sur la platine et que le beat a démarré, j’ai cru que j’allais chialer tellement ça tuait. — Julien

Blitz The Ambassador – « Something to Believe » (Stereotype, 2009)

Les rappeurs qui veulent redonner une chaleur soul au rap ont parfois tendance à forcer le trait. Le son devient trop abouti, trop music hall, trop premier de la classe. C’est ce qui m’empêche de vraiment apprécier l’album du New Yorkais Blitz The Ambassador, réalisé avec tout un contingent d’instrumentistes virtuoses. Mais ‘Something to believe’ a une puissance indéniable : la choriste survoltée, le cut sur le deuxième couplet, les nombreux mouvements internes et surtout, cette illusion maîtrisée entre vrai-faux sampling et orchestration costumée. Je rêve d’un remix avec tout le State Property. — JB

Cyne – « Steady » (Time Being, 2003)

De la musique qui fait se sentir bien, ni plus ni moins. La discographie de Cyne regorge de perles smooth et relaxantes. ‘Steady’ est la plus brillante d’entre elles. L’enchevêtrement des samples vocaux et les variations dans l’instru confirment que Speck et Enoch sont bien plus que de simples beatmakers. Ils ont su se nourrir de multiples influences, se réapproprier la musique Hip-Hop et créer un son unique, planant et cotonneux. Et comme les MCs Akin et Cise Star ne sont pas des manches, le travail du quatuor de Gainesville, Floride, mérite définitivement que l’on s’y attarde. — Kiko

Sexion d’Assaut – « Casquette à l’envers » (L’École des points vitaux, 2010)

Quand on parle de Sexion d’Assaut, on retrouve certains termes récurrents, comme le potentiel, l’univers vraiment à part, la fluidité et cette énergie électrisante. En attendant la sortie de « L’école des points vitaux » le buzz continue de grimper…. pour s’écrouler comme un château de cartes ? Vu le niveau des deux premiers extraits, donc ce ‘Casquette à l’envers’, on en doute. Gros exercice de style, techniques affûtées – avec un Maître Gims encore au sommet – et une prod’ qui bouffe le cerveau. Vivement le 29 Mars. — Nicobbl

Sugar Ray – « Hold your Eyes » (Lemonade and Brownies » 1995)

Avant de tuer le potentiel du gros rock-fusion californien avec des disques sirupeux, Sugar Ray a eu la bonne idée de faire un premier album moite et bouillant. Sexuel, agressif et lascif, vulgaire mais amusant, autant d’alternances qui font de « Lemade and brownies » une réalisation à deux faces. ‘Hold your eyes’ est de celle qui préfère pasticher les dancefloors en les rendant suintants d’un érotisme bas de gamme. La facette oubliée d’un album produit par DJ Lethal, qui condense la connerie de la jeunesse américaine des 90’s, met Nicole Eggert en position de décollage immédiat, et dans lequel les membres du groupe s’exhibent avec une chaussette sur la bite et un chapeau texan sur la tête. Une rasade funk dans un disque saturé, impertinent, et furieusement décomplexé. En d’autres termes : jeune, coupable mais libre. — zo.

Casey – « Libérez la bête » (Libérez la bête, 2010)

2005, New York. Dälek hurle des tréfonds de ‘A beast caged’ qu’une bête y demeure toujours enfermée. Bête irriguée du sang mêlé des latinos et africains, de tous les appauvris et déracinés, enchaînés encore par les démocraties.
2010, Paris. Casey arrache enfin les chaînes de cet esclavage qui les relie tous deux par-delà l’océan du triangle d’or. Perpétuation d’une lutte, achèvement d’un but.
Chacun, avec leurs cris confondants, fruits étranges se balançant au bout de la branche craquante de l’arbre de la liberté. Cédée.
« A la verticale, par les cervicales, ils ont lynché la curiosité tropicale ». Deux fois même. — Shadok

Starlito – « Alright » (Renaissance Gangster, 2010)

All Star aka Starlito prend de plus en plus d’ampleur ces temps-ci. Avec des projets en cascade et une constance toujours impeccable, il devient un des talents d’Atlanta à surveiller avec grand intérêt. Sur « Renaissance Gangster », il s’associe à Dj Burn One qui excelle dans son travail grandissant de producteur. Les sons proposés sur cette mixtape/album sont d’une nonchalance extrême, gorgés de soul, une parfaite alchimie avec le style de Starlito. En arrière plan planent les esprits de Pimp C et de la Dungeon Family. A se procurer absolument ! — Lecaptainnemo