Grems, toujours vivant
EPs à l’improviste, exposition d’art, marque de fringue, et maintenant un festival de street-art : 2016 est déjà l’année de Grems. Avec plus de 15 années de carrière dans le rap, Michael Eveno arrive encore aujourd’hui à se renouveler. Le résultat d’une évolution dans sa carrière qui lui a permis de s’éloigner du milieu de rap, pour mieux lui taper dessus.
Il n’en a plus rien à foutre. C’est même lui qui le dit. Sur son dernier EP PRAF, Grems est toujours aussi acide que par le passé. Attaques à ses détracteurs, phrases assassines à l’encontre des poseurs du rap : en 2016, Michael Eveno n’oublie pas encore de sortir des brûlots qui retournent la tête de ses fans. Il faut dire que rarement le natif de Paris n’aura été aussi productif qu’en ce premier semestre 2016 : en musique comme pour le reste.
Alors qu’il compte déjà trois EPs à son compteur pour le premier semestre 2016, Grems a aussi eu le temps de monter son label Salt In Banks et de pérenniser encore plus sa carrière de graphiste. D’abord avec sa première exposition d’art en décembre dernier, Johnny Clegg, ensuite avec sa nouvelle marque de vêtements Caaps au mois de mai 2016, et enfin en inaugurant à Biarritz à la fin de l’été son premier festival de street art, Colorama, dont il rêvait depuis des années. Si l’on récapitule, Grems a donc trouvé le temps de sortir une trentaine de nouveaux morceaux, une marque de vêtements et un festival d’art en une demi année. Pas mal.
Une super-productivité qui souligne une évidence : malgré les années, Grems est toujours dans le coup. Il semblerait même que le rappeur-graffeur soit actuellement dans une phase ascendante de sa carrière. Green Pisse, Freen Pisse, puis FRAP, tous sortis à moins de trois mois d’intervalle, réjouissent par leur audace, inhérente au rappeur: successivement, Eveno évoque ses anciens collègues du rap alternatif, son rapport à l’art, ses voisins racistes, les “poseurs du rap”, et rend même hommage à Bruce Willis, sur des productions entre house, techno et boom-bap. La force de tous ses projets réside d’ailleurs en grande partie sur le choix des productions : la variété des ambiances et des couleurs des récentes sorties de Grems donnent l’impression d’un renouvellement constant, parallèlement toujours portée par sa touche caractéristique, entre rap et electro.
Pour expliquer ces bonnes ondes, il faut revenir trois ans en arrière : après la sortie de son disque Vampire en 2013, Grems est radical. Il ne sortira plus d’album à proprement parler sous son nom. Juste de la musique, quand ça lui chante. Ce credo, il le respectera scrupuleusement depuis : d’abord avec son groupe Hustla en 2015, ensuite avec une ribambelle de EPs sortis à la chaine, souvent à l’improviste, en fonction des inspirations de son home studio. Buffy, Freen Pisse, FRAP… À chaque EP, le même schéma : à l’improviste, le compte Facebook de Grems dévoile un nouveau clip, annonçant en surprise la sortie d’une ribambelle de morceau. Des projets qui tiennent d’ailleurs à chaque fois parfaitement la route : si l’on se réjouit de l’actualité de Grems, c’est bien parce que ses dernières sorties font partie des excellentes surprises de cette année 2016. Libéré du joug des albums, Grems sort de la musique sans contrainte. Avec Green Pisse, la durée des morceaux ne dépasse ainsi jamais les 3 minutes. Juste le temps de placer une prod, un refrain, et des phrases balancées avec précision.
Une question apparaît alors. Comment expliquer cette bonne passe ? Il faudrait sans doute regarder du côté de sa vie personnelle. « Je ne suis plus dans le ghetto. Oeuvres, d’art, musées expo » déclame-t-il sur son dernier EP : en se spécialisant dans le graff et le design graphique, Michael Eveno a finalement trouvé un moyen de s’éloigner des caprices du rap game pour se concentrer sur la musique. Un clash pour vendre des disques ? Pas nécessaire quand on a des commandes de graphismes qui s’empilent sur son bureau. Même schéma pour les sorties d’albums : en ne dépendant plus financièrement de la musique, Grems a le privilège de pouvoir faire des morceaux seulement quand ça lui chante. Sa musique devient donc un défouloir, une manière de se faire plaisir, sans schéma ni plan de carrière, ce que l’auditeur ressent à l’écoute de ses titres. Pas de plan établi, des morceaux balancés à l’improviste, et des concerts pour s’amuser : la machine Grems est en roue libre. Et elle sait parfaitement dans quel sens aller.
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