Emtee, le newcomer sud-africain à suivre
Portrait

Emtee, le newcomer sud-africain à suivre

En matière de rap, l’Afrique du sud est sans doute l’une des nations les plus prolifiques et les plus intéressantes en Afrique aujourd’hui. Et ce, entre autres depuis l’arrivée de cette nouvelle vague appelée New Age Kwaito, en référence au kwaito, musique née dans les townships de Johannesburg à la fin des années 80 dans un climat post-apartheid, représentée par des artistes comme Okmalumkoolkat ou Cassper Nyovest.

Mais dans cet univers qui se dessine au rythme des productions ralenties teintées de House aux volants de Volkswagen Caravelle, un jeune loup s’illustre dans un tout autre registre : la Trap Music. Il s’appelle Emtee, il a 23 ans et fait dans le rap chanté. Il n’est bien entendu pas le seul puisque bon nombre de rappeurs sud-africains ont investi ce genre. Mais Emtee, lui, va jusqu’à dire que cette musique, dans son pays, c’est lui. Et cette idée, Emtee la défend surtout depuis que son titre « Roll Up » a fait de lui l’un des visages forts du rap dans son pays.

Pourtant, rien ne laissait présager que « Roll Up » allait avoir un tel succès. Le jour de son enregistrement, le titre est bouclé en deux heures. Emtee est dans l’urgence et il doit très rapidement finaliser D.I.Y, son tout premier EP, car sa date de sortie avait déjà été planifiée. Alors, avec son producteur, ils sortent un maximum de titres. Emtee repart sceptique, bien loin d’imaginer qu’il a en sa possession le morceau qui va tout changer.

Au moment de sa sortie, le 14 février 2015, Emtee est encore un parfait inconnu. Un gamin du township de Soweto qui se rêve artiste depuis l’école primaire. Six ans plus tôt, le jeune Mthembeni Ndevu donne d’ailleurs ses premiers concerts avec la chorale du lycée comme enfant de choeur et gagne avec les prize money ses premiers cachets. Mais plus disposé à squatter les studios que les bancs des facs, l’aventure s’arrête aux portes de l’université. N’ayant plus d’autres cartes à jouer, Emtee, 17 ans, se lance alors dans la musique et son premier EP racontera sa course vers les sommets : la rencontre du mentor Maraza cette même année, l’importance de savoir prendre son temps et d’apprendre à se connaître pour y arriver.

Et le nom de ce premier EP suffit à l’expliquer. D.I.Y c’est pour Do it Yourself, une philosophie qui a consacré bon nombre d’artistes sortis du web ces dernières années. Enfin, peut-être un peu moins chez lui, l’internet y étant beaucoup moins développé et les médias traditionnels restant le passage obligé. Qu’importe les difficultés, d’autres ont réussi avant lui. Pourquoi pas lui ? Il y a déjà eu le vétéran du rap K.O propulsé au rang de superstar depuis la sortie de son hit « Caracara » en 2014 ou même celui qui avait délaissé un temps les studios pour devenir acteur, Riky Rick, revenu courant 2015. Alors c’est décidé, il sera le nouveau prince de la ville. Et c’est justement la rue qui va l’introniser. Pour son talent mais aussi pour son arrogance.

Car, comme en témoigne les phrases qu’il martèle dans « Skit (Hater) », l’interlude de son EP, Emtee veut distancer ses adversaires et déconstruire les tendances que ses prédécesseurs ont installées. Exit le Kwaito, place à la Trap Music (« pour ceux qui demandent ce que je fais, je fais de l’ATM/de l’African Trap Music« ). Ses chansons sont un joyeux bordel linguistique (sesotho, zoulou, anglais) mais Emtee est clair : « je suis pas dans le rap vernac/te fie pas aux apparences« . Il rejette en bloc le terme « vernac »[NDLR :argot utilisé pour expliquer l’utilisation dans leur rap d’une ou plusieurs des 10 langues maternelles qui sont aussi des langues officielles au même titre que l’anglais. L’anglais étant généralement la seconde langue la plus parlée puisqu’elle est celle des affaires et de la communication], intronisé dans le paysage rap d’une Afrique du Sud métissée par ses aînés.

Et Emtee ne s’arrête pas là. Le rap est un jeu et les romans-feuilletons du monde entier sont alimentés par les beefs, les frasques et autres déclarations. Alors il n’hésite pas à plier ses adversaires et même à les tacler. L’histoire de « Roll Up » s’écrit en partie suspendue à cette ligne : « uHHP uzenz’ iBosso lo, hamba uzincwaba nayi fosholo » (NDLR : HHP joue les boss/Tiens, une pelle/enterre-toi), lâchée avec fougue à la face de Hip Hop Pantsula, l’un des piliers sud-africain. Une rime qui fera beaucoup parler.

Le reste de cette aventure le confirme et il devient « ce jeune homme qui fait le buzz dans la street et sur le net« . Et l’engouement autour d’Emtee est tel que son premier album, intitulé Avery en hommage à son fils, sort moins d’un an après D.I.Y. Son bijou « Roll Up » y figure bien entendu. Un remix avec le très populaire nigérian WizKid et le bankable rappeur du Cap AKA est même enregistré. La stratégie est payante puisque Emtee remporte de nombreux prix dont le Song of the year pour « Roll Up » aux South African Hip Hop Awards. Et aujourd’hui en Afrique du Sud, il est presque impossible de ne pas entendre résonner ce titre devenu un hymne.


Emtee vient de sortir un tout nouveau titre «Amamenemene » en téléchargement gratuit ici.

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