Arkeologists x Bobby Balkan
The Beautiful Ugly
On avait découvert les Canadiens d’Arkeologists l’an dernier, lorsqu’ils avaient entièrement produit l’excellent Back to the Ark d’Unknown Mizery. Néanmoins, l’équipe de beatmakers n’en était pas à son coup d’essai, ses différents membres s’étant déjà largement faits un nom par le passé en collaborant avec une foultitude de rappeurs. Parmi ceux-là se trouvait notamment un certain K-Dot-O-Dot, devenu Bobby Balkan depuis l’émergence d’un quasi-homonyme légèrement plus médiatisé. Et pour cause : un « Chewbacca lookin muthafucka » qui confie au détour d’un morceau « I’m taking every opportunity to show my dick » ne risque pas de se faire brûler par le feu des projecteurs.
La qualité de The Beautiful Ugly découle justement de l’alliance improbable entre les délires outranciers du rappeur de Toronto et la production chiadée d’Arkeologists, faite de samples de soul et de voix pitchées. L’utilisation de ces boucles est d’ailleurs plutôt intéressante : plutôt que de s’en servir pour créer une musique contemplative à laquelle elles semblaient se prêter, les producteurs ont préféré les placer sur des tempos rapides, donnant à leurs beats un côté hypnotique et nerveux. Cette teneur et la concision du projet (moins de trente minutes) donnent un rythme soutenu à l’ensemble : ainsi, pas le temps de s’ennuyer ou de se lasser du penchant pour la démesure de Bobby. Des scratches bienvenus viennent également clore la majorité des morceaux, rendant notamment hommage à des gloires locales comme Frankenstein ou Saukrates.
Pourtant le rappeur d’origine serbe n’est pas vraiment du genre à tresser des lauriers à d’autres qu’à lui-même. D’une voix caverneuse et avec un flow autoritaire, Bobby passe les dix morceaux du projet à conter ses exploits, qu’ils aient trait au sexe, à la drogue ou à la violence sous à peu près toutes ses formes. Il faut un peu se renseigner sur le bonhomme pour comprendre qu’il y a beaucoup de second degré derrière cet égocentrisme exacerbé. Sa prestation en brute décérébrée et ses qualités au micro sont en tout cas convaincantes, notamment sur « High », « Mama Kin » ou « Kill the Lights ».
Outre le fait de nous offrir une demi-heure intense et agréable, The Beautiful Ugly nous permet donc d’apprécier à nouveau l’efficacité d’Arkeologists, et de faire la connaissance d’un personnage haut en couleur, Bobby Balkan. Avec les instrus lumineux des premiers côté beautiful et les egotrips cradingues du second côté ugly, rarement un album aura été si judicieusement nommé.
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