Chronique

Qwel & Maker
So Be It

Galapagos 4 - 2009

Vous voyez cette couverture ? Eh bien, elle représente l’été. Hum, oui, il faut bien reconnaître que ce n’est pas évident à première vue. Ni même après un examen prolongé… Et pourtant c’est bien ainsi qu’après l’automnal The Harvest en 2004 (avec Maker), l’hivernal Freezer Burner en 2006 (avec Meaty Ogre) et le printanier The New Wine en 2008 (avec Kip Killagain), Qwel concluait sa tétralogie symbolico-conceptuelle sous perfusion biblique. Il le faisait en renouant avec le producteur qui l’avait accompagné lors du premier volet, qui restait, et reste peut-être, le meilleur. Content de se retrouver (ils remettront le couvert ensemble quelques années plus tard avec Beautiful Raw), ils se passent ici de tout invité, à l’exception de l’apport de deux DJ jouant des platines sur trois morceaux.

Qwel reste Qwel, un peu illuminé sur les bords, et il faut faire avec. De toute façon, avec un ensemble intitulé «Four Seasons/Four Horsemen», on ne peut pas dire qu’il trompait son monde. Et ici le premier morceau, après la petite intro teintée jazz-rock, s’appelle « Gnosticism »… Conformément à la vocation de l’ensemble, donc, et pour peu qu’on pige des textes du genre contourné, on le retrouve dénonciateur et moralisateur, pourfendant le conformisme et la superficialité de ses contemporains tout en s’évertuant à réveiller les consciences endormies. Si la ferveur qui l’anime fait parfois un peu flipper, avec un discours dans lequel on trouve à boire et à manger (mais peut-être moins que sur certains morceaux de jeunesse), c’est aussi ce qui lui donne ce flow enfiévré si efficace, aussi bien quand sur un mode un peu geignard que dans un style teigneux, la langue posée sur l’accélérateur (« Fear as a Weapon »). Ce qui le rend diablement bon, même s’il n’aimerait pas cet adverbe.

Et puis il y a Maker. Pour bien faire les choses, d’ailleurs, il faudrait peut-être inverser la place de leurs noms sur la pochette. Car comme sur The Harvest le disque lui doit aussi beaucoup, à lui qui réussit à nouveau un sans faute, même en se nourrissant de sources assez variées. Qu’il y mettre un soupçon de reggae (« Paper Dolls ») ou une touche indianisante (« White Elephant »), qu’il mise sur des boucles entraînantes (« Gnosticism », les cuivres sur « Back Stage Pass »), des sirènes (le refrain de « Har Megiddo ») ou de subtils arrangements (« No Joke », très réussi), c’est toujours à bon escient et avec soin, à l’image des transitions et ponts entre certains morceaux. Le refrain orientalisant de « Friend or Foe », assez inattendu, se fond ainsi très bien dans l’ambiance lourde posée par le beat, surtout avec quelques cuts. La combinaison entre les deux hommes fonctionne dans l’ensemble à merveille, comme sur « Berzerker » où la musique comme le flow collent à un morceau dont le thème évoque un conditionnement social qui tourne à la machinerie infernale.

Si la pochette du disque est assez éloignée des images habituellement associées à l’été, le disque n’est pas si noir, si ténébreux qu’elle le laisse paraître, même s’il l’est nettement plus que The Harvest. En témoigne un morceau final, « Golden Era », nostalgique mais plutôt enjoué. Solide et prenant de bout en bout, So Be It terminait l’œuvre entamée il y a dix ans d’une très belle façon. Une œuvre sacrée sans doute pas, mais une sacrée œuvre à coup sûr.

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