Sayd des Mureaux
Formé aux côtés d’Expression Direkt et de Chimiste, il est devenu au début des années 2000 l’un des producteurs français les plus demandés. Les pieds toujours dans le 7.8. mais le regard vers le Maroc, Sayd des Mureaux revient sur son CV, entre Sat, Rohff, Kery James et son amour pour le son californien.
Le lieu, dans une ruelle discrète des Mureaux, pourrait être une parabole de sa situation artistique actuelle. Au milieu d’un terrain encore en friche se tient une maison neuve, dont le salon spartiate annonce à son propriétaire encore pas mal de travaux. Une pièce est pourtant mieux équipée que la salle de séjour : un home studio au premier étage. C’est là que nous accueille Saïd Nabil, mieux connu sous son nom d’artiste, Sayd des Mureaux.
Il y a un peu moins d’une dizaine d’années, son nom était au crédit des plus grands succès commerciaux du rap hexagonal : La Fierté des nôtres et Au-delà de mes limites, les deux doubles albums qui ont définitivement installé la cote de popularité de Rohff, et Brut de femme de Diam’s, sur lequel il a signé parmi les plus gros tubes de la jeune retraitée. Ajoutés à son travail sur les albums de Sat, de Kery James, de la Mafia K’1 Fry ou du 3e Œil, Sayd a l’une des discographies les plus solides parmi les producteurs de cette époque. Une période où le son large et entêtant de Sayd, inspiré par les canons du rap californien encore traumatisé par 2001 de Dre, épousait l’ardeur de conquête du rap français.
Pourtant, tel son pavillon en chantier, l’ancien rappeur de « Ouf dans ma tête » semble aujourd’hui repartir de zéro, ou presque. Entre des formations dans l’audiovisuel, ses projets musicaux avec des rappeurs marocains, et son travail de réalisation sur le prochain album de Rohff, PDRG, Sayd se lance dans de nouvelles aventures après une période plus discrète, en dépit de placements continus sur des albums de Salif, la Scred ou Black Kent. Toujours aux aguets mais débarrassé de toute pression, bavard et peu avare en anecdotes, le muriautin est revenu sur les grands moments de sa discographie.
Abcdr Du Son : Première question essentielle : as-tu vu le jour et toujours vécu aux Mureaux ?
Sayd des Mureaux : [sourire] J’suis pas né aux Mureaux, mais à côté, à Conflans-Sainte-Honorine. Mais j’ai toujours vécu aux Mureaux, j’y habite encore. J’ai failli partir, un jour peut-être, mais les circonstances ont fait j’y suis resté. Je me sens bien dans le 78.
A : Quel souvenir tu gardes de ta jeunesse aux Mureaux ?
S : Je viens d’un quartier qui s’appelle les Bougimonts, où ils sont en train de tout détruire et rénover, ça change beaucoup. J’ai vu le passage d’une ville multiculturelle à une certaine ghettoïsation. Mes voisins étaient sénégalais, portugais, normands. Il y avait ce côté positif, un peu simple et naïf, basé sur l’échange. Ça me rappelle aussi mes premiers souvenirs musicaux, mes premiers pas dans le hip-hop. On était très peu dans ma ville, dans une vibe très funky.
A : Le funk, c’est tes premiers souvenirs liés à la musique ?
S : Oui, le funk, la soul, et la musique orientale, puisque ma mère en écoutait beaucoup à la radio : Farid El Atrache, Dalida, des trucs comme ça. Dans la maison de quartier, on écoutait tous les trucs de l’époque, de la fin des années 80 et début des années 90 : aussi bien du NWA que du François Feldman, Technotronic, Snap!. Il n’y avait pas de séparation, on écoutait de tout. Mais la soul et le funk m’ont beaucoup marqué. Je me souviens avoir vu le clip de « Thriller » de Michael Jackson pour la première fois quand ils l’ont passé sur la une. Et puis Starsky et Hutch ! Il y avait des musiques de malade dans la série. Le hip-hop est venu avec l’émission de Sidney, puis Radio Nova, les films de l’époque sur le mouvement que des potes avaient en VHS. On était une petite communauté de gens qui kiffaient le hip-hop. Sachant que nous, on était dans un secteur où le hip-hop était un truc marginal, un truc de Zulu [sourire].
A : C’était le fait d’être en grande banlieue, loin de Paris ?
S : Oui, parce que les gars de Saint-Denis ou de Vitry étaient plus familiers avec la culture hip-hop, le graffiti, le tag, la danse, le beatbox, le style vestimentaire. Pour les mecs des Mureaux qui n’étaient pas dans cette culture, ils te voyaient dans ce délire, pour eux t’étais complètement à l’ouest ! A l’époque, vers 1991, j’avais acheté une paire de pompes, des SPX. Les gens me disaient : « c’est quoi ça » ?
On a eu une chance, à cette époque, c’est que dans les villes de banlieue comme les nôtres, il y avait du budget pour la culture et les jeunes. Vers 1991, ils avaient monté un projet autour de la culture hip-hop, pour lequel ils avaient appelé un intervenant : Chimiste, futur membre de La Cliqua. Il composait déjà un peu. On rencontrait aussi des gars de Mantes qui étaient dans le mouvement, on commençait à bouger sur Paris pour aller voir Chimiste et d’autres gens. Je bougeais aussi par moi-même, en train, pour traîner dans des magasins. Mais là où j’ai commencé à vraiment rencontrer du monde, me faire un réseau, c’est quand j’ai traîné avec Expression Direkt.
A : Tu les as rencontrés quand ?
S : Ça s’est fait par des amis communs. Du fait que la scène hip-hop du 78 était un peu limitée, des tagueurs des Mureaux en connaissaient d’autres de Mantes, parmi eux il y avait des rappeurs, puisque à cette époque tu touchais à tout. Dans ce groupe, il y avait des gars d’Express D. J’ai rencontré Kertra et toute l’équipe de cette manière, et de fil en aiguille, on s’est mis à travailler ensemble. Chaque membre du groupe voulait épauler des artistes ; Kertra m’a donc parrainé. Ils nous ont fait rencontrer des gars comme Kery James, Rohff, tout ça. Ça s’étale entre 1994 et 1997.
« Ça m’avait intéressé de voir Chimiste, Weedy, ou Mysta D de D.Abuz System travailler sur leurs machines. Donc je me suis dit que j’allais essayer de faire mes propres prods. »
A : Quand ils travaillaient avec Rude Lion jusqu’à la sortie de leur premier album.
S : Voilà. Pendant leur tournée, j’étais souvent là par exemple. D’un autre côté, je continuais de fréquenter Chimiste, du coup j’étais parti avec La Cliqua quand ils étaient passés aux Francofolies de La Rochelle, lors de la première édition des Hip-Hop Folies [en 1995, NDLR], où il y a eu aussi les 2 Bal 2 Neg… D’ailleurs, les 2 Bal sont les cousins d’un gars des Mureaux, L.S., un des deux membres d’Afrodiziak [l’autre membre, Suga, est le grand frère des 2 Bal, NDLR]. Donc tu vois, comme ça, les connexions se sont faites indirectement, par des concours de circonstance.
A : C’est pourtant avec Express D que tu fais tes premières apparitions sur disques.
S : Exactement. Avec Kertra on avait sorti le premier maxi Pas de rêve / Ouf dans ma tête, en 1997. Cut Killer l’avait même placé sur son premier Cut Killer Show. Ils m’ont vraiment le pied à l’étrier dans le business, c’est grâce à eux que j’ai sorti mon premier disque.
A : Tu produisais déjà à cette époque ?
S : Non, je rappais, graffais un peu. C’est après ce single que je me suis mis à toucher aux machines. Déjà à l’époque, ça m’avait intéressé de voir Chimiste, Weedy, ou Mysta D de D.Abuz System travailler sur leurs machines. Je travaillais sur un potentiel album en tant que rappeur, mais je galérais un peu pour trouver des prods, parce que Mysta D composait pour son groupe, Weedy aussi. Ils avaient déjà pas mal de projets, donc je me suis dit que j’allais essayer de faire mes propres prods. C’était plus par nécessité que par réelle vocation. De fil en aiguille, j’ai commencé à apprécier. Après, je ne me suis concentré que sur ça.
A : Tu as commencé avec quel type de matériel ?
S : J’ai racheté celui d’un pote après avoir taffé quelques temps à la chaîne à Renault [à l’usine de Flins, entre les Mureaux et Mantes-la-Jolie, NDLR]. J’avais racheté un Atari 1040, un sampleur, un maitre clavier, Cubase, des platines et des vinyles. Après j’ai investi dans un expandeur, un Roland JV 1080.
A : À l’époque où tu étais rappeur, tu as posé sur pas mal de projets. Pourquoi avoir mis de côté ton côté M.C. ?
S : Je pense que j’ai bien estimé mes capacités de rappeur. Je me disais que je savais rapper mais je n’étais pas un rappeur de ouf, il fallait que je continue à bosser. Et puis la prod m’a beaucoup plus inspiré. Je faisais des instrus, mais je ne trouvais pas d’inspiration pour des thèmes. Je n’ai plus eu la motivation pour continuer à écrire. J’ai fait l’autiste [sourire], je me suis enfermé, à ne faire que des prods.
Une autre chose qui a joué, c’est que j’ai eu de bons retours sur les prods du maxi de Première Unité. Tout de suite, on m’a demandé des instrus : des gens de la Mafia K’1 Fry, de Marseille. J’étais content ! Du coup j’ai commencé à ne faire que ça et je n’avais plus le temps d’écrire. Mais le passé de rappeur m’a beaucoup servi parce que je réfléchissais aux thèmes qui pouvaient coller, aux structures des morceaux.
Première Unité feat. Rohff et Kery James – « 7.8.9.4. » (7.8.9.4., 1999)
S : Aux Mureaux, il y avait très peu de rappeurs. Avec Tarek, un pote qui a essentiellement produit le projet financièrement, on a voulu monter un collectif de plusieurs rappeurs du 78, pas uniquement des Mureaux. L’idée était de faire un maxi suivi d’un album. Et pendant un an et demi on a bossé, sachant qu’un collectif, c’est pas évident, on était six ou sept. A la fin de cette première sortie, on a fait le bilan : « les gars, faudrait qu’on bosse encore, qu’on s’améliore, qu’on fasse plus de répétitions, savoir quel projet on va sortir, s’organiser, etc. ». Tarek avait pas mal de thunes, car à l’époque c’était énorme de fabriquer des CDs, des vinyles. Il a fallu qu’on aille dans un studio à Ivry, c’était couteux ! Mais malheureusement, ça ne s’est pas dégoupillé. Tarek ne voulait pas repartir sur tout ce travail de gestion des egos, c’était assez lourd à porter, et ce n’était pas évident financièrement aussi. Moi-même, en termes de temps, ça devenait compliqué. On a donné à ces mecs des opportunités, c’était peut-être aussi à eux de provoquer les choses. Je peux comprendre que des artistes veuillent que tu les chaperonnes mais, là, c’était aussi à eux de prendre des initiatives. Finalement, chacun a fait son chemin.
C’est un peu dommage, mais c’était une bonne aventure. Certains m’ont reproché de ne pas avoir plus poussé le truc, mais il fallait aussi que je m’occupe de mes affaires. Je reste content de l’avoir fait.
A : Ton son sur cet album se rapprochait plus de l’esthétique du rap new-yorkais que les tendances californiennes que l’on t’a connu plus tard. Quelles étaient tes inspirations à tes débuts ?
S : J’écoutais toujours pas mal les sorties de L.A., toute la période g-funk, mais c’est vrai que ce qui sortait de New York m’a marqué : Mobb Deep, Boot Camp, Wu-Tang, Premier, Pete Rock, Das EFX, Lord Finesse. Du son très rentre-dedans. D’un point de vue matériel, du fait que je travaillais sur sampleur, c’était le son le plus accessible à faire. J’avais pas de Pro Tools, ce genre de choses.
A : Sur YouTube, j’ai aussi retrouvé un titre de Lefty, un des gars de Première Unité,« Fuck les stups et la BAC ».
S : [surpris, NDLR] Je ne me souvenais même plus de ce titre ! Je crois que ce morceau, ils l’avaient récupéré dans un EP de Première Unité, que Tarek avait fait sortir chez Menace Records. C’était des morceaux qu’on avait enregistré suite au premier maxi. [Il prend le temps d’écouter, NDLR]. Oui, c’est bien ça.
A : Sur ce titre était invité le 113, une autre collaboration parmi tant d’autres entre des artistes du 78 et du 94. Comment tu expliques ce lien ?
S : Je pense que c’est simplement par des amis en commun et des états d’esprit assez similaires. Je crois que Rude Lion avait par exemple déjà beaucoup de potes dans le 94 à l’époque où il s’occupait d’Express D. Il y a toujours eu des affinités, un respect mutuel. Les gars du 94 n’étaient pas des rigolos, comme ceux du 78 [rire]. Je pense que ça part de cette époque-là.
A : Dans la vision du rap entre les deux scènes, j’ai l’impression qu’il y avait quelque chose d’assez similaire.
S : Je pense que c’est cet élément-là qui a réuni le rap du 78 et du 94, ce côté rap de quartier, de proximité, plus direct. Le rap Parisien, ou celui du 92, pouvait être très engagé, mais plus technique.
Kery James – « Y’a pas d’couleur » (Si c’était à refaire, 2001)
A : Ton premier gros single.
S : Carrément ! A cette époque, Kery James cherchait pas mal de prods dans un style particulier par rapport au choix qu’il avait fait. Il avait fait des appels autour de lui, je lui ai dit : « ok, je vais bosser ». C’était pas du tout dans mon répertoire ! Là, tout est joué, sur mon expandeur 1080. C’était en 2001, donc j’avais un PC, plus d’Atari [rire]. C’était un peu plus élaboré au niveau du matos. C’était un challenge, parce que c’était pas évident de partir dans ces horizons-là. J’avais fait pas mal de prods, une quinzaine. Je lui ai fait écouter cette première jetée, ça ne lui parlait pas. J’en ai refait quatre ou cinq, dont il en a retenu une. Et ça a été très vite parce qu’ils avaient pris un studio. Jeff Dominguez [ingénieur du son français, qui a notamment travaillé sur des albums d’Ideal J, Fabe et Oxmo Puccino, NDLR] avait mixé le truc rapidement. Je pense que ça n’avait pas été fait dans l’optique d’être un single. Il voulait simplement sortir un morceau avec un thème précis.
A : Tu avais connu le Kery d’Ideal J, très énervé. Ce changement artistique, comment tu l’as perçu ?
S : Au départ, forcément surpris, comme beaucoup de monde. Mais j’ai compris, parce que tout homme peut avoir une réflexion quand il arrive quelque chose à un proche. Je pense que c’était quelqu’un d’intéressé par la religion à la base. Ce désir de faire des messages de paix, d’unité, j’ai trouvé ça bien. C’est vrai que c’était surprenant de passer de « Hardcore » à « Y’a pas d’couleur », mais je me dis que la sagesse des hommes n’a pas d’âge.
D’un point de vue artistique, il a bien fait. Il a fait un très bon album, des titres très importants, avec des vrais messages. J’avais des amis autour de moi qui ne calculaient pas le Kery James époque « Hardcore », et qui d’un seul coup découvraient un rappeur qui les touchait, dans son discours de partage, de paix. « Deux Issues », c’est un super morceau. J’étais dans le clip d’ailleurs, à l’époque où j’avais des cheveux [sourire]. Il a voulu rassembler dans le rap français plutôt que d’opposer, à l’époque où commençaient les petites guerres.
Carré Rouge – « Notre attitude » (De la Part de l’ombre, 2001)
S : J’ai produit trois titres sur cet album. C’était les premiers marseillais avec qui je collaborais. Express D et moi connaissions des Marseillais. J’avais des amis des Mureaux, par exemple, qui étaient cousins avec François d’IAM [Kephren, ndlr]. La Fonky Family était venue faire un concert sur Mantes. Kertra a fait poser pour la première fois les Psy 4 sur un projet, sorti par Bayès ou Desh, je ne sais plus, vers 96 ou 97. A l’époque, des gars de Carré Rouge trainaient avec la Fonky Family. J’avais rencontré, par l’intermédiaire des gars de la Mafia, les mecs du 3e Œil.
Comme je commençais à produire, ça a intéressé les gars de Carré Rouge qui appréciaient mon boulot. J’étais descendu à Marseille sur un projet de compilation qui devait se faire, c’est comme ça qu’au final j’ai placé des productions sur leur album. En plus je crois qu’un des gars qui s’occupait de Carré Rouge était un mec de Mantes, Mahmoud. Donc tu vois, c’était vraiment tout un réseau.
3e Œil – « Si triste » (Avec le coeur ou rien, 2002)
S : En travaillant avec Carré Rouge, j’allais souvent à Marseille. A cette même période, le morceau de Kery James tournait beaucoup, ça m’ouvrait des portes dans le business – c’était le premier projet sur lequel j’avais pris du budget. Donc à partir de là, je rentrais vraiment dans le business du disque, je commençais à vendre mes prods.
Ils avaient apprécié mon travail pour Carré Rouge. A cette époque, j’étais très productif, je ne faisais que ça. Surtout, je commençais à jouer un peu plus, donc j’explorais, je mélangeais sample et composition. Ils m’ont pris quatre prods pour cet album. « Si triste » n’était pas spécialement destiné à être un single. C’était un beau morceau, j’étais content d’avoir trouvé cette boucle et le travail que j’avais fait dessus. En plus, c’était tombé l’année d’Urban Peace, où ils l’ont joué.
A cette époque, ils étaient chez Columbia / Sony, qui avait ses propres studios. Ils étaient donc montés de Marseille pour enregistrer. J’étais juste descendu une fois, mais sinon tout l’album a été essentiellement fait à Paris. Je suis ensuite descendu à Toulouse pour le mix, à Polygone.
Très bons souvenirs, les gars du 3e Œil sont des potes, très sympas, très humbles. Il y a eu un vrai échange humain, ça ne s’est pas fait dans des conditions business à proprement parler. Je les connaissais depuis quelques temps, je les ai vus évoluer, et eux étaient intéressés par mon travail. Ça facilite les choses. Et puis c’était aussi la bonne époque en termes de budget, les maisons de disques mettaient les moyens [sourire]. Ça me permettait d’aller plus loin dans mon boulot sur mes prods.
A : Tu disais être descendu à Polygone pour le mix. Tu avais déjà des notions dans ce domaine à cette époque ?
S : Sur Première Unité, j’avais déjà un peu tâté. Pour l’album du 3e Œil, je n’avais que quatre titres mais j’étais descendu une semaine, parce que ça m’intéressait grave. Je cassais un peu la tête à l’ingénieur du son, mais c’est important d’échanger avec l’ingé son, ça te permet d’apprendre des choses et lui de comprendre où tu veux amener ton morceau. En termes de grain, de balance, je savais ce que je voulais, mais s’il peut t’apporter un truc en plus, c’est mortel. Par exemple, « Si triste », le son de base n’est pas structuré comme ça, l’ingé a amené un autre délire. Au début ça m’a fait bizarre, j’étais un peu dégouté, mais au fil du temps, je me suis dit qu’il avait eu raison. Ça a été une bonne semaine, parce que j’avais déjà été dans des studios pro, comme Davout par exemple. Mais Polygone, c’est vraiment un studio résidence, tu dors là-bas, tu y manges, il y a même une piscine !
Sat – « Dans le 13 » (Dans mon monde, 2002)
A : C’est probablement sur cet album que tu prends un virage plus californien dans ton son.
S : Je vais pas te mentir : Chronic 2001 [rires]. Quel beatmaker n’a pas été marqué par cet album ? Cet album, mais aussi tout le boulot qu’il a fait à cette époque, sur les albums de Snoop, Xzibit, Eminem. C’est californien mais pas forcément g-funk. Dre est vraiment parti sur ce son où tout est joué, avec un groove très laid-back, mais avec un côté plus punchy, new yorkais. Et puis au niveau du mix, tu te manges une claque de ouf. Quand l’album instrumental est sorti après, je me suis régalé. Même aux États-Unis, ça a bouleversé la production. Là, j’ai compris le travail de producer, de réalisateur artistique, comment faire en sorte que ça sonne. Même s’il y a eu d’autres choses avant qui m’ont fait comprendre ce qu’était une grosse prod. Par exemple, un titre comme « Comme d’hab » [de Sat également, présent sur le même album, ndlr], il y a ce côté funk, mais qu’on retrouvait plus chez Rockwilder. Ça a changé la physionomie de mes productions, ma manière de faire de la musique. J’ai essayé d’avoir cette palette-là aussi, pour ne pas faire que des trucs très New York.
A : Ce genre de sonorités pour l’album de Sat, c’est toi qui lui as proposé ou c’était une demande ?
S : C’est moi qui lui ai proposé. A l’époque c’était assez intéressant de bosser sur ce genre de sons avec Sat, surtout moi qui suis un grand fan de la Fonky Family. Lui et le Rat Luciano étaient pour moi des grands rappeurs. Avec lui, on a eu un bel échange, on est deux passionnés de musique, il était réceptif à mes propositions. Le travail de réalisation artistique s’est vraiment mis en place, là. Je suis descendu sur Marseille, lui montait sur Paris, on se voyait souvent, on essayait des choses. Il était demandeur de concepts, de directions. Pour « Dans le 13 », on est donc partis sur quelque chose de laidback. Il ne s’était jamais essayé à faire du west coast, mais il ne s’est pas posé de questions.
A : Dans un autre esprit, il y a la prod de « Strange Day » qui marque aussi.
S : Le morceau en lui-même, cette histoire qui lui est arrivé, c’est un truc de ouf. J’aime beaucoup cette prod, parce qu’il a su connecter la musique et le texte, c’est très bien intégré. Quand tu réécoutes ce genre de morceau maintenant, c’est intemporel. C’est la différence pour moi entre des vrais bons morceaux, des classiques, et des morceaux… intéressants à écouter. Ce qui est vraiment mortel c’est que ça s’est fait sans prise de tête : lui m’a parlé du thème, on a retravaillé la structure, ça s’est fait naturellement.
« Quand j’ai terminé « Le Son, c’est la guerre », j’arrêtais pas de me la faire tourner. Pour une fois, j’étais satisfait à 100% de ce que j’avais fait. »
Rohff – « Le Son c’est la guerre » (Le Son c’est la guerre, 2003)
S : Je connaissais Housni depuis longtemps. Suite au succès important de La Vie avant la mort, on s’était un peu moins vus, il était très demandé. Et puis on s’est recroisé. Il voulait revenir avec un morceau dur, hardcore. Du coup, j’ai composé cette prod après avoir trouvé la boucle magique – que je n’ai pas mis longtemps à chercher, d’ailleurs. J’écoute beaucoup de vinyles, et ensuite je répertorie. J’ai donc retrouvé cette boucle, puis j’ai composé à partir de ces idées, avec cette intro très orchestrale, très cinématographique. Quand je l’ai terminé, j’arrêtais pas de me la faire tourner. Pour une fois, j’étais satisfait à 100% de ce que j’avais fait – d’habitude, c’est plutôt à 60% [sourire]. Les autres beatmakers doivent connaître ça. Là, j’avais des frissons en écoutant la prod. J’étais vraiment satisfait, parce que je m’étais pris la tête vraiment sur tout : la grosse caisse, la caisse claire, la compression, l’égalisation, la stéréo du sample, le grain. Je ne voulais pas sonner comme ce qui se faisait dans le rap de l’époque. Je commençais vraiment à rentrer dans un travail d’ingé, à peaufiner le son, avec cette référence de 2001. Je voulais que ce soit si bien produit, que l’ingé n’aurait plus qu’à sublimer le truc au studio.
J’espérais que Rohff allait kiffer autant que moi. Je lui ai fait écouter, et il a tout de suite accroché. Il n’arrêtait pas de le faire tourner dans sa voiture [sourire]. On a été en studio pour qu’il pose, j’étais avec lui du début à la fin. Comme on se connaissait depuis longtemps, au niveau de l’échange, je pouvais me permettre de dire : « ça c’est pas bon, tu dois reposer ». Au final, il y a eu deux versions différentes de ce morceau : une version vinyle, avec la bonne version du mix pour moi, et l’autre version qui a été mise dans la réédition de La Vie avant la mort.
Encore aujourd’hui, beaucoup de gens me reparlent de ce morceau. Il y a eu plein de gens qui voulaient des prods comme celle-là. Ils ne se focalisaient que sur cette prod qui les avait marqué. Je leur disait : « je l’ai fait une fois, je ne vais pas le refaire une deuxième fois. Pour moi il n’y a aucun intérêt ». Ça m’a projeté dans un autre niveau en termes de travail et de notoriété, mais aussi une certaine pression.
Diam’s – « Mon répertoire » (Brut de femme, 2003)
S : La rencontre avec Diam’s s’est faite par Choukri, qui était l’ancien manager de Rohff et d’Idéal J et que j’ai rencontré vers 1997 [Choukri Essadi, également oncle de DJ Mehdi, NDLR]. Je ne connaissais pas Diam’s personnellement, mais elle avait entendu parler de mon travail. Choukri m’a donc sollicité, et je lui ai dit oui tout de suite. A cette époque, je choisissais les gens avec qui je voulais travailler. Si le délire ne correspondait pas, je préférais décliner.
Apparemment, j’avais ramené des choses différentes de ce qu’on lui proposait en termes de prods. Elle a donc accroché à celle-là, « Mon répertoire », et à celle de « Incassables ». Pour « Mon répertoire », on a retravaillé la première version que je lui avait faite écouter, avec un pote bassiste chez moi, puis en studio avec un guitariste. Pour les deux titres, il y a eu un travail de réalisation de A à Z, j’étais là de l’enregistrement au mix. J’ai vraiment fait en sorte d’être présent, ce que je faisais depuis 3e Œil finalement. Super expérience humaine et artistique, elle a plié le morceau, et chose rare pour le rap à l’époque, elle rendait hommage à tout un panel d’artistes.
« Mon répertoire » et « Incassables » sont devenus des singles, alors qu’ils n’ont pas été faits dans cette démarche. « Incassables » tournait sur NRJ quand même ! D’ailleurs, il y a eu une première version du mix qui était sur l’album dont je n’étais pas satisfait, je leur ai dit. Au début ils ne m’ont pas écouté, mais finalement pour la sortie du single, on l’a retravaillé. J’y ai donc rajouté des guitares, un peu d’arrangements sur le troisième couplet.
« Mon répertoire » s’est retrouvé deuxième morceau sur le CD deux titres du single « DJ », vendu à plus de 500.000 exemplaires. Entre ça et le single de Kery James qui tournait beaucoup en radio, j’ai vu ce que ça ramenait financièrement à la fin du mois [sourire]. A l’époque, un titre en airplay tournait cinq ou six mois, donc forcément en termes de SACEM… J’ai commencé, modestement, à réellement vivre de ma musique à ce moment. Vers 2001 ou 2002 j’ai signé un contrat d’édition chez Universal Publishing. J’ai beaucoup réinvesti dans la musique, en matériel. J’ai essayé de gérer au mieux, parfois on se trompe, mais je n’ai pas acheté de gros 4×4 direct !
A : Pour revenir à Diam’s, tu as retravaillé avec elle l’année d’après pour son titre avec Sinik, « Le Même sang ».
S : Diam’s m’avait appelé, en me disant que Sinik cherchait des prods. Je lui ai donc envoyé à elle, ils ont écouté, et ils avaient retenu celle-là pour l’album. Par contre, là, ça n’a été qu’un contact avec Diam’s, Sinik je ne l’ai jamais vu. J’ai souvent vu ses managers, qui sont venus jusqu’aux Mureaux. Je leur ai donné les pistes avec mon pré-mix.
Mafia K’1 Fry – « Balance » (La Cerise sur le ghetto, 2003)
S : J’étais en studio quand ils ont posé. Manu Key s’occupait de la réalisation sur cet album. J’avais lancé des prods, ils avaient tous plus ou moins kiffé sur la même, ils ont posé au fur et à mesure. Juste après, on a mixé le morceau avec Fred le Magicien, qui a d’ailleurs pratiquement mixé tout l’album de la Mafia. Beaucoup de gens ne savaient pas forcément que c’était moi qui avait produit ce morceau. J’en ai eu de bons retours.
A : Tu citais Fred à l’instant, il y a des ingés avec qui tu préfères travailler ?
S : Fred, forcément. C’est devenu un bon ami, il m’a aidé dans mon évolution d’ingé son, il m’a appris pas mal de petits trucs. Jeff Dominguez, aussi. C’est avec ces deux personnes qu’il y a eu une vraie relation. Il y en a un autre, plus jeune, avec qui j’aime bosser, c’est Fred Landu [Frédérick N’Landu, ingénieur du son français qui a travaillé avec Kery James, Youssoupha, Médine, ndlr]. Il fait un peu de compo, il connait la musique. Sinon il y en a un autre bien sûr qui m’a marqué, et qui n’est pas n’importe qui : Richard « Segal » [Richard Hurredia, ingénieur du son qui s’est rendu notamment célèbre pour son travail avec Dr. Dre, ndlr]. J’ai appris énormément en le regardant bosser. Sur l’album de Rohff, il y avait un ingé français, et lui, un américain : c’était deux méthodes différentes. Il allait à l’essentiel, il ne réfléchissait pas en termes de variation de fréquences, de modulation.
Avec d’autres ingés, ça a été beaucoup plus compliqué. Ça partait au clash, au point qu’il y en a un à qui j’ai failli en coller une. Et je ne peux toujours pas le piffrer. Quand tu parles à quelqu’un qui a un an d’expérience de beatmaking, je veux bien, mais quelqu’un qui en a déjà plus de cinq, qui a fait des choses, il faut échanger. Surtout sur la balance de la musique. Tu as bossé pendant cinq heures chez toi pour bien placer tes sons, et l’ingé passe deux heures à tout rechanger, à bousculer le groove de base. Certains sont sourds et ne sont pas dans l’échange, « laissez-moi deux heures tranquille ». Je comprends que l’ingé, à un moment, doit faire son boulot, qu’il soit face à son mix, qu’il se concentre et reste seul. Mais en même temps, c’est à lui de trouver la capacité de proposer des choses, de dialoguer. Certains, parce qu’ils sont bien connectés en maison de disques, potes avec des D.A., pensent qu’ils sont intouchables. Le travail artistique, c’est beaucoup de psychologie.
Rohff – « Pleure pas » (La Fierté des nôtres, 2004)
A : Sur ce titre, tu as repris un sample de variété française. Tu as déjà eu un problème au niveau des droits ?
S : Non, parce que j’ai toujours tout déclaré. Par exemple, sur « Strange Day » de Sat, c’est Yves Duteil. On a fait la demande, ils n’ont pas trop demandé en termes de budget, surtout que le mec est éditeur de ses propres trucs.
Après, c’est des choix de samples. Il y en a certains, c’est inévitable, tu es obligé de déclarer, surtout en chanson française, il ne faut pas rigoler avec ça. Pour d’autres, c’est plus compliqué. Un des morceaux qu’on a évoqué avant – je ne vais pas dire lequel, on ne sait jamais [sourire] – on a cherché à contacter les artistes originaux, mais on n’a pas réussi à les joindre.
A : Là, sur ce morceau, il y a un vrai travail sur le sample.
S : Il fallait qu’on revienne fort après « Le Son c’est la guerre ». La pression dont je te parlais [sourire]. On voulait un morceau hardcore, mais avec un autre délire. Rohff voulait que je fasse partie de l’équipe, qu’on fasse les choses ensemble, un travail d’équipe.
A cette époque, c’était un peu compliqué pour moi. Je devais déménager et je n’avais pas trouvé de nouveau logement, mais la proprio était pressante, alors que j’avais fait des travaux, qu’elle ne m’a d’ailleurs toujours pas remboursé. C’était un peu tendu. Du coup, je faisais des nuits blanches, que je passais à faire de la compo. On s’appelait avec Rohff, on se donnait des idées, dont celui d’un morceau rentre-dedans comme « Le Son c’est la guerre ». Je suis tombé sur ce sample qui dit « pleure pas », et me suis dit que ça pouvait être marrant.
A : Ça donne au morceau un côté plus ironique que dans « Le Son c’est la guerre ».
S : Voilà. Je l’avais d’ailleurs référencé sous « Pleure pas, MC », du genre « si j’te défonce en flow, en technique, c’est pas grave, faut pas pleurer ». C’était vraiment intéressant de ramener un concept comme ça. J’ai bien travaillé la production derrière, pour que ça sonne. On a galéré pour que le mix sonne bien, mais on a réussi à faire ce qu’on voulait.
A : Quel regard tu portes sur ton expérience de réalisation sur cet album ?
S : Du point de vue du travail sur cet album, on l’a vraiment fait pour le kif de produire de la bonne musique, des bons thèmes, du bon rap. Il n’y a pas eu de calcul. C’est un album qui a été fait sereinement, en période de ramadan. C’est toujours une période un peu plus convivial, dès fois je ramenais des plats que ma mère avait fait, je préparais du thé à la menthe.
Rien n’a été fait dans l’urgence, ça permettait d’avoir un vrai recul. On rebondissait à chaque idée ou thème qui s’échangeait. Rohff était dans un souci d’amener quelque chose de différent musicalement. Il se prenait vraiment la tête sur son flow, il était exigeant, mais il a installé une vraie complicité. Le fait qu’il me fasse confiance, alors qu’il venait d’un gros succès avec son deuxième album, ça me motivait. Il y avait une certaine pression, mais je ne calculais plus rien, les meufs, tout ça : juste la musique.
Ça s’est fait en comité restreint : Rohff, Karlito et moi. Parfois, il y avait Ikbal. On devait être trois à chaque fois, dans un studio de Courbevoie, des journées entières. C’était facile pour moi en plus : des Mureaux, je prenais l’A14, j’arrivais directement là-bas, ça m’arrangeait grave !
A : Tu l’as mentionné un peu plus tôt : sur cet album, vous invitez donc Segal.
S : Rohff cherchait un américain pour le mix. Mon manager de l’époque travaillait chez Columbia et avait déjà travaillé avec Richard, sur un album de Stomy Bugsy, à L.A.. Moi je leur ai dit : « si Hostile a du budget, j’ai le contact du mec qui a fait 2001. En plus d’après les infos que j’ai, c’est qu’il ne prend pas plus cher qu’un ingé français. Faut juste lui payer le billet d’avion. Et pour le mastering, essaie de faire ça par Brian « Big Bass » aux studios de Bernie Grundman ». Ce mec, Big Bass, a fait des trucs de ouf en rap et en métal. A cette époque en plus, tout le monde faisait du e-mastering à Sterling Sound [célèbre studio new-yorkais, NDLR], un mastering par Internet, une grosse carotte. C’était un ingé son français que je n’aime pas qui avait ce plan-là. J’ai dit aux gars : « le but, c’est de ne pas faire comme tout le monde « . Rohff pouvait imposer des choses à la maison de disques pour sortir des schémas habituels.
Ils ont fait venir Richard, et on a vu la différence entre lui et l’ingénieur du son français qui a bossé sur l’album. Déjà une différence humaine : le mec est super humble, il ne se la raconte pas, alors qu’il a mixé « Next Episode » et « X » ! C’est la première fois qu’il venait en France, on a voulu le mettre bien. J’ai demandé à ma mère de faire un couscous pour lui faire goûter, je lui ai fais découvrir le thé à la menthe [sourire]. C’était un état d’esprit chaleureux.
A : Tu parlais de pression tout à l’heure : il y avait beaucoup de producteurs américains sur cet album.
S : Ouais! Jonathan Rottem n’était pas encore connu, il n’avait pas encore explosé. Moi je le connaissais un peu, comme je suivais la scène west coast, et je savais qu’il avait déjà fait quelques trucs. La pression a été là, parce que quand tu reçois une session de Jonathan Rottem, les pistes séparées, le truc sonne et groove direct. T’as juste à pousser les boutons, et c’est mixé ! Il n’y a pas 25.000 pistes dessus, ça va à l’essentiel, comme « Charisme » : super belle mélodie, simple, efficace. DJ Khalil, pareil, et encore moins connu que J.R. à l’époque ! J’ai fait des arrangements sur son morceau, « Dur d’être peace ». Ils n’ont même pas été trop chiants au niveau des éditions. Au début ils faisaient un peu la gueule, mais ils ont lâché le truc. C’est le travail de proximité, ça joue.
Kery James feat. Rohff – « L’Enfant » (Savoir & vivre ensemble, 2004)
S : Comme « Y a pas d’couleur » avait bien marché, Kery m’a contacté pour un projet dans la lignée de ses exigences au niveau de la musique. Il fallait se replonger dans le style que voulait Kery, c’était pas évident de passer du coq à l’âne. J’avais fait pas mal de prods avant qu’il en retienne deux, dont ce morceau, et un autre, « La Force » avec Soprano et Rohff. Ça s’était fait dans un studio du côté de Saint-Ouen, avec Jeff Dominguez – d’ailleurs je me souviens que l’assistant, c’était Fred Landu. La démarche était intéressante, le fait de reverser l’argent à des associations, donc forcément ça te donne envie de t’impliquer encore plus. J’ai répondu tout de suite présent.
Jango Jack – « Trop de démêlés (Remix) » (Sayd des Mureaux Story, 2005)
A : Ce genre de projets, mélangeant rétrospectives, remix et instrumentaux par un producteur français, n’était pas fréquent.
S : J’ai eu le souci de faire quelque chose de différent. De 1998 à 2005, j’ai beaucoup bossé, pas de vacances. A un moment, tu as besoin de te poser, de faire un bilan. Fin 2004, après l’album de Rohff, je suis parti en vacances, ça faisait des années. J’avais réglé mon problème de logement, des choses commençaient à se décanter.
J’ai eu besoin de faire une rétro de ces sept ans de musique, un bilan informatif auprès du public. C’était vraiment une opé de communication, je ne l’ai pas sorti pour faire beaucoup d’argent. J’avais aussi des morceaux qui trainaient dans les tiroirs, des remix, ça m’a permis de les remettre.
On commençait à rentrer dans une époque où on ne sortait plus de faces B avec les instrus. Pour les MCs, pour les mecs en radio, c’est bien d’avoir des instrus. Il y avait donc plusieurs utilités, y compris faire connaître mon pote DJ Mounir.
Ça permettait d’avoir une carte de visite crédible, surtout que ça correspondait au moment où j’ai ouvert mon premier site Internet. Je voulais vraiment faire de la communication sur moi-même. En France, les producteurs sont un peu mis à l’écart. J’avais la chance que des gens comme Rohff, Kery ou Diam’s me citaient dans des émissions radio ou leurs morceaux.
A : Le remix, c’est un exercice que tu fais souvent ?
S : Non, mais j’aime bien quand le morceau original me plait vraiment. C’était un peu la mode à un moment, avec des a capellas cainris, mais ça ne m’a pas plus emballé que ça. C’est un exercice particulier.
A : Il y avait un remix un peu différent aussi, puisque c’était pour un morceau de Khaled.
S : C’était AZ qui m’avait demandé un remix, sans trop savoir ce qu’ils voulaient en faire. Donc au final c’est moi qui l’ai gardé et sorti [sourire].
A : On a vu une grosse vague de mélange entre rap et musique orientale en France à un moment. Ça ne t’a jamais intéressé de développer ça ?
S : Non. La musique orientale, il faut maitriser le truc. J’aurais pu essayer, mais personnellement quand il y a des choses que je ne maitrises pas, je ne préfère pas trop m’y aventurer, je ne veux pas faire quelque chose de moyen. Il y a des codes qui me sont familiers dans la musique orientale, mais je ne me voyais pas faire du raï’n’b ou ce genre de choses.
Rohff – « Fumer un mec » (Au-delà de mes limites, 2005)
S : A cette époque, je me suis mis une grosse pression, je me prenais trop la tête. Je n’étais jamais satisfait par mes prods, alors que c’était peut-être bon ! J’avais eu sept ans de boulot intense, avec un certain succès, et suis reparti sur un autre double album avec beaucoup d’attente ; je me suis mis une pression néfaste. C’est pour ça que je n’ai que trois prods sur ce projet.
A : Tu es tout de même satisfait de ces trois compositions ?
S : Bah ouais, du coup j’en suis content, justement ! Que ce soit « Le Temps passe », « Bonhomme » – c’était le début des sons sudistes en France -, et celui-là, « Fumer un mec ». Pour ces morceaux, ça a été dur de trouver le truc qui me faisait vibrer. Mais j’étais souvent là, que ce soit pour réaliser, faire de l’arrangement sur d’autres titres, mais pas autant que pour La Fierté des nôtres. C’était une période un peu dure, Rohff voulait que je sois plus là, mais l’inspiration ne suivait pas. Après des gros succès, tu essaies d’innover, tu es un peu pollué artistiquement.
A : Tu as eu l’équivalent de la feuille blanche pour un rappeur.
S : C’est exactement ça, voilà.
A : Ça explique que sur les albums de Rohff suivants tu n’as pas des prods ?
S : Essentiellement. Et puis le contact qui s’est effrité. Ma situation personnelle avait changé, lui avait changé d’entourage, on s’est forcément éloigné.
A : Tu me disais que vous aviez repris contact ?
S : Oui, ça fait presque deux ans. On a travaillé sur des petites choses, pour son prochain album, au niveau de la réalisation. On a d’abord renoué des liens amicaux, puis des liens artistiques. On a chacun vu notre évolution respective. Ce qui n’a pas bougé, c’est notre envie de faire de la bonne musique, surtout qu’on a plus d’expérience. Je pense qu’à son niveau, c’est peut-être dur de cerner les gens qui sont vrais avec toi et ceux qui ne sont pas sincères. Il fallait redéfinir nos fondamentaux.
A : Tu parlais de liens autant amicaux qu’artistiques avec Rohff : quel regard tu portes sur sa carrière ?
S : Il a une carrière riche, de bonne musique mais aussi d’épreuves difficiles, de polémiques. Il est parmi les artistes qui ont réussi à amener de nouvelles choses musicalement, qui ont ensuite été suivi par d’autres. Il a sorti un certain nombre de classiques. Sur le dernier album [La Cuenta, NDLR], il y a des trucs que je ne kiffe pas, mais on peut dire que le gars a prouvé. Aujourd’hui, la chose qu’il doit faire, c’est se faire plaisir en gardant ses fondamentaux : faire de la bonne musique, et essayer d’amener des cycles, comme il l’a fait à une période et comme d’autres l’ont fait, comme Booba ou Kery. Rohff, c’est un des rappeurs qui a réussi à avoir un public qui le suit depuis très longtemps, depuis ses premiers albums. C’est ce public qui achète tes disques, va à tes concerts, qui chante tes paroles par cœur. Je pense qu’il a encore des choses sous le capot.
Chino XL feat. Rohff – « Time » (Warning, 2006)
S : Je n’étais pas là pour ce remix [le titre est en fait un remix de « Le Temps passe » de Rohff, présent sur Au-delà de mes limites, ndlr], mais on m’a raconté ce qu’il s’est passé. Rohff était à L.A., pour le clip de « La Puissance ». Awer de Générations – paix à son âme -, avait des grosses connexions avec les gars du Wake Up Show [émission de radio très populaire aux États-Unis animée par Sway et DJ King Tech, NDLR]. Du coup, ils se sont retrouvés là-bas, lui et Rohff, avec les animateurs, et Chino XL, qui était là aussi. C’était la première fois qu’un artiste français passait dans cette émission. Ils ont écouté l’album, Chino XL avait visiblement bien kiffé la prod de ce morceau, et il a proposé de faire un remix.
A : Ça ne t’a jamais intéressé de partir aux Etats-Unis pour tenter ta chance ?
S : Si, beaucoup ! J’y compte encore, c’est dans mes objectifs d’avenir. J’avais des gens qui y étaient, qui étaient susceptibles de faire des choses. Notamment DJ Spank, qui avait monté F.B.I. [« French Beats International », NDLR] et m’y avait plus ou moins intégré. Mais lui a ses affaires à gérer aussi, je pense que si tu veux faire quelque chose, il faut que tu sois directement sur place.
Par Richard j’avais aussi des contacts, je lui envoyais des sons, mais Richard n’est pas un manager, c’est un ingé son. Aux États-Unis, il y a une réalité qu’il faut comprendre : il faut que tu arrives avec la musique qu’ils n’ont pas, un catalogue qui peut les intéresser, un challenge artistique. Il faut aussi forcément avoir un manager, un référent, qui va gérer ton business. Et surtout, il ne faut pas arriver là-bas en te disant que tu vas placer des prods pour Fifty ou pour Def Jam. Les mecs s’en foutent que tu aies produit sur un album de platine en France. Si les gars ont le budget pour avoir Lex Luger, ils ne vont pas en prendre une copie. Il faut se dire que tu repars de zéro, et que tu es prêt à donner des prods, pour une mixtape, juste pour avoir ton nom dessus. Et puis surtout, il faut être anglophone ! Je comprends un peu, mais il faut que je travaille plus.
Sat – « Que Sont-ils devenus ? » (Second souffle, 2008)
A : Pour rebondir sur le nom de l’album, retravailler avec Sat, ça a été un « second souffle » ?
S : C’est un petit peu revenu oui. Quand tu travailles avec des artistes qui te poussent, ça aide. Sat m’avait impliqué sur cet album. Il voulait vraiment qu’on fasse un travail de suivi, c’était vraiment intéressant. C’est motivant. Sat était dans un état d’esprit musical qui était intéressant. On parle le même langage. Ça m’a redonné de l’énergie, de l’envie.
A : Tes prods sur cet album sont plus épurées qu’auparavant, moins chargées.
S : Je voulais aller à l’essentiel, travailler sur la structure des morceaux. Les morceaux les plus simples marquent souvent plus. Il y a un moment où je m’étais enfermé dans ce truc-là, avec un surplus d’informations dans les arrangements, qui polluent la musique. Je me suis dit : « revenons à des choses plus fondamentales ». Quand tu fais des prods pour Rohff ou pour Sat, tu sais que c’est des bons rappeurs, tu n’auras pas le problème de compenser un déficit d’écriture ou de flow. Je suis parfois tombé sur des mecs qui avaient l’impression que je les arnaquais quand je leur balançais une prod comme ça, ils me disaient qu’elle était toute keuss – c’est qu’ils ne connaissaient rien à la musique. C’est ce que j’ai compris au fil des années, il faut s’imprégner d’un morceau. Si tu pars dans le côté performance d’une prod, c’est mort, tu compliques la chose, ça devient trop technique.
Kery James – « Après la pluie » (A l’Ombre du show business, 2008)
S : Au moment où il travaillait sur cet album, j’ai fait écouter à Kery six ou sept prods. Il y en avait une sur laquelle je le voyais bien poser, parce qu’elle était un peu différente, plus émouvante. On était au studio de Kilomaître, et il a kiffé. Je ne m’étais pas trompé, même si c’est vrai que je n’en avais pas vingt-cinq mille à lui proposer.
C’est un morceau sur lequel on a bien bossé, pareil, j’étais là du début jusqu’à la fin. Je ne sais pas comment les gens l’ont interprété, ce n’est pas un morceau qui est ressorti de l’album, mais j’en suis content.
A : Tu parlais de Kilomaître : dans le milieu des compositeurs français, tu t’es fait des relations ?
S : Je me suis fait quelques potes. Fred le Magicien, dont on parlait tout à l’heure. Des mecs comme Medeline aussi, on échange souvent sur l’état du business. Kilomaître, pas forcément, mais je respecte ce qu’ils ont réussi à faire en montant leur structure et leurs propres studios. Après, tu as certains producteurs qui sont plus fermés, qui ne veulent pas trop discuter des projets de chacun, de l’évolution personnelle au niveau de la musique.
A : Il y a quelque chose d’assez similaire entre toi et Medeline, c’est que vous avez connu une période très active sur la première moitié et le milieu des années 2000, puis êtes devenus plus effacés.
S : Il y a une raison simple : Internet a changé le business. D’un côté la production est devenue plus accessible, et de l’autre les albums vendent moins, donc il y a un moins de budget pour payer les intervenants. Tout est fait dans des studios de moindre envergure, avec des ingés moins chers, et des jeunes compositeurs qui vont aussi couter moins cher. Au moment des appels d’offre de prods, toi tu dis par exemple que ta prod coûte cinq cent balles pour les indés, le mec va te répondre : « il y a un petit jeune, très fort, qui ne prend que cent cinquante ». C’est comme si tu voulais payer un mec avec diplôme d’ingénieur avec un salaire de CAP. Il y a cette réalité-là, une des raisons pour lesquelles j’ai fait un peu moins de choses. Tu peux t’arranger au niveau des prix, surtout quand c’est des indés. Mais il y a un seuil en dessous duquel je ne baisse pas mon froc. Ça fait du mal à l’ego, il faut bien le dire, mais c’est surtout que je ne peux pas travailler gratos, parce que je ne vis que de ça.
A : C’est la raison pour laquelle tu commences à te former en tant qu’ingénieur du son ?
S : C’est déjà quelque chose que j’aime bien, et qui me permet surtout d’être plus autonome en studio. J’enregistre et je mixe moi-même. Si demain je vais proposer mes services à quelqu’un pour la réalisation d’un album, je peux tout lui proposer. Je suis ingé, compositeur, réalisateur artistique. C’est une plus-value. Et ça me sert à mes propres projets. Ça peut aussi me permettre d’avoir des plans au niveau audiovisuel.
Scred Connexion – « Pris de vitesse » (Ni Vu… Ni Connu…, 2009)
S : Je connais Koma depuis longtemps, ça remonte à l’époque où je trainais avec La Cliqua. Ils m’avaient contacté pour leur album, j’avais donc été les voir pendant qu’ils travaillaient dans un studio du XVIIIe. Je n’étais pas là pour les prises de voix, juste pour le mix. Ca s’est fait très simplement. Surtout que j’ai du respect pour la Scred, ils sont là depuis longtemps.
A : C’était un peu surprenant qu’ils fassent appel à toi, par rapport à leur couleur de son habituelle.
S : Apparemment, en discutant pas mal avec Koma, ils voulaient s’ouvrir au niveau du style. Donc j’ai trouvé ça intéressant, même pour moi, tant qu’ils restaient dans leur truc au niveau de l’écriture et du flow.
« J’ai essayé de faire du west coast, mais qu’on ne puisse pas se dire « ça ressemble à machin », pas quelque chose de formaté. »
Salif – « La Routine » (Curriculum Vital, 2009)
S : Il y a eu un premier contact avec Princess Aniès, puis un autre avec Kool Shen. Ça faisait longtemps que Salif travaillait sur cet album. Je lui avais envoyé des trucs au fur et à mesure, il sélectionnait au compte-gouttes, Salif se prenait la tête sur la couleur qu’il voulait donner à cet album. Il cherchait un truc différent, quelque chose de west coast qui se rapprochait des instrus sur lesquels pouvait rapper The Game à cette époque. Il y avait beaucoup de mecs qui faisaient des choses très ressemblantes avec ce que pouvaient faire Dre ou Khalil à ce moment-là. J’ai essayé de faire du west coast, mais qu’on ne puisse pas se dire : « ça ressemble à machin », pas quelque chose de formaté.
On a beaucoup discuté au téléphone. Même s’il ne m’a pris qu’une prod, ce qui m’a fait plaisir, c’est qu’on a beaucoup échangé. Il voulait essayer des choses, certaines que j’ai réussi, d’autres non. C’est un mec qui est passionné par la musique. Son album est pas mal, en plus, c’est un rappeur avec un vrai univers.
A : Toi qui aime le rap californien, la scène west française, ça te parle ?
S : Je connais vite fait. Ils sont très g-funk quand même [sourire], ce n’est pas forcément ce que j’écoute. Je suis plus dans The Game, Nipsey Hussle, Jay Rock – son album tue -, Clyde Carson, 40 Glocc, Jacka, Problem, Terrace Martin, Spider Loc. Ils ont récupéré le délire d’Aftermath, inspiré west coast mais très ouvert. Aelpéacha est vraiment dans les bass moog, des trucs à la Battlecat – et ça je kiffe aussi, hein ! Mais c’est très spécifique.
Je me souviens, avec Fred Dudouet, on avait été à un petit festival west coast, il y a quatre ans je crois, au Zénith [le 2 avril 2009, avec également Xzibit et DJ Muggs, ndlr]. Il y avait Dogg Pound, Ice Cube. On avait vu des mecs habillés en Dickies, les nattes, toute l’artillerie [sourire], c’était folklorique ! Je respecte, ils sont fidèles à leur truc.
Sayd des Mureaux – « West 78 » (West Coast Theory, 2009)
S : A la base, c’est par mon intermédiaire que les gars ont pu faire ce documentaire, si on doit schématiser le truc. Quand Segal était là pour l’album de Rohff, ces deux gars travaillaient pour un site de rap. Ils voulaient faire une interview avec moi. Je leur ai dit de venir en studio, surtout qu’il y avait Rohff et Richard. Du coup, ils ont fait une interview avec lui. Et de fil en aiguille leur est venu l’idée quelques temps plus tard de faire ce documentaire, avec Richard en fil rouge. Ils m’ont donc demandé de faire de la musique pour ce projet, et j’ai dit oui, sans problème. C’est un super beau documentaire. J’ai suivi le projet, ils étaient super motivés, m’ont raconté plein d’anecdotes, montré des démos avec Focus, Battlecat. Souvent quand je fais des ateliers de M.A.O., ou même quand je discute avec des D.A. sur ce qu’est la production, je montre ce documentaire. Pourquoi les américains ont du son qui sonnent lourd ? Voilà pourquoi. Parce qu’il y a un vrai travail derrière.
Black Kent – « Long Time » (Yes I Kent, 2010)
S : Jean-Pierre Seck m’avait contacté à l’époque. J’avais vu quelques trucs que faisait Kent, j’avais bien aimé, donc j’ai dit oui. On s’est eu au téléphone, je lui ai envoyé des prods. Il en avait retenu quelques unes dont celle-là. Je l’ai co-mixé la prod. C’était ma première prod reggae [sourire], avec mon guitariste, qui s’appelle Little Wue, un grand fan du Wu-Tang. C’est un mec de vingt-cinq balais, un pote de mon petit-frère, qui habite dans la campagne derrière chez moi. Guitariste très talentueux, il vient de passer son diplôme pour être prof de guitare. Il est très fan de hip-hop des années 90. C’était un kif de tester, de s’amuser à essayer des choses.
H-Kayne – « Lguirra » (H-Kaynology, 2009)
S : C’est un des groupes phares du Maroc. Quand ils font des festivals là-bas, c’est 10, 20, 30.000 personnes ! J’ai fait de la réalisation sur leur album. Leur manager est un pote à moi. Il m’a appelé pour faire de la prod et de la réalisation sur leur album, j’ai dû faire cinq ou six morceaux sur les douze titres. On a mixé l’ensemble avec Fred Dudouet, moi une moitié, lui l’autre, et on a tout masterisé en France.
J’avais un peu peur au début qu’ils me demandent une couleur orientale. Mais ils voulaient vraiment faire du rap marocain, en arabe, sur des prods vraiment hip-hop. Ça a été une expérience intéressante, ce premier contact avec la culture rap au Maroc via un groupe important de là-bas. Je connaissais déjà un petit peu grâce à d’autres artistes, mais là j’étais au coeur du truc. Il faut savoir que 50% de la population marocaine doit être composée de jeunes, dont la moitié doit écouter du rap, et l’autre du chaâbi, la musique populaire marocaine. J’ai été à une fête de la musique à Casablanca avec H-Kayne, c’était impressionnant. Ils ne vivent quasiment que des concerts et des tournées, pas de la vente de disque ou d’un équivalent de la SACEM. Ils font vraiment de la musique populaire, comme ils jouent dans les festivals, ils ont un public très varié. Du coup, à part un ou deux, ils sont assez peu vulgaires dans leurs textes, par un certain respect envers les ainés. Mais il y a de l’egotrip comme des morceaux à thèmes : H-Kayne par exemple a fait un morceau sur la corruption dans la police, ce qui est osé au Maroc, mais qui parle à tout le monde, même aux parents.
C’était intéressant de voir comment ils travaillaient avec leurs moyens, de voir s’il y avait une industrie musicale ou non. Et puis bien sûr, de voir comment ils adaptaient leur flow avec la langue arabe, le jeu sur les allitérations, l’utilisation des mots. Je commence à développer un artiste là-bas d’ailleurs, qui s’appelle Mehdi K-Libre. On a sorti deux titres entre l’été et la fin de l’année 2011. Il fait des allers-retours entre le Luxembourg et là-bas, et il soigne vraiment son écriture. On a fait de la promo, des playlists sur les deux plus grosses radios du Maroc, de la télé en prime-time, deux reportages. Il y a des thunes, parce que tout est à faire dans le business de l’entertainment, mais ce n’est pas encore structuré avec des labels.
A : On parlait des États-Unis, mais est-ce que tu as vu des opportunités pour toi au Maroc ?
S : Je me suis posé la question, il y a environ deux ans. J’avais des soucis, je voulais me barrer d’ici, et je réfléchissais à monter un petit label là-bas. On m’a également proposé d’y ouvrir un studio, vu que je fais beaucoup de mix et de mastering ici pour des marocains. Après, je n’ai pas la prétention financière de faire tout ça. Il faut surtout être sur place là-bas, ou alors avoir une personne de confiance, mais c’est difficile. Le mec va avoir des budgets entre les mains, et tu ne sais pas ce qu’il va en faire. Il faut quelqu’un qui a des talents de communiquant, de management et qui est prêt à attendre pour des retombées économiques. Mais ça reste dans un coin de ma tête, car il y a des choses à faire. Je reste attentif.
Merci pour la dédicace.
On s’est un peu éloigné mais je suis fiers de ce que t’es devenu. Et mon prénom c’est Tarik et non Tarek lol