5 bonnes raisons d'écouter Haute Voltige de Espiiem
Ancien membre du trop méconnu collectif Cas de Conscience, Espiiem s’apprête à sortir ce lundi Haute Voltige, projet qu’il considère comme étant un « mini-album ». Un format hybride pour un disque atypique que nous avons eu la chance d’écouter en avant-première. Dix titres, trente-six minutes de musique, un seul featuring, neuf producteurs différents derrière les machines, et un maître de cérémonie qui mène sa barque avec une assurance déroutante. Il est encore bien trop tôt pour lancer de trop grandes affirmations sur un projet qui n’a pas encore atterri dans les bacs mais on peut au moins prévoir que Haute Voltige figurera en excellente position dans les traditionnels classements de fin d’année. Tentative d’explication en cinq points.
1. Parce que le projet est remarquablement bien produit
En effet, les productions représentent probablement la qualité la plus éclatante d’un disque qui n’en est pourtant pas démuni. Un simple regard du côté du tracklisting suffit à nous convaincre qu’Espiiem est le genre de rappeur qui avance avec un plan bien précis. Si on retrouve bien ses copains de The Hop sur le chaleureux « Overdose », la plupart des productions sont assurées par des talents piochés au compte goutte et venant aussi bien de Strasbourg (Evil Needle) que de Californie (J-Louis). Mieux, Espiiem n’a pas hésité à faire appel au prodige canadien Kaytranada, producteur electro connu notamment pour son excellente mixtape signée sur le label de Brodinski. « Kilimandjaro », résultat de cette collaboration, est un morceau déstructuré sur lequel le rappeur montre qu’il est un MC hors-pair avant d’avoir une bonne oreille. Dans la même veine, Cruz Kvanh signe avec « More Love » une production singulière et matinée de plusieurs influences, à la croisée des chemins entre le rap traditionnel et la musique électronique. Mention spéciale à Kxngs, producteur issu du Royaume-Uni et auteur de trois productions pleines de bon goût.
2. Parce que Haute Voltige est un peu le Ailleurs de 2013
Ne vous méprenez pas, les deux projets sont musicalement très différents. Il n’empêche qu’on ne peut s’empêcher de leur trouver quelques similitudes : ils contiennent dix titres tous les deux, les productions y sont étonnamment soignées et les deux rappeurs y développent un sens de la mélodie beaucoup trop rare dans nos contrées. Comme Nemir qui avait déjà fait un bout de chemin avant de sortir Ailleurs, Espiiem est loin d’en être à son coup d’essai. Malgré cela, il reste encore relativement méconnu du public rap et il y a de grandes chances pour que Haute Voltige lui permette d’élargir considérablement son cercle d’auditeurs.
3. Parce que Espiiem évite tout bavardage superflu
Dans Haute Voltige, les morceaux sont courts (« Paso Doble » ou « Suis-moi » tournent tous les deux autour des deux minutes) et les couplets épurés au possible. Malgré cela, l’auditeur ne se sent jamais floué. Là où certains alignent les couplets à rallonge dans le but de trouver LA punchline qui marquera les esprits, Espiiem privilégie une écriture simple et terriblement précise. Alors qu’il semble désormais inconcevable de livrer un projet qui comporte moins de quinze titres, le rappeur parisien se contente de l’essentiel (mais pas du minimum). Un peu à la manière d’un Kohndo, la plume d’Espiiem mêle sobriété et double sens, pleine de confiance et d’humilité en même temps (« Mon texte a la valeur d’une prière adressée au Maître de l’Univers »).
4. Parce que Espiiem utilise sa voix comme un instrument
Les voix les plus originales sont aussi celles qui divisent le plus. Paramètre extrêmement subjectif, il est compliqué d’avancer le timbre de voix d’un artiste comme un argument d’autorité. Il n’empêche qu’il est difficile de ne pas mentionner la voix immédiatement identifiable d’Espiiem, d’autant plus qu’il s’en sert avec une justesse inhabituelle. A la manière d’un Guru, il réussit à capter l’attention dès les premiers mots prononcés, sans faire de vagues mais en jouant exclusivement sur son charisme naturel.
5. Parce que Espiiem fait du rap « sérieux » sans être présomptueux
Trop longtemps, les rappeurs qui ne passaient pas leur temps à sourire ou à rouler des mécaniques ont été étiquetés « rappeurs conscients ». Peu importe qu’il existe des différences gigantesques entre Rocé, Médine et Ali, ils font fatalement partie de la même famille de rappeurs. Si on tend – heureusement – à sortir de ce schéma, les vieux clichés ont encore la peau dure et les moins alertes pourraient être tentés d’adopter le même raccourci pour qualifier la musique d’Espiiem. Ce serait une gigantesque erreur. Qu’il parle d’une âme sœur illusoire (« On est deux ») ou de son rapport à la religion (« Devant Dieu »), Espiiem évite systématiquement les poncifs du genre. Haute Voltige n’a pas la prétention d’être un disque positif et, pourtant, à travers la sincérité et la combativité dont fait preuve le rappeur tout le long, il délivre un vrai message d’espoir.
[…] “Kilimandjaro” On vous a déjà dit tout le bien qu’on pensait de Haute Voltige, le mini-album d’Espiiem, et deux semaines après notre opinion n’a pas bougé d’un iota. Sur […]
yo vous auriez pu au moins citer le beatmaker du single et titre de l’album éponyme d’espiiem. bref c’est chelou tout les beatmakers sont cités sauf lui!
Je ne connaissais pas le bonhomme. Il est vrai que prods et voix sont travaillés et le rendu est très agréable, néanmoins je trouve que ce qu’il rappe est loin d’être transcendant : trop de dualité dans le discours, trop de « représente » pour celui-ci, celle-là et puis l’autre, et puis ceux là, et puis etc… Bref, manque de storytelling à mon goût. Quand est-ce que le rap arrête d’être un discours pour devenir une musique ? Voilà, c’était mon p’tit pessimisme du soir… Néanmoins je le répète : son et voix super cools, ça fait plaisir d’entendre un mec qui a son grain à lui !