Booba, l’album Lunatic
Moitié d’un duo mythique explosé en vol, devenu météore à l’ascension jamais freinée, B2O s’est aussi imposé comme LE personnage dont on ne finira jamais de débattre. Alors que sort Lunatic, son cinquième album au titre symbolique, nous avons pu entrevoir qui se cache derrière la machine de guerre du rap français.
On a longtemps cherché à interviewer Booba sans que l’occasion ne se soit vraiment présentée. Peut-être aussi que dans un coin de notre esprit résidait une légère appréhension. Après tout, le MC semble nous regarder de si haut (“ils sont petits comme une cellule”, quand même) qu’il était presque légitime de penser qu’il serait du genre à minutieusement sélectionner les magazines pour lesquels il accorderait des entrevues. En réalité, il n’en est rien. Passer une heure en compagnie d’Elie Yaffa permet d’abord de comprendre le personnage Booba. Car, après l’avoir rencontré, on peut résolument affirmer que Booba joue avec nous. S’il est dans le rap, c’est uniquement pour s’amuser, nous faire rigoler, balancer quelques bons mots et repartir avec la caisse. Ni plus, ni moins et en y réfléchissant, c’est déjà pas mal.
Locomotive du rap derrière laquelle tout le monde court et se compare, Booba a conscience de son statut. Tiraillé entre deux représentations extrêmes – d’un côté, celle véhiculée par Thomas Ravier qui voulait absolument en faire l’écrivain du XXIème siècle et, de l’autre, celle du rappeur bourrin et misogyne –, il doit forcément y avoir un juste milieu. Non, Booba ne fait pas de la poésie et vous répondra nonchalamment si vous essayez de percer le mystère qui entoure ses métaphores aux sens multiples. Non, Booba n’est pas non plus le rappeur insipide qu’il semble se plaire à interpréter parfois. Entertainer qui ne laisse rien au hasard (il répondra par la négative lorsqu’on lui demandera de le prendre en photo, simplement parce qu’on ne l’avait pas prévu à l’avance), chef d’entreprise aux projets divers et rappeur à challenges, Booba sort son cinquième album solo et semble étonnamment à l’aise avec l’attente entourant le projet. Après tout, il est toujours le même 500 000 albums plus tard.
Abcdr Du Son : Comment tu te sens avant la sortie de ce cinquième album solo ?
Booba : Je me sens bien. J’ai commencé cet album dès que 0.9 était fini. En fait, j’ai pour habitude d’enchaîner assez rapidement entre mes albums et je ne fais jamais de pause. Malgré cela, il s’agit vraiment de deux albums différents. Il y a des choses que j’ai continué à expérimenter comme l’autotune mais ça a été fait d’une autre manière.
A : Aujourd’hui, tu vis aux États-Unis…
B : [Il coupe] Et en France.
A : C’est pour ça qu’il y a beaucoup de références à la culture française dans tes textes…
B : Que je sois aux États-Unis ou en Afrique, je suis Français avant tout, je parle avec des Français… Je suis au courant de tout. C’est la même situation que quand j’ai fait de la prison. Même si j’étais enfermé, j’étais au courant de tout ce qui se passait. Ça n’est pas parce que tu pars que tu te coupes définitivement de la France. Même si je voulais couper avec la France, je ne le pourrais pas. Je fréquente des Français expatriés et je parle beaucoup avec mes potes restés en France. C’est comme si je n’avais pas quitté le pays. C’est pareil avec le rap français pour lequel je continue de me tenir au courant. Même si ça ne m’intéressait pas, il faudrait que je m’y intéresse de toute façon.
A : Tu es dans le rap depuis le milieu des années 90 et, aujourd’hui, ton album est la plus grosse sortie rap de l’année. Comment expliques-tu cette longévité d’un côté et, de l’autre, cette absence de renouveau ?
A : Déjà, je pense qu’il y a beaucoup de jeunes rappeurs qui n’écoutent pas de rap américain alors que c’est quand même la base. Ils n’ont grandi qu’avec du rap français et ne connaissent aucune autre musique. Pas de soul, de funk, de jazz… Et puis, ne pas écouter du rap américain, c’est grave quand tu fais du rap. Tu imagines un mec qui fait du reggae en France qui va boycotter le reggae jamaïcain ? C’est pas possible. Pour moi, tu ne peux pas progresser si tu n’écoutes pas de rap américain. Ce serait comme un basketteur qui joue au Paris Levallois Basket sans suivre la NBA. Quand je te dis ça, ça n’est pas parce qu’on doit avoir un complexe en tant que Français. Les Américains se regardent entre eux aussi !
Ensuite, ceux qui ont un peu de talent souffrent du boycott subi par le rap en France. Même si des rappeurs ont pété le score dans ce pays, les portes se ferment. Les radios ne passent quasiment pas de rap. Il n’y a plus d’émission spé’ sur Skyrock et Générations a été rachetée par Lagardère. On va voir ce que ça va donner… Quand tu vois qu’il n’y a aucun moyen de percer, tu arrêtes.
C’est pour ça que j’essaye de donner un petit tremplin à certains rappeurs sur mes mixtapes Autopsie. Quand quelqu’un a du talent, ça me fait plaisir de le mettre en avant.
De la même manière, tous les featurings que j’ai faits étaient avec des gens dont j’appréciais la musique. En tout cas, je pense que ces raisons expliquent pourquoi c’est plus dur pour les nouveaux talents aujourd’hui.
A : Il n’y a pas de rappeurs français avec qui tu aimerais poser aujourd’hui ?
B : Honnêtement, j’ai déjà rappé avec les plus gros. Après, il y a quelques nouveaux et, par exemple, j’ai invité Dosseh sur mon album. Je serai également sur l’album de Seth Gueko. C’est vrai que je n’en fais pas énormément et ça n’est pas comme aux States où les featurings se multiplient. Ceci dit, il faut aussi garder à l’esprit que la France est un plus petit pays.
A : Tu es très proche des États-Unis mais tu n’as jamais vraiment exprimé le besoin de croiser le micro avec des rappeurs américains. C’est par manque d’opportunité ?
B : Déjà, ça ne m’intéresse pas d’exploser mon budget surtout que je ne risque pas d’avoir un featuring avec Jay-Z ou Lil Wayne. Ensuite, je rappe en français et, si je n’ai pas un très gros featuring, ça ne sert à rien d’avoir un mec qui rappe en anglais dont les Français n’auront rien à foutre de ce qu’il racontera. Ils préfèreront m’écouter moi. S’il fallait faire un featuring en anglais, je m’orienterais davantage vers des artistes R&B qui chanteraient sur le morceau. En rap pur, ça ne m’intéresse pas d’avoir Raekwon. Et comme je ne suis pas prêt à payer pour avoir Jay-Z ou Lil Wayne, ça ne se fera que s’il y a eu une rencontre et un échange.
A : Par rapport à ton développement, ça ne t’a jamais titillé de rapper en anglais ?
B : Non parce que je n’en suis pas capable. Je pourrais rapper en anglais mais je n’atteindrais jamais le niveau que j’ai en français. Je suis bilingue et je peux discuter en anglais avec n’importe qui mais je ne pourrais pas développer les mêmes métaphores. Ça ne m’intéresse pas d’être le top du rap français et un mongol en anglais [rires].
A : On peut entendre Diddy sur l’intro de « Caesar’s Palace ». Comment s’est faite la connexion ? Est-ce que c’est quelqu’un dont le parcours t’impressionne ?
B : Bien sûr, c’est un exemple de réussite à la fois en termes de business et de musique. Il a contribué à créer des grands noms : Mary J, Jodeci, B.I.G… C’est un grand entertainer. C’est quelqu’un que je connais et je l’ai contacté tout simplement comme lui m’avait contacté pour le remix de « Hello Good Morning ». Je lui ai demandé de faire mon intro et c’était bouclé le jour même.
« Pour moi, tu ne peux pas progresser si tu n’écoutes pas de rap américain. Ce serait comme un basketteur qui joue au Paris Levallois Basket sans suivre la NBA. »
A : Sur les derniers sons que tu as fait, on sent une vraie influence des derniers morceaux de Rick Ross ou des prods épiques de DJ Toomp…
B : Je suis dans l’air du temps. Je fais partie des gens qui écoutent du rap américain et je suis dans leur compétition. Sans être là-bas, on est dans leur game. Par exemple, les derniers trucs que j’ai kiffés doivent être le Waka Flocka et le dernier Soulja Boy avec Fifty, « Mean mug ». J’ai trouvé ce son surprenant et ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu Fifty comme ça. De toute façon, tu sais quel est le problème de Fifty ? Attends, je parle comme si j’allais lui donner des conseils [rires]. Honnêtement, j’ai un côté un peu directeur artistique et je me trompe rarement sur ce qui va marcher ou pas, ce qui est susceptible de durer. En tout cas, Fifty a un souci avec le choix de ses instrus. Il n’est pas fait pour ça. Il était dirigé par Dr.Dre sur son premier album et on a vu le résultat musicalement. Dès qu’il a quitté Dre, ça a été plus difficile. Parce que sur un bon instru, il kicke ! Je pense qu’il se repose sur ses lauriers, qu’il choisit ses sons tout seul et ça claque moins qu’avant.
A : Comment tu perçois la vague électro qui est en train de déferler sur le rap français ?
B : Je n’ai rien contre l’électro et Yuksek avait fait un remix électro de « Salades tomates oignons » qui figurait sur Autopsie Volume 3. Le tout est de bien le faire. J’ai fait « Couleur ébène » qui était un peu rock, des morceaux un peu plus reggae… Après, quand tu vas sur ces terrains, il faut faire attention parce que soit les gens vont trouver ça extraordinaire, soit ils vont te dire que c’est de la merde.
J’aurais pu faire un morceau électro si j’avais eu l’opportunité de le faire dans de bonnes conditions. Par exemple, je kiffe « Sexy bitch » de Guetta et Akon. Le beat, la mélodie, les paroles… Le titre est mortel. J’adorerais rapper sur un truc comme ça.
A : Ce qui est fou c’est que beaucoup de rappeurs français crachaient sur Guetta et, maintenant que les cainris bossent avec lui, on se met à copier son travail…
B : Parce que le personnage de Guetta rentre en compte et, pour moi, ce mec est une arnaque. On sait qu’il y a des gens qui bossent pour lui et qu’il ne fait pas ses beats. Ceci dit, c’est quelqu’un qui a toujours sorti des gros tubes.
A : Sur l’album, il y a un titre qui s’appelle « 45 Scientific »…
B : [Il coupe] Titre qui n’a absolument rien à voir avec le label 45 Scientific. C’est le morceau en featuring avec Dosseh qui vient du 45 [rires]. Forcément, ça fait parler mais, quand tu écoutes le morceau, tu comprends tout de suite pourquoi on l’a appelé comme ça.
A : Tu en as marre qu’on te parle toujours du passé et de Lunatic ?
B : Non, c’est normal. C’est logique aussi qu’on m’en parle étant donné que j’ai appelé mon album Lunatic. Je l’ai appelé comme ça parce que j’aime ce mot et ça m’est venu naturellement. Lunatic, c’est aussi un étendard, j’en suis fier et ça symbolise également le retour en indépendant. Je ne vais plus à Skyrock, je ne fais plus les Planète Rap, comme à l’époque de Lunatic. Sauf qu’aujourd’hui, je n’y vais pas par choix alors qu’avant on n’était pas invités.
A : Tu vas faire des télés pour la promo de ce disque ?
B : Oui, je vais en faire. Je ne ferai pas Ruquier parce que je sais que je vais massacrer Zemmour si j’y vais [rires]. Ça ne vaut pas le coup. Je ne suis pas un homme politique pour lui répondre et je sais comment ça va se passer. Il va m’énerver, je vais commencer à trembler, à bégayer, à avoir envie de le frapper et je vais finir par l’insulter pour garder la face [rires]. Qu’est ce que tu veux que je réponde ? Je parle de la « la chatte à Rama Yade », je dis « Fuck la France », il va s’exciter contre moi.
A : Kool Shen était passé chez Ruquier et s’en était bien sorti face à Zemmour.
B : Ouais mais je ne vais pas aller jouer au foot. Il lui a bien répondu et alors ? Kool Shen fait de la merde. Moi je fais de la bonne musique mais je ne sais pas répondre à Zemmour. Et je suis nul au foot ! [rires]
A : Aux États-Unis, les mecs font beaucoup d’émissions de télé, ils y vont pour parler de tout et de rien…
B : Mais les émissions n’ont rien à voir. Ici, les mecs ont des snipers et sont là pour te massacrer. Quand tu y vas, tu as l’impression d’assister à ton procès. Quand aux États-Unis ils sont là pour faire de la promo, en France ils essayent de créer le prochain scandale impliquant un rappeur. En plus, il s’agit de personnes qui ne connaissent rien au rap contrairement aux États-Unis où le rap est aussi côté que le reste. Le Denisot de là-bas connaît très bien 50 Cent. Tout est structuré et ils ne sont pas là pour te mettre dans l’embarras. Tu joues ton morceau et tu rentres chez toi. En France, tout est super sérieux et tu as des intellos merdiques qui vont essayer de t’expliquer des choses qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes. On va te parler de politique et de Sarkozy… Demande-moi plutôt qui a fait le beat de la piste 8. Ils ne connaissent rien et, finalement, tu ne parles pas de musique. Le dialogue n’est pas évident et je ne vois pas ce que je vais dire à Zemmour. Il commence en te disant qu’il déteste le rap et qu’il n’en écoute pas. Il ne peut pas comprendre ce que je fais et c’est perdu d’avance.
Pour qu’il m’écoute, il faudrait que moi, rappeur, je fasse un album où il n’y a pas du tout de rap. Ça peut m’arriver de temps en temps mais pas sur un disque entier. C’est ce qui s’est passé avec le morceau « Comme une étoile ». On m’a fait écouter des sons super rap et, à la fin, il m’a fait écouter le beat par hasard en me disant qu’il n’y avait qu’un piano et que je ne kifferais pas. Finalement, c’est le seul beat que j’ai kiffé. Je ne pouvais pas rapper là-dessus donc j’ai décidé de chanter. Il faut savoir que j’attache beaucoup d’importance aux mélodies et j’ai toujours écrit les refrains des chanteurs et chanteuses R&B avec qui j’ai collaborés. Je n’étais pas capable de les chanter moi-même et, aujourd’hui, l’autotune me permet de me dédoubler en chanteur. Le morceau est construit de manière un peu bizarre parce qu’il y a quand même un couplet rappé au début mais, selon moi, il a le potentiel d’un single.
A : En ce moment, on est dans une grande période de crossover et les featurings les plus improbables sont en train de se réaliser [Il mentionne le nom de Justin Bieber en rigolant ]. On sait qu’il y a des chanteurs comme Benjamin Biolay qui apprécient ce que tu fais. Tu n’as jamais eu envie de tenter quelque chose avec des gens de la variété ?
B : Justin Bieber reste dans l’univers R&B/rap alors que je me vois mal collaborer avec Francis Cabrel [rires]. Je n’ai rien contre lui mais ce sera dur à faire. Les crossover qui se font aux Etats-Unis restent dans des univers assez proches. Snoop/Katy Perry, c’est de la pop mais tu peux rapper sur un beat comme ça. Je ne suis pas contre mais il n’y a pas ça en France.
Par contre, j’aime bien Superbus. Le peu que j’ai entendu m’a plu. Je ne serais pas contre l’idée de bosser avec un groupe comme ça. La bonne musique reste de la bonne musique et j’écoute de tout sans me fermer à quoi que ce soit. Je m’en fous du genre musical tant que c’est une bonne chanson.
« Je ne ferai pas Ruquier parce que je sais que je vais massacrer Zemmour si j’y vais. Il va m’énerver, je vais commencer à trembler, à bégayer, à avoir envie de le frapper et je vais finir par l’insulter pour garder la face [rires]. »
A : Sur l’album, tu dis « J’ai crié Lunatic, j’ai fait de la musique ». Ça t’arrive de regarder cette période avec un peu de nostalgie ?
B : Pas du tout. Quand je regarde 45 Scientific aujourd’hui, je suis content d’être là où je suis [sourire]. Je ne crache pas sur cette époque parce qu’elle a été très formatrice mais ça n’était pas mieux avant. C’est mieux maintenant !
A : Le duo que tu avais avec Ali ne te manque pas ?
B : J’aimais bien le côté duo. Déjà, ça faisait deux fois moins de travail [rires]. C’était cool et ça enlevait un peu de pression. Tout était divisé en deux… L’argent aussi [sourire]. Mais j’aimais bien le groupe et je n’ai jamais voulu rapper en solo. C’est venu bien après. Après, il peut y avoir des divergences artistiques, tu dois faire trop de concessions… Je vis avec mon temps et je voulais rapper sur des beats dirty et ça n’était pas forcément sa volonté. Je ne pouvais pas rester dans cet état de frustration surtout si tu es persuadé que c’est ce qu’il faut faire et, apparemment, je ne me suis pas trompé.
A : Je ne sais pas si tu as écouté le morceau réalisé par Eklips dans lequel il vous a imité. L’imitation n’était pas parfaite et, pourtant, ça a énormément fait parler la toile…
B : J’ai trouvé que c’était bien fait. La preuve : des gens qui me connaissent et qui savent que je n’avais rien fait avec Ali se sont quand même sentis obligés de me poser la question pour savoir si c’était vrai ou pas.
La réaction des gens signifie qu’on a marqué le rap français et qu’ils attendent quelque chose. L’histoire Lunatic s’est arrêtée subitement, pas comme la plupart des autres groupes. On s’est séparés après avoir sorti un seul album qui a fait disque d’or. On était en plein succès.
A : Hormis Mala et Bram’s qui sont autour de toi, on a l’impression que tu es très seul aujourd’hui.
B : J’ai mes potes mais j’ai toujours été un solitaire. Je ne cherche pas à me faire de nouveaux amis pour traîner dans de nouveaux endroits… On ne me voit pas.
A : Tu rappes depuis une quinzaine d’années et comment réussis-tu à surprendre encore l’auditeur sur un morceau ?
B : En fait, je suis mon premier auditeur. Je me dédouble et je m’écoute moi-même. « Est-ce que c’est du bon B2O ? » Je peux me tromper mais, en tout cas, je prends beaucoup de recul. Je mûris énormément les choses avant d’enregistrer.
A : Tu réécoutes tes albums une fois qu’ils sont terminés ?
B : Non. Je les écoute beaucoup quand je suis en train de les faire mais, justement, j’en ai marre une fois qu’ils sont sortis. Après, je suis dans autre chose. Par exemple, Lunatic est bouclé et j’ai déjà des nouveaux sons. Dans mon esprit, Lunatic est terminé et ça fait déjà deux ans que je l’ai commencé.
A : Ton dernier album, c’est toujours ton album préféré ?
B : Je ne sais pas… Ils sont tous différents et représentatifs de ce que je voulais faire à une époque. Il y en a qui sont plus complets que d’autres mais il y a toujours des morceaux que j’aime beaucoup dessus.
Par contre, si devais sortir un ou deux morceaux, je dirais sûrement « Garcimore » et « Double Poney » qui, à la base, sont sur des mixtapes et non sur des albums. Il y en a plein d’autres mais, en concert, je pourrais jouer ces titres dix fois de suite.
« J’aimais bien le côté duo de Lunatic. Déjà, ça faisait deux fois moins de travail [rires]. C’était cool et ça enlevait un peu de pression. Tout était divisé en deux… L’argent aussi. »
A : On a le sentiment que, plus le temps passe, et plus tu te découvres un peu. C’est le cas sur le morceau « Killer ».
B : J’aurais pu le faire avant mais je n’en ai pas eu la volonté. Quand je fais un album, je ne suis pas comme certaines personnes qui font des réunions pour réfléchir sur l’état de la société et les sujets à aborder… Je cherche uniquement à me faire plaisir et à délirer. Je me défoule. Je ne pense à rien. Je ne me suis pas dit que c’était l’album de la maturité et que j’allais me livrer. Il n’y a que sur le morceau « Lunatic » ou, compte tenu du titre, je ne pouvais pas me contenter d’enchaîner les punchlines mais je me devais de parler de Lunatic.
Ça m’a fait délirer de faire ‘Killer’ mais ça n’était pas dans le but de me livrer. Le son m’a inspiré et j’ai eu envie de le faire, c’est tout.
A : Même dans le reste de l’album, au détour de certains morceaux, il y a des phrases plus personnelles…
B : Il y en avait aussi sur les autres albums. J’ai souvent parlé de ma mère par exemple. Après, il se peut qu’il y en ait plus sur Lunatic mais ça n’était pas voulu en tout cas. Ceci dit, c’est vrai que je n’avais jamais fait un morceau comme « Killer ». J’avais déjà parlé rapidement de relations avec les femmes mais là il s’agit vraiment d’une histoire.
A : L’industrie du disque est en déclin et on voit que de plus en plus de gros vendeurs jouent énormément sur le live. Est-ce que tu te vois un avenir dans le live ou tu restes focalisé sur le disque ?
B : Pour moi, le live ne va pas sans la sortie d’un album. Je ne suis pas les Rolling Stones qui vont parler à tout le monde, sortir un album et remplir des stades dix ans après. Je n’en suis pas capable. Quand je vois NTM qui fait Bercy alors qu’ils n’ont même pas sorti un morceau ensemble depuis dix ans, je trouve ça ridicule. C’est se foutre de la gueule du monde.
Je vois mon avenir dans les concerts mais sans arrêter de produire de la musique. Maintenant, si je peux arrêter de rapper et remplir des stades dans dix ans, je le fais [rires].
A : Aujourd’hui, tu vas avoir cinq albums solos, tu as de la matière, des morceaux qui parlent à plusieurs générations, tu pourrais faire quelque chose comme Jay-Z avec des musiciens…
B : Oui, j’aime bien la scène et j’ai envie de faire des vrais shows. Après, je n’aime pas trop la sonorité acoustique. Les concerts joués intégralement en acoustique changent trop le son initial. J’aime le son tel qu’il est sur CD et c’est pour ça que j’apprécie être accompagné d’un DJ.
A : Tu trouves que le support « disque » est encore d’actualité ?
B : Même si on vend moins qu’avant, on s’y retrouve. C’est dur mais on vend encore. De toute façon, les supports changent et peut-être qu’il n’y aura que iTunes dans quelques temps et que ce sera vraiment sécurisé. Ça ne tient à rien. Il suffit qu’ils arrivent à bloquer les téléchargements illégaux et tu passeras de 100 000 à 1 million d’albums vendus.
Je ne suis pas trop pessimiste. C’est vrai que c’est dur mais ça évince plein de gens. Il n’y a plus de place à l’imposture et si tu es moyen, c’est chaud pour toi.
A : C’est vrai que c’est dur si on regarde quelqu’un comme Despo dont l’album était attendu depuis plusieurs années et qui a fait des ventes décevantes…
B : C’est normal parce qu’il n’avait pas de singles sur son album. Il faut aussi vivre avec son époque et la musique a évolué. Tu ne peux pas avoir tout un album sombre sur lequel tu dis plein de trucs hardcores. C’est aussi de la musique et il faut conserver le côté entertainment. C’est important de s’amuser.
A : Tu trouves que c’est ce qui manque au rap français ?
B : Grave. Ils ne pensent pas aux punchlines et plein de mecs passent leurs temps à pleurer. Ils essayent de refaire le monde, se prennent pour des hommes politiques… Il faut aussi faire sourire les gens. Quand j’écoute Waka Flocka, je kiffe. Ça ne m’intéresse pas d’entendre parler de Sarkozy, d’autant plus que ce sont des combats déjà joués, que c’est has-been et que ça ne va rien changer. Fais des punchlines et choisis des bons beats.
A : En même temps, tu as toujours parlé de la condition des Noirs, de l’esclavage…
B : [Il coupe] Mais sans que ce soit pesant. C’est pour ça que je ne cherche pas à faire trop de thèmes sur une musique qui va te plomber le cerveau… Déjà, ça me ferait chier d’écrire tout le temps là-dessus. Je préfère écrire une punchline particulièrement forte qui veut dire plein de choses à la fois. Quand je dis « Va dire au chauffeur que je pose mon cul où je veux comme Rosa Parks », ça me semble suffisant. Je préfère ça qu’écrire 100 rimes qui vont faire chier tout le monde.
A : Tu dis souvent que tu écris beaucoup en voiture. Tu écris tes punchlines à la suite et l’enchaînement forme des couplets ou ça te vient machinalement ?
B : J’écris souvent des petits bouts mais, en tout cas, j’ai toujours quelques cartouches de punchlines de côté. Ce sont mes munitions. Je peux les sortir deux ans plus tard il y en a toujours en stock. Parfois, je suis inspiré et je vais écrire un couplet entier voire un morceau mais c’est plus rare. Quand un beat me parle vraiment, l’écriture va être rapide.
A : Par rapport aux producteurs, tu fais de nouvelles rencontres sur chaque album.
B : C’est aussi de ça dont je parlais quand je disais qu’il fallait vivre avec son temps. Il ne faut pas rester bloquer dans le passé. « Je n’aime pas Lil Wayne, le vrai rap c’est le Wu-Tang. » Aujourd’hui, je ne vais pas aller demander un beat à DJ Premier. Je le respecte mais c’est une autre époque. Je peux comprendre qu’on se fasse un kiff en lui demandant un beat mais, en tout cas, c’est pas le morceau qui sera joué en club.
A : Tu as contribué à faire découvrir de nouveaux producteurs. Ça a été le cas avec Skread d’ailleurs…
B : [Il coupe] qui a fait des sons pour Diam’s après, ça m’a déçu, vraiment déçu [rires]. En réalité, je n’en ai rien à foutre et chacun fait ce qu’il veut. Je ne m’attribue même pas la paternité de sa découverte et il aurait pu être découvert deux mois après par Rohff ou un autre. Par contre, ça m’intéresse de regarder si les mecs tiennent la route après. En ce qui concerne Skread, il a fait des choses avec Nessbeal, Diam’s, Orelsan… Il n’y a plus vraiment d’identité. Mais je ne lui reproche pas, il faut manger [sourire].
A : Tu as suivi tout le délire autour de la B2Ologie ? Même si c’est poussé à l’extrême, ça traduit aussi le fait que certaines personnes se sont vraiment pris la tête sur tes lyrics. On a l’impression qu’il y a un gros décalage entre ce que peuvent ressentir les gens et ton détachement par rapport à ton écriture. Tu as souvent eu tendance à minimiser la complexité que certains pouvaient trouver dans tes textes…
B : Pour moi, c’est naturel. C’est moi qui écris et ça sort de mon cerveau. Après, je pense que les gens se prennent la tête dans le bon sens. Ceux qui comprennent apprécient vraiment.
Concernant la B2Ologie, c’est un mec qui s’est tapé un délire, c’est tout. Je ne sais pas trop quoi en penser hormis qu’il s’agissait d’un sketch. C’était assez flagrant qu’il s’agissait d’une blague. S’il avait poussé le délire dans la durée, je n’aurais pas su quoi dire.
A : Ça ne te dérange pas qu’on détourne ton image ?
B : Je trouve ça marrant et, en l’occurrence, c’était un clin d’œil sympa. Le mec était tellement space et il y avait un tel décalage entre son look et le mien que c’était plutôt drôle.
A : On avait fait un top 100 rap français et il y avait 17 morceaux sur lesquels tu apparaissais qui figuraient dans le classement. Comment tu expliques l’impact que tu as pu avoir sur plusieurs générations ?
B : Je pense que c’est dû à mon travail. Je n’écris jamais à l’arrache et, en général, je pense que mes morceaux vieillissent bien. A chaque époque, il y a eu des morceaux marquants. Je disais dans le clash contre Sinik qu’il n’avait aucun classique. Il a peut-être fait des bons morceaux mais il n’y a pas un morceau de Sinik que les gens sont capables de ressortir. Il n’a pas de classiques comme je peux en avoir, comme Kery James peut en avoir, comme Oxmo même si ça fait un peu plus longtemps, comme la FF… Je pense qu’il y en a eu autant dans le top 100 parce qu’on a toujours fait au mieux.
A : Finalement, tu fais partie des rappeurs français qui ont la plus grande longévité. Est-ce que tu te vois rapper dans dix ans ?
B : Jusqu’à l’année dernière, je ne me voyais pas rapper trop tard mais depuis que j’ai vu Jay-Z réussir à être numéro 1 au top à 40 ans et à réunir aussi bien des anciens que des jeunes, je me dis que c’est possible. Je n’y croyais pas parce que les Public Enemy, Gang Starr, KRS-One ou Rakim sont dépassés aujourd’hui. En voyant Jay-Z évoluer, j’y crois davantage. Malgré tout, je pense qu’il y a tout de même une limite d’âge dans le rap… Enfin, on verra, peut-être que Jay-Z prendra encore le micro à cinquante ans. C’est la même chose que pour les acteurs. Parfois, tu as l’impression qu’ils sont morts mais tu vas avoir un Clint Eastwood ridé qui va faire un film mortel.
A : Tu n’as pas encore commencé à réfléchir à ta reconversion ?
B : Je prépare ma reconversion depuis longtemps. J’essaye de faire plein de choses comme avec ma marque de vêtements. Je n’ai jamais considéré que le rap était toute ma vie et, généralement, ceux qui pensent comme ça finissent mal. Si c’est pour finir comme Raekwon qui est obligé de revenir en Europe et de faire des concerts perdus en Allemagne… [rires]
Je pense aussi à la production mais, pour le moment, Ünkut marche bien et a une bonne évolution. J’ai la même logique avec les vêtements qu’avec la musique et je cherche à vivre avec mon temps. Je ne pense pas uniquement à la France puisqu’on est assez présent en Europe, dans les DOM-TOM, on va rentrer au Canada… Et pourquoi pas les États-Unis, le Japon. Il n’y a pas la barrière de la langue. S’il n’y avait qu’un seul langage, je ferais des concerts sur la planète entière. C’est ce qui se passe avec les vêtements.
A : Tu es uniquement le boss d’Ünkut où tu participes également au choix des collections ?
B : J’ai des associés mais je m’occupe surtout du stylisme. Je ne prends pas toutes les décisions mais je regarde les dernières tendances de couleurs, l’émergence de nouvelles marques, les nouvelles matières… C’est la même chose dans la musique. Si tu veux durer, tu dois t’adapter aux nouvelles évolutions. C’est pareil en Formule 1 : si tu veux continuer à gagner, tu dois avoir le meilleur moteur et les nouvelles technologies. C’est logique et, à partir du moment où tu es dans un domaine créatif, tu ne peux pas te fermer à ce qui est nouveau sinon tu risques de mourir.
A : Le clip de « Caesar’s Palace » a un côté cinématographique assez poussé. C’est quelque chose qui t’intéresse le cinéma ?
B : Oui et, d’ailleurs, j’ai déjà eu des propositions sans que ce soit pour des rôles forcément intéressants. C’est en projet et il y a des choses à la fois en France et aux Etats-Unis mais, pour le moment, je ne m’excite pas trop et je ne suis pas non plus en recherche à essayer de faire des castings tout le temps. J’ai des agents et on verra ce que ça donnera et ce qu’on me proposera. Par exemple, on m’avait proposé de jouer un vieux macro dans Le Mac où je devais insulter José Garcia de « sale blanc » et lui mettre des claques dans la gueule pour lui apprendre à être un dur, tout ça avec un pantalon en cuir et des santiags… Ça va aller [sourire].
J’ai trouvé pas mal du tout ce qu’a fait Diddy dans American Trip dans lequel il s’auto-parodie. C’est quelqu’un de très cool et qui sait s’amuser. Autant il va être dur en business, autant il saura s’amuser en soirée.
A : Tu avais cité Marlo Stanfield et Stringer Bell sur « Izi Monnaie ». The Wire est un show que tu as suivi ?
[NDLR : ATTENTION AUX SPOILERS]
B : Je suis en train de me remettre toutes les saisons. C’est un truc de fou. Jamais une série ne m’a fait cet effet. Dans un autre genre, on m’a parlé de « Breaking Bad ». Il paraît que c’est différent mais tout autant réussi.
En tout cas, c’est incroyable de voir l’effet de « The Wire » sur les gens. La dernière fois, j’étais dans l’avion et je me dirigeais vers le tournage de ‘Caesar’s Palace’. Il y avait un américain à côté de moi et, quand j’ai allumé mon Mac, il a vu que j’avais une photo de « The Wire » en fond d’écran. Il s’agissait d’un blanc, joueur de poker qui n’avait pas grand chose à voir avec moi. Dès qu’il a vu la photo, il s’est complètement excité et a commencé à me parler du show ! La série n’est pas aussi populaire que d’autres mais quand tu la connais, tu es à fond dedans. C’est comme mes paroles : une fois que tu les as comprises, tu ne peux plus t’en passer [rires].
A : Quelle est ta saison préférée ?
B : J’ai trouvé la saison 4 et les petits complètement dingues. L’ensemble de la série est fou mais celle-ci m’a vraiment choqué.
A : Et ton personnage préféré ?
B : [Sans hésitation] Omar. Tu te rends compte de ce que les scénaristes ont réussi à faire ? La première fois que tu le vois, tu te demandes quelle est cette espèce de crapule homosexuelle, t’as envie de le détester… et après, tu ne peux que t’incliner.
De toute façon tous les personnages sont très bien construits hormis celui de Method Man que j’ai trouvé pourri. Il surjoue beaucoup trop et contraste avec le reste du show qui est très ancré dans la réalité. Il n’est pas crédible.
Alors qu’Omar… Quand il est mort, j’ai dû arrêter l’épisode et faire un break [rires]. Quand tu vois que c’est le petit qui le tue en plus… Je n’ai pas pu continuer. D’autant plus, qu’Omar est une sorte de Robin des Bois qui est vraiment juste. Il ne s’en prend qu’aux pourris comme lui et jamais aux citoyens. Alors, le voir mourir comme ça, ça m’a énervé ! Ca arrive de manière brutale en plus même si ça sentait le roussi. Normalement, Omar est toujours en train de se cacher avec son mec, il n’est jamais à découvert, il est très minutieux… Dans la saison 5, il est presque suicidaire et s’expose beaucoup plus. Il savait que c’était la fin.
Elle est grave cette série. Il y a d’autres séries comme « The Shield » et « Oz » que j’ai trouve très bien mais ça reste en-dessous de « The Wire ». Même si « Oz » s’approche de la réalité, il y a un côté fictif que tu n’as pas dans « The Wire ». Je regarde beaucoup les reportages américains sur les enquêtes criminelles et je pense toujours à « The Wire ».
Ce qui est très bien fait c’est que cette série reflète la société. Il n’y a ni bons ni méchants et les scénaristes ont vraiment réalisé un gros travail. Par contre, c’est long à regarder ! Il te faut bien 2-3 mois pour regarder l’ensemble.
A : C’est quoi ce truc avec Star Wars dans tes morceaux ?
B : [rires] Star Wars, pour moi, c’est une philosophie. C’est mon film préféré. Il y a tous les éléments de la vie, de la pensée, de la psychologie, tout ce que tu veux. Le bien, le mal, le côté obscur, la Force… Le contrôle de soi, l’ambition, il y a tout dans ce film. L’amour, l’amitié, la discipline. Yoda, Han Solo, Dark Vador, l’Empire, Obi Wan Kenobi… Tu peux partir en couilles ou bien devenir un Jedi. Tu peux même être un Jedi, être du côté obscur ou du bon côté. Je trouve qu’il est parfait, ce film.
A : Mais tu l’as découvert récemment ? Parce que depuis deux, trois ans, t’arrêtes pas de faire des phases dessus…
B : Nan, j’ai vu le film quand il est sorti, à l’époque. Mais c’est à cause de Yoda : je crois que j’ai commencé par faire une phase en rappant à l’envers comme lui, et après j’ai plus arrêté.
A : C’est Yoda ton personnage préféré ?
B : C’est le meilleur. C’est la Force, peu importe l’apparence. Et puis même, tout le métissage, le mélange… Les mecs ils sont de toutes les races, il y a des noirs, des verts, des Jedi des toutes les couleurs. Mais Yoda, c’est le plus fort : le contraste entre sa taille, sa gueule… Il est super sage, mais quand il part en couilles, il massacre tout le monde. Je l’ai même tatoué sur ma main.
A : C’est quoi ton épisode préféré de la saga ?
B : [il cherche] J’ai pas aimé les épisodes 1, 2 et 3. Les nouveaux là. Le troisième, ça va encore mais bon, c’est trop Walt Disney. C’est moins sérieux que les autres. Donc je sais pas, je dirais le IV et VI…
A : T’as pas kiffé L’Empire Contre Attaque ?
B : Si, je mettrais les trois, mais à choisir, c’est celui que j’aime le moins, mais qui est mortel aussi. En fait, celui-là, c’est une transition, il finit pas. Faut attendre la suite. Le IV a une fin, le VI a une fin, mais pas vraiment dans L’Empire Contre Attaque. A lui tout seul, il voudrait pas dire grand-chose. Mais j’aime les trois hein. Et puis le sabre laser, c’est mon rêve de gamin. Si j’avais pu avoir une chose, ça aurait été un sabre laser. J’aurais tout donné pour avoir un sabre laser. Ça me fascine ! Ils me rendent ouf ces trucs.
A : Bon ben ça te fait un point commun avec IAM…
B : Ouais, sauf que je rappe mieux qu’eux. [rires]
A : Tu es sur Twitter ?
B : J’ai un compte mais, à la base, je fonctionne un petit peu à l’inverse de twitter. C’est à dire que je n’ai pas envie qu’on sache tout le temps ce que je fais. L’ultra-présence des gens comme Kanye est due au fait qu’il sont payés. Si tu me payes, moi aussi je te dis ce que je fais [rires]. Quand Kim Kardashian dit qu’elle est en train de se maquiller avec la nouvelle crème X, elle empoche du cash. C’est pour l’oseille qu’ils sont dessus. En France, c’est trop petit pour avoir ça et, de toute façon, on n’est pas assez dans l’entertainment.
A : Tu es un des seuls rappeurs français qui parvient à toucher un public assez large et des couches sociales différentes. Comment expliques-tu ça ?
B : C’est une question d’écriture. Je parle de choses de mon âge tout en gardant un côté frais. Ce qui fait que des gens de 20 piges vont apprécier l’esprit. Moi, je ne calcule pas pour qui je rappe. Comme je le disais dans un ancien texte, je ne rappe pas pour les petits. Je parle de l’homme que je suis à l’âge que j’ai au moment où j’écris. Malgré ça, ça peut parler à tout le monde.
C’est comme un film qui est bien fait et qui peut parler à tout le monde. Avant de voir Avatar, je pensais que ce serait un peu de la branlette. Je l’ai vu et j’ai kiffé ! L’histoire est archi-classique mais c’est tellement bien fait que le petit de dix ans et le médecin de cinquante ans en prennent tous les deux plein la gueule. C’est ce qui est le plus dur à faire.
A : On avait aussi une question sur Rosa Acosta…
B : Je croyais que t’allais me parler de Rosa Parks ! [rires]
A : Comment est-ce que tu l’as contactée ? Et comment est venue l’imagerie un peu GTA ?
B : Je l’avais vue dans d’autres clips et je trouve qu’elle se différencie des autres tout en restant assez discrète. Elle a fait plusieurs clips sans que tu te dises « Oh, encore elle ». Pourtant, on l’a remarquée.
On m’a déjà fait la remarque concernant GTA mais ça n’était pas voulu du tout. Si je suis habillé en rouge, c’est parce que c’est ma couleur préférée. Il n’y a pas vraiment eu d’influence. Certains m’ont parlé de Casino mais, compte tenu du titre du morceau, tu penses tout de suite à Las Vegas et à son désert. A partir de là, tu penses à enterrer un mec dedans… Bon, on ne l’a pas enterré mais brûlé [rires]. C’était une histoire simple.
J’aime beaucoup travailler avec Chris Macari. Déjà, c’est quelqu’un dont j’apprécie le travail depuis longtemps et c’est un indépendant qui connaît la culture rap. C’est devenu un pote et, même sans budget, il est capable de te faire des miracles.
A : Comment as-tu vécu ta période en major ?
B : J’estime simplement que je suis capable de faire tout seul tout ce qu’ils faisaient. Je pensais vraiment que les maisons de disques avaient du pouvoir et qu’elles pouvaient faire en sorte que tu sois joué sur de grosses radios. C’est pas le cas. Finalement, je suis bien tout seul et je gagne plus d’oseille [rires].
[…] Ce procédé est assumé par l’artiste : « A : En même temps, tu as toujours parlé de la condition des Noirs, de l’esclavage… B : [Il coupe] Mais sans que ce soit pesant. C’est pour ça que je ne cherche pas à faire trop de thèmes sur une musique qui va te plomber le cerveau… Déjà, ça me ferait chier d’écrire tout le temps là-dessus. Je préfère écrire une punchline particulièrement forte qui veut dire plein de choses à la fois. Quand je dis « Va dire au chauffeur que je pose mon cul où je veux comme Rosa Parks », ça me semble suffisant. Je préfère ça qu’écrire 100 rimes qui vont faire chier tout le monde. » Interview de Booba par l’Abcdrduson, 2010 […]
[…] Ce procédé est assumé par l’artiste : « A : En même temps, tu as toujours parlé de la condition des Noirs, de l’esclavage… B : [Il coupe] Mais sans que ce soit pesant. C’est pour ça que je ne cherche pas à faire trop de thèmes sur une musique qui va te plomber le cerveau… Déjà, ça me ferait chier d’écrire tout le temps là-dessus. Je préfère écrire une punchline particulièrement forte qui veut dire plein de choses à la fois. Quand je dis « Va dire au chauffeur que je pose mon cul où je veux comme Rosa Parks », ça me semble suffisant. Je préfère ça qu’écrire 100 rimes qui vont faire chier tout le monde. » Interview de Booba par l’Abcdrduson, 2010 […]