DJ Clark Kent
Interview

DJ Clark Kent

Le mot « légendaire » va bien à celui qui a découvert Notorious B.I.G., Jay-Z et Shyne. DJ, producteur, consultant pour Nike, Rodolfo Franklin est un homme très occupé. Il a quand même pris le temps de nous accorder une longue interview où il évoque sa carrière DJ, le phénomène Serato, le business de la radio et pourquoi Gucci Mane est le meilleur rappeur actuel.

Photographie : @EmadRashidi

Abcdr du Son : Que fait Clark Kent ces jours-ci ?

DJ Clark Kent : Clark Kent se remet à la musique ! J’essaie de m’aligner avec des artistes qui me semblent justes, des gens comme Joel Mark’Que, The E.N.D., Sandman, Curt@!n$, Fred The Godson, Maf. Il y a aussi ce nouveau venu qui s’appelle Gilberte Forte et je me prépare aussi à bosser avec Jay Electronica. J’avais arrêté de m’impliquer dans la musique, vie personnelle oblige, car la musique n’avançait pas au même rythme. Puis Fred préparait son truc, il m’a appelé pour me demander d’y participer mais j’étais un peu hésitant. Ensuite Joe a appelé, des projets plein la tête et ma réponse ne changeait pas : « OK, peut-être ». Et puis tout le monde s’y est mis : Sandman, Curt@!n$ et Maf – tous voulaient que je travaille avec eux. Je traversais des soucis personnels, tout ce qui m’importait était de les régler, mais désormais j’ai pu remettre de l’ordre dans ma vie. Je suis de retour dans la musique car la musique n’a jamais disparu de moi. Et puis je suis toujours DJ un peu partout.

A : Tu es passé par où récemment ?

C : Je reviens de Taïwan, avant ça j’avais traversé pas mal d’Etats aux Etats-Unis. Là, je vais faire le All-Star Week-end, le Super Bowl et quelques spots à New York. Ça fait longtemps que j’ai pas joué là-bas.

A : Les gens, qu’est-ce qu’ils réclament en club actuellement ?

C : Ils veulent simplement quelque chose qui claque. Ce n’est pas vraiment une affaire de style – et puis je ne demande jamais au public ce qu’il veut, j’essaie de faire en sorte que le public croit en ce que je fais. J’essaie d’apporter aux soirées une énergie que le public ne rencontre pas en temps normal. La plupart des gens jettent un œil au Top 40 pour faire leur programmation. Si je me contente de faire ça, alors je ne suis rien d’autre qu’un DJ lambda et il n’y a aucune raison de me payer différemment d’un autre DJ. Mais vu que je veux être bien payé, il faut que je sois meilleur que mes concurrents.

A : Tu utilises Serato ?

C : Oui, maintenant je le fais. Il m’a fallu du temps pour m’y mettre, j’ai commencé il y a deux, trois ans. Dieu ait son âme, DJ AM n’arrêtait pas de me répéter qu’il fallait que j’utilise Serato. Pareil avec Stretch Armstrong. C’est lui qui m’en a parlé le premier.

A : Tu penses que tu maîtrises bien l’outil désormais ?

C : Non, je ne l’utilise pas comme les autres DJ Serato. Je l’utilise encore comme si je travaillais avec de vrais disques. Je n’ai pas un tas de points repères pour tricher – je l’utilise toujours comme de vraies platines.

A : Tu as vu que Panasonic allait stopper la production des platines Technics ?

C : J’aurais du être dévasté par la nouvelle car selon moi, ce sont les meilleures platines jamais construites. Mais je dois dire que j’ai utilisé une paire de platines Stanton et des Vestax qui étaient mortelles. A mon avis, s’ils ne veulent plus fabriquer de platines, c’est parce qu’il y a trop de DJ qui bossent avec  des CD et des CD-J. C’est leur choix, le mien est de rester fidèle aux platines. Et puis j’ai un bon stock de platines donc je suis à l’abri.

A : Quels sont les 5 morceaux dont tu es sûr qu’à chaque fois que tu vas les passer, les gens vont devenir dingues ?

C : ‘One more chance’ de Biggie, ‘Jigga my Nigga’ de Jay-Z, ‘You Don’t Know’ de Jay-Z – celui-là c’est un monstre, et d’ailleurs ça m’étonne toujours car le son est tellement dur, t’imagines pas une seconde qu’en allant le jouer en Italie, les gens vont aussi péter un plomb. C’est difficile de dire quels morceaux sont infaillibles à 100%, mais n’importe quel titre dansant de Michael Jackson fonctionne. [il réfléchit] Je n’ai pas de botte secrète car ce n’est pas ma manière de faire. Je ne joue pas à partir d’une playlist, je joue à partir de mon cœur. A chaque soirée, ça va être différent mais ce sera toujours juste – je mettrai le feu quoiqu’il arrive.

A : Comment imagines-tu ton évolution en tant que DJ pendant les années à venir ?

C : Mon point de vue est le suivant : la seule chose qui change vraiment pour un DJ, c’est la musique. Et tant que je reste au top niveau musique, je ne serai jamais à la ramasse. Quand il s’agit de musique, il n’y a rien de nouveau pour moi, mes oreilles sont partout. Je prends tellement soin de la musique que je suis capable d’appeler un pote au Japon pour savoir quel est le morceau qui cartonne le plus sur place. Je vais passer le même coup de fil en Italie, à Londres… Je voyage tellement, où que j’aille je vais entendre une nouveauté et essayer de comprendre le phénomène qui l’entoure. Personne en dehors de Baltimore ne jouait de la Baltimore House Music mais je l’ai pris et l’ai joué partout où je suis allé. Aujourd’hui tous les DJ new-yorkais en joue, moi je me dis « Merde, pour moi ce truc a déjà 10 ans ! ». Maintenant ils s’y mettent, on en entend partout, mais les DJ ne réalisent pas qu’ils en jouent  en croyant jouer de la drum n’bass. Prend un morceau de Dizzee Rascal : tu peux appeler ça de la house, du garage ou de la drum n’bass, mais si tu vas à Baltimore, tous les morceaux ont le même son. La Baltimore, chez nous, c’est l’équivalent du garage en Europe. Comprendre ça, c’est le genre de chose qui permet à un DJ de sortir son épingle du jeu.

« Beaucoup de DJ veulent simplement garder leur job. A mon époque, il fallait se démarquer. »

A : Depuis le temps, es-tu encore surpris de l’impact de la musique, et du hip-hop en particulier ?

C : Non, je ne serai jamais surpris par les choses du hip-hop car le hip-hop n’est qu’une fraction de la musique et la musique transcende largement la question des genres. Il y a toutes ces petites sections à l’intérieur de ce grand ensemble appelé la musique. Moi, je suis à l’intérieur de cet ensemble, donc rien ne peut m’étonner. Tout ce que tu peux entendre en croyant que c’est nouveau n’est qu’une copie d’une chose que tu as déjà entendu ailleurs. La musique grandit et elle devrait continuer à s’améliorer. Internet est entrain de forcer les artistes à se surpasser car les gens peuvent entendre leurs disques avant même qu’ils sortent. Et ils finissent par se dire : « Si tu ne me donnes que deux bons morceaux sur ton album de quinze titres, je ne vais pas acheter cette merde, je vais juste choper les deux morceaux ». Pour que les gens prêtent attention à ce que tu fais et qu’ils achètent ton album, tu es obligé d’en faire un bon. C’est peut-être une sale époque pour le business de la musique, mais c’est une bonne période pour la musique – ça va la ramener là où elle doit être.

A : C’est quoi tes meilleurs souvenirs de DJ ?

C : J’aime tellement ce que je fais, il doit y avoir un nouveau bon souvenir à chaque fois que je joue. Tant que je suis face à une foule qui réagit, je vais kiffer. Même s’ils ne sont que dix, ça me va. Je joue parce que j’aime ça. Je ne joue par  pour l’argent qu’il y a à la clé – même si c’est cool – je ne joue pas parce que je sais le faire, non, je joue par amour de la musique. C’est la priorité, toujours.

A : As-tu lu ce billet blog de DJ Enuff qui hésitait à passer le morceau de Jay Electronica sur Hot 97 ? Qu’en as-tu pensé ?

C : Je vais dire la chose suivante – et je ne veux pas être mal compris : la plupart des gens qui travaillent à la radio obéissent à des instructions, donc automatiquement, ils sont un peu nerveux quant il s’agit de passer des choses qu’ils ne connaissent pas. Ce n’est pas de leur faute, c’est la faute de leurs supérieurs. Mais mon point de vue est le suivant : à quoi bon vouloir avoir la place du leader si tu refuses d’être un leader ? Quand je bossais à la radio, je passais une nouveauté presque chaque semaine. J’étais un DJ à la radio, il fallait donc que je sois le premier sur la nouveauté. J’ai mon intégrité quand je joue alors si un son ne me plaît pas, je ne le passe pas. Mais s’il me plaît, alors ça roule. Peut-être que les DJ actuels n’ont pas notre intégrité. Ils ont sans doute un patron qui doit les dissuader de passer certains sons.

Si un artiste a fait un bon morceau, alors joue-le. Comme ça, si l’artiste réussit, il se souviendra que c’est toi qui l’avais joué en premier à la radio. C’est dommage que les DJ ne cherchent pas à savoir qui sont ces nouveaux artistes dont ils récupèrent les morceaux. Prend Jay Electronica : ça fait des années qu’il rappe. Il n’avait peut-être pas encore LE morceau, mais si tu as suivi son parcours, tu sais que le mec sait grave rapper. La plupart des DJ ne font pas ça, ils passent de la radio au club, du club à la radio… Ils feraient mieux de se poser la question : qui est le mec qui déchire le plus dans la rue en ce moment ? Un DJ doit être un révélateur de talent. Combien de mecs n’ont pas passé les morceaux de Jay-Z à ses débuts ? Aujourd’hui ils doivent se sentir bien cons : « Merde, j’ai eu la chance d’être le premier sur Jay-Z, il était venu me voir ! ». Combien de maisons de disque l’ont refusé ? Combien le dénigraient l’air de rien ? Un mois plus tard, ils devaient être dégoutés quand tout le monde disait qu’il déchirait !  Si t’as un son de qualité, pourquoi ne pas le jouer à l’antenne ? Ne pas le faire, c’est la honte. Mais beaucoup de DJ veulent simplement garder leur job. A mon époque, il fallait se démarquer.

A : Tu écoutes encore la radio ?

C : Je n’ai pas vraiment le choix, mais seulement quand je suis en voiture. C’est tout ! Je n’écoute pas la radio à la maison. Moi, je joue dur, alors pas besoin d’écouter la radio car personne n’y joue aussi dur que moi. Par le mot « dur », je ne parle pas de musique hardcore, je parle du fait de jouer avec une bonne dose de pression pour réussir à attirer le public.

A : On t’a déjà proposé de refaire de la radio ?

C : Plusieurs fois, oui. Mais si on ne veut pas que je sois moi-même à l’antenne, ça n’a aucun intérêt d’y retourner. Je suis DJ Clark Kent, et je ne vais bosser dans ta radio si tu me dictes ce que je dois jouer. Si j’étais dans une radio en ce moment, je ne sais pas si un autre DJ sur la station pourrait faire ce que je fais. Je suis assez fort pour trouver un son nouveau et l’utiliser à sa juste valeur.

A : Donc si demain, une radio te propose un poste où tu serais 100% libre, tu accepterais ?

C : Absolument. Je fonce car il y a trop de jeunes talents à qui on ne donne pas la chance d’être entendus. L’année dernière, j’ai failli faire un show qui devait s’appeler « Real Radio ». L’idée, c’était qu’en écoutant mon show, tu aurais pu entendre un son de Jay-Z qui passe déjà en boucle toute la journée, mais le son serait passé dans mon émission parce qu’il est bon, pas parce qu’il est signé Jay-Z.

A : Pourquoi tu ne vas pas sur Satellite Radio ? Les DJ y ont l’air complètement libres de leurs choix…

C : C’est vrai, ils font ce qu’ils veulent, mais moi je veux être le boss de la ville. Si tu es le boss de la ville, alors tu peux être le maître du monde. Si je vais chez Satellite, je ne touche que les gens qui sont abonnés à Satellite, et ça n’est pas le cas de tout le monde. Donne-moi une ville, laisse-moi la contrôler et fais-moi confiance. A l’époque où je dominais New York, je n’étais même pas la vedette de la station, il n’y avait aucun club local dont je n’étais pas le boss. Quand j’étais en poste, tout le monde était au chômage ! C’est pas pour faire genre que je dis ça, c’est un fait. Les seuls autres DJ qui jouaient en club quand j’étais à la radio, c’était Red Alert et Kid Capri. A l’époque,  la priorité c’était de savoir qui savait jouer de la musique, maintenant le but c’est de placer un maximum de morceaux en une heure de temps. Tu peux balancer autant de sons que tu veux mais sais-tu jouer mieux que ça ? Si la réponse est non, alors tu resteras le DJ du coin toute ta vie, et partout où tu iras, les gens diront qu’ils te détestent ! [rires].

A : Selon toi, quels sont les cinq meilleurs morceaux de 2009 ?

C : Je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est qu’il y a eu des purs morceaux ! Drake a eu des titres pas mal, Jay aussi… En tant que new-yorkais, je pourrais dire que ‘Empire State of Mind’ était le morceau de l’année juste par chauvinisme mais ce ne serait pas tout à fait la vérité. Il y en a d’autres. Quand j’ai entendu ‘Popeyes’ [NDLR : Clipse ft. Cam’ron], je suis devenu fou ! ‘Doorman’ était dingue aussi. Cela dit, je ne suis pas bon pour ce genre de questions car ce que j’aime par-dessus tout, c’est les bonnes rimes. Par exemple, pour moi, ‘Exhibit C’ est un morceau de folie mais les gens vont l’ignorer car ça ne sonne pas comme une « chanson ». C’est juste lui qui rappe, mais il le fait tellement bien que tu ne peux pas t’empêcher de l’écouter en boucle. C’est le son parfait pour moi. Et puis il y a beaucoup d’artistes dont la hype ne m’impressionne pas du tout. Personne ne me fait peur. Je me fous de ton entourage. Pour moi, celui qui a eu la meilleure année en 2009, c’est Gucci Mane ! Lui et Drake ont plié le truc. Gucci Mane est sorti de prison, et il a balancé une douzaine de mixtapes en l’espace d’un an. Il est parti en taule, il est ressorti, il a commencé à faire des concerts, 30 000 $ le show, tous les jours… et il était HOT !

A : Tu aimes sa musique ?

C : A fond ! Ses morceaux sont bons. Il n’est peut-être pas le meilleur des rappeurs – il ne mérite même pas d’être inclus dans une conversation sur les meilleurs rappeurs – mais il fait de très bons morceaux. Quand j’ai entendu ‘Bricks’, j’ai halluciné. J’étais hypnotisé. Ensuite j’ai écouté les sons de ses mixtapes et il n’y avait aucun raté. Voilà son point fort. Tu ne vas peut-être pas aimer sa façon de rapper – et dieu sait que c’est mon cas – mais ses titres tiennent grave la route. Ça fait deux ans que suis fan de lui, et à l’époque tout le monde me prenait pour un cinglé. Maintenant, en club, tout le monde est à fond, « Waaaaaaassteeeeeeeed ! » Partout où je vais, tout ce que j’entend c’est « Gucci ! » et « Burrrr ! ». Mais ça fait deux ans que je vous le dis ! En tant que DJ, je suis censé avoir un temps d’avance. Les DJ new-yorkais n’ont pas passé de Gucci Mane avant cette année, à la fin de l’été. J’ai des témoins qui savent que ça fait un bail que je passe ses morceaux.  Lui, il fait des mixtapes comme de vrais albums.

A : C’est toi qui a organisé la collaboration Curt@!n$ / Gucci Mane ?

C : Non, ça c’est mon pote Jimmy Henchmen qui s’en est chargé. Il était leur manager à tous les deux. C’est un vieux morceau, mais c’est un bon morceau. C’est Gucci ! Je ne sais pas où il va chercher ses refrains, ses idées… Il a son producteur, Zaytoven, qui n’arrête pas de lui faire des sons, et maintenant il est à l’aise niveau thunes. Mais le truc le plus con du monde qui pouvait lui arriver est arrivé : il est retourné en taule, encore une fois. Merde, moi à sa place je n’aurais bu que de l’eau, j’aurais arrêté de fumer et arrêté les conneries. Je me serais dit « Bon, j’ai un morceau qui tourne ! ». J’aurais été partout. Il était censé tout niquer.

A : Tout à l’heure tu disais que tu te remettais à la musique. En tant que producteur uniquement ?

C : Oui, juste comme producteur. Je n’ai pas envie de replonger là-dedans, sauf si on me nomme Vice Président d’un label.

A : Tu n’as pas envie de monter ton propre label ?

C : Non, faut avoir un paquet de thunes pour faire ça et honnêtement j’ai pas un gros magot de côté. J’ai une famille à charge. Avoir mon propre label ça ne m’intéresse pas. J’ai plutôt envie de soutenir les artistes avec lesquels je bosse. Je peux t’assurer par contre que je ferais n’importe quoi pour mes gars.

A : Peux-tu nous présenter les mecs avec qui tu bosses aujourd’hui ?

C : Alors, il y a Joel  Mark’Que que tu as rencontré aujourd’hui, Fred The Godson, tu le connais déjà. Sandman, CurT@!n$, Maf aka Maffew Raggazino, Gilbere Forte. Et voilà. Le reste ce sont des gars qui ont déjà des trucs en cours comme Maino ou Red Café, ces gars là c’est la famille. Et il y a Jay Electronica.

« Donne-moi une ville, laisse-moi la contrôler et fais-moi confiance. »

A : Tu peux nous en dire plus sur chacun ?

C : Joel Mark’Que et The E.N.D ont sorti une mixtape intitulée « The 100 ». Dessus, tu as une centaine de freestyles répartis sur cinq disques. Chaque disque correspond à une région des Etats-Unis. Ces disques c’est du concentré de crack. Fred the Gobson, il a inondé le Web avec ses mixtapes et ses vidéos. CurT@!n$ en est à sa troisième mixtape et a tout sorti via le Web. Maf vient de sortir une mixtape et il bosse déjà sur une nouvelle. Il est aussi sur le point de bosser avec Ski Beatz. Sandman, lui, a déjà deux mixtapes à son actif, il bosse sur une nouvelle en ce moment, donc il va repartir dans un mode création à fond. Y’a qui d’autre ?

A : Gilbere Forte ?

C : Je suis sur sa mixtape en ce moment. Crois-moi : va falloir compter sur lui ! Je vais être super clair avec toi, je l’ai eu aujourd’hui. Son manager est un pote, il m’a appelé aujourd’hui et m’a dit « Je veux que tu fasse cette mixtape pour moi Je veux qu’on bosse ensemble. » Je lui ai dit « Ok, cool, quel est ton budget ? ». Et il m’a répondu « Ok, mais je veux que tu aimes vraiment ce que tu fais. » Mais si j’aime pas ce qu’il fait, je ne vais pas bosser dessus. J’ai commencé à écouter…. [il se marre], et ce mec est mortel ! Il vient de Philly mais il ne rappe pas du tout comme tous ces mecs de là-bas.

Tous ces mecs ont vraiment quelque chose de spécial, pour aucun d’entre eux tu ne peux dire « ils sont comme ça ». Ce sont tous de grands artistes. Quand tu vas écouter du Joel Mark’Que, tu vas pas te dire « ce mec vient de New-York ! » Non, tu vas te dire « ce mec défonce ! » Et c’est là l’essentiel pour moi. Le reste est accessoire. Tu peux apprendre plein de trucs, mais si tu peux pas placer la bonne rime qui tue quand je t’entends la première fois rapper, alors j’en ai rien à foutre.

A : A chaque fois que tu ramènes un nouveau mec sur le devant de la scène c’est la même chose. Ils ont tous un point en commun, ce soin particulier apporté aux paroles.

C : Grave! Tu vois, si je te présente quelqu’un qui ne sait pas rapper, tu vas me regarder et me dire que le mec que je t’ai amené là, c’est pas Jay-Z. Tu vas me dire que c’est pas Sauce Money non plus. Et tu vas dire ça à propos de tous les mecs avec qui je bosse. Je ne peux pas faire ça. Donc chacun doit pouvoir tenir le choc à titre individuel. Et c’est le cas de chacun des mecs dont je t’ai parlé. Je n’ai pas besoin d’en rajouter, c’est une réalité. Tu les écoutes et tu flippes.

A : Tu fais des beats pour tous ces mecs là aujourd’hui ?

C : Depuis que je me suis remis à la production, je fais des trucs pour ceux que ça intéresse. Je vais démarcher des mecs en particulier. Si Joel écoute un truc qui lui plait particulièrement, il va le prendre. On a toujours fonctionné comme ça fait. Et moi j’ai toujours vu les choses de cette façon.

A : Tu avais produit les ‘Victory’ pour Sandman ?

C : Ouais, les trois parties. [NDLR : Il s’adresse à Joel]  Joel, tu te rappelles des ‘Victory’ de Sandman, les trois parties ? Le morceau comportait trois parties, et dans une des parties, sa meuf se faisait buter.

Joel [NDLR: Joel gueule super fort] : Ouais, bien sûr que je m’en rappelle !

C : Et faut que tu saches qu’on fait ça depuis dix ans et qu’on roule encore comme ça aujourd’hui. Quand tu fais de la musique, tu ne dois pas viser le court terme, tu dois chercher à ce que ta musique soit intemporelle ou sonne comme tel.

A : Quand tu vois le virage pris par le hip-hop aujourd’hui, tu penses que ces mecs ont un futur radieux face à eux ?

C : Clairement ! Les années à venir s’annoncent beaucoup plus riches de promesses que les premières années qu’on a passé tous ensemble au départ. A cette époque là, tout était axé sur la personnalité, si t’étais pote avec tel mec ou tel autre. Aujourd’hui, c’est très différent. Il est avant tout question de ton talent et de la qualité de tes morceaux.  Internet a donné la possibilité à tous ces enculés de montrer qu’ils ont du talent. Tu peux faire des putains de morceaux et les partager avec le monde entier. Si tu n’as pas une vraie sélection de morceaux qui défoncent t’es une baltringue.

A : Comment as-tu découvert Fred The God ?

C : Mon pote Mark, qui vient de Yonkers [NDLR: New-York] s’occupait de TBM (Talk Bout Money), un putain de groupe. Il m’a dit : « Je vais te les présenter Clark ». Un jour il m’a présenté Fred et un autre gars, Virginia Slim. Ils rappaient super bien. Je bossais avec eux, mais à un moment ils ont eu de vieilles embrouilles avec un mec avec lequel ils bossaient. Du coup à un moment, ils se sont séparés et Fred a commencé une carrière solo. A ce moment là, je me suis dit : « rien à foutre, on y va ! »

A : Et Maf ?

C :  Un jour j’étais à une soirée en Virginie. J’étais avec des potes de là-bas avec lesquels je trainais à une époque, ils avaient ouvert leur propre studio, DonLand Entertainment. Carlos, un de mes potes, fait partie de ce groupe. On a grandi ensemble et il m’avait dit « Viens, je veux que tu animes la soirée. » Du coup je suis venu et il a insisté pour que je rencontre un mec, bien jeune, il devait avoir 18 ans. Le mec m’a dit « On s’est déjà rencontrés ! T’étais venu au magasin lors d’une battle, tu avais dit que j’étais le meilleur mais qu’il fallait que ma voix prenne de l’ampleur parce que j’avais encore une voix de petit garçon ». Quelques années après, ces même gars ont fait en sorte que je le rencontre de nouveau, quand sa voix était bien plus mature, qu’il avait de meilleures rimes et plus de style. C’est un vrai artiste. A partir de ce moment là, j’ai commencé à bosser avec lui.

A : Comment ça s’est passé pour Sandman ?

C : Sandman… c’est un mec qui s’occupait de Major Figgaz qui me l’a présenté. Il me les a présenté un jour, à l’époque où je bossais avec Junior Mafia. Il est rentré dans le studio au moment où je faisais les prises de voix de Cease. Il rappait à côté de moi, sans s’arrêter. A chaque fois que le beat arrivait il balançait des rimes. Il était si fort qu’à un moment, quand le beat s’est arrêté, je suis venu lui parler et on a quitté le studio ensemble. Junior Mafia étaient là-bas, en se demandant : « c’est quoi ces conneries ?! » Je ne suis jamais revenu et le lendemain j’enregistrais les prises de voix de Sandman.

A : Tu me disais tout à l’heure que « Victory » a dix ans. Comment tu décrirais la musique que tu fais aujourd’hui ?

C : J’adore la musique, sans limite. Je peux et sais tout faire. C’est marrant, si je devais la décrire aujourd’hui, je dirais que je fais une musique vraiment dure. Je trouve qu’il n’y a pas assez de trucs bruts dans le rap aujourd’hui, alors c’est ce que je fais. Je veux que ce soit hip-hop et pas du rap. Mais moi je considère que si tu es un bon artiste, tu peux faire un bon album de rap qui vienne du hip-Hop. C’est ce que j’essaie de faire, et continue d’essayer de faire. Et tu peux me croire, c’est vraiment dur !

A : Un des rappeurs que tu avais découvert a fait les gros titres ces derniers temps avec sa sortie de taule : Shyne. Tu lui as parlé depuis qu’il est dehors ?

C : Ouais ! Shyne, c’est la famille. C’est vraiment mon gars. Dès qu’il est sorti, on a parlé de son avenir. Il faut que j’aille à Belize pour bosser avec lui. Je vais faire un truc sur son album. C’est obligatoire.

A : Tu peux nous dire ce qu’il fait aujourd’hui ?

C : Ben, écoute, il vit à Belize, au sommet d’un hôtel plutôt sympa et il écoute pas mal de musique. Il a envie de bosser en ce moment…

A : J’ai entendu dire que des producteurs allaient là-bas pour bosser avec lui.

C : Oui, tout à fait.

A : Faut pas que tu traînes du coup !

 : Ouais, je dois y aller dans un mois et demi. Je veux faire un truc vraiment mortel avec lui, un truc qui montre à tout le monde qui est vraiment Shyne. Il veut rapper de vrais trucs, je bosse des trucs en ce moment, des trucs vraiment durs et je sais que c’est ce qu’il veut.

A : Tu disais à un moment vouloir bosser avec Jay Electronica, t’es déjà en contact avec lui ?

C :  Ouais, c’est marrant que tu me dises ça, on a discuté une bonne heure ensemble aujourd’hui. Je vais lui filer des prods. C’est vraiment pas évident pour le choper, mais quand tu réussis à le choper, il roule avec toi. Je l’ai rencontré plusieurs fois, notre échange d’aujourd’hui était vraiment constructif.

A : J’ai passé quelques jours au DD172 Complex de Dame Dash. Vu ton passif avec Dame, il y a des chances qu’on te retrouve par là-bas ?

C : Clairement, je vais installer un studio là-bas. Dame, c’est vraiment mon gars.

A : Tu es fier de ce qu’il fait aujourd’hui ?

C : Bien sûr, je suis super fier de lui. Au-delà tout ça, c’est vraiment un bon mec. Un bon ami, sincèrement. Je n’accepte pas qu’on parle mal sur lui. Dame c’est la famille de coeur.

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