Interview

Gasface

Lyon-City-Plage. Ses fleuves, son club de foot, ses camionnettes de prostituées. Mille raisons d’essuyer sa pelle comme Bernie Noël sur une certaine idée de la bourgeoisie en carton, et puis il y eut Gasface. Rencontre avec Nico et Groswift, les Heckel et Jeckel de l’interview sur papier, nouvelles preuves vivantes de la réalité du rêve français.

Abcdr : Nico, Groswift, un petit mot pour vous présenter ?

N : Nicolas « Nico » Venancio, 28 ans, gémeaux. Né à Lyon 8ème.

G : Mathieu, 27 ans, né à Lyon 4ème.

A : Premiers coups de foudre rapologiques ?

N : J’ai eu de l’amour pour ‘The love you save’, ‘I want you back’, ‘Mama’s pearl’ des Jackson 5 bien avant la rapologie, j’attendais toujours le passage de Tito… Sinon j’adorais ‘La rue’ des Sages Po’, surtout Zox’. J’aimais bien aussi Flavor Flav’ qui faisait « I can’t do nuthin’ for you man, you want six dollars for what?« . C’est une des premières rimes que j’ai capté.

G : Mon grand frère avait une K7 avec écrit Raising hell dessus, je ne savais même pas que c’était Run DMC. Il m’a dit que c’était la musique du Prince de Bel-Air et j’y ai cru pendant super longtemps. J’avais 11 ans, ‘You be illin’ était ma zique préférée, ça allait bien avec la vie de zouzou, avec mes potes on aimait bien faire du vélo et aller visiter les maisons abandonnées… Ensuite j’ai emprunté la K7 de It takes a nation of million… au grand frère d’un pote, et je l’ai jamais rendue. Ce disque m’a travaillé plusieurs années, c’est un peu mes fondations, pour le son et aussi la gamberge. J’ai même appris l’anglais avec ce disque. Sinon le premier groupe que j’ai découvert par moi-même, je crois que c’est Naughty By Nature. Ensuite Ice T, puis 2Pac, Snoop, Dre, le Predator d’Ice Cube et tous les trucs westcoast qui ont fait la bande-son de mes années playground…

A : Cinq albums incontournables ?

N : Le quatuor Music of my mind/Talking book/Innervisions/Fullfillingness. Après ça t’ajoutes Songs in the key of life. Ça, c’est mon alphabet musical. En rap je dirais le Best of Biggie de Mister Cee.

G : It takes a nation…, Enter the 36 chambers – c’est la plus grande (la seule ?) réussite du rap expérimental -, Euphrates River de Main Ingredient, The Infamous de Mobb Deep. Ça et le premier Luniz, je les ai piqués à la meuf qui m’a montré mon premier Julia Channel. Je lui ai aussi pris le film d’ailleurs, Le parfum de Mathilde, c’était un grand jour. Et sinon il y a Gladys Knight, j’aime tout ce qu’elle fait, c’est mon artiste préférée.

A : Cinq MC/producteurs incontournables ?

N : Dur… Le Jay-Z du Black Album : trop facile, le Keith Murray d’Enigma, le Grand Puba de 2000, la Lil « Q to the B » Kim du ‘Quiet Storm remix’ de Mobb Deep, le Shyne de ‘Godfather buried alive’. Ma twingo, avec du Brooknam dans l’autoradio, roule plus vite qu’une Subaru. Sinon mon rap préféré je ne sais pas si c’est celui de Big L sur ‘Da graveyard’ ou celui de Sadat X sur ‘Play it cool’.

G : AZ, Saigon, Jay-Z, Ghostface, Q-Tip, Biggie, 2Pac, Eminem, Dave Chapelle, Eddie Murphy, Richard Pryor, …

N : Les producteurs, c’est relou… Les premiers solos du Wu, ceux d’après Tical, étaient tellement riches et fascinants que je dirais RZA. Just Blaze je trouve que c’est le talentueux héritier de tous les mecs cool. Vas-y Justin ! Isaac Hayes parce qu’il a inventé la Soul en cinémascope, Willie Mitchell l’autre génie du Dirty South, indémodable comme un polo Lacoste. Mon 5ème producteur préféré c’est Claude Berri.

G : Premier et RZA c’est de loin ceux que je préfère. Ensuite Jay Dee et Just Blaze, et puis Pete Rock et les Beatnuts, pour avant…

« On s’est retrouvés à « faire un mag’ » sans vraiment s’en rendre compte. »

Nico

A : Dans quelles circonstances vous êtes-vous rencontrés ?

N : Ça se passe dans une radio lyonnaise. En 2001 ou 2002, je croise un ex-camarade de collège à la Fnac. « Je fais une émission de rap à la radio, ça te dit de passer ? » J’y passe de temps en temps, puis plus régulièrement, pour passer des sons, checker les nouveautés. C’est cool mais sans plus. On doit être début 2002 quand un disc jockey de l’émission s’absente et propose pour son remplacement… Groswift. Au départ je le checke pas trop : il est blond et il porte des lunettes. Puis l’été arrive, les deux seuls margoulins qui ne partent pas en vacances, c’est lui et moi, plus un autre. Et durant l’été, l’émission change radicalement : le morceau qu’on joue le plus est « On est les champions » de Johnny Halliday, on invite les clodos du coin à mettre un casque et freestyler sur ‘The Message’ de Grandmaster Flash. On se marre to the fullest. Inévitablement quand les autres reviennent ça clashe, je me rappelle qu’un des autres nous a dit : « Arrêtez de faire les cons : le hip hop c’est sérieux« . Depuis plus de nouvelles.

G : Je me rappelle d’un vieux renoi qui avait plus de dents, il rappait super concentré, comme s’il était seul au monde… et au bout de deux minutes, on s’est rendu compte qu’il faisait ‘Rapper’s Delight’, il connaissait les lyrics par cœur ! Sinon j’ai commencé à bien aimer Nico parce qu’il me laissait imiter Johnny à l’antenne. Mais je me méfiais aussi parce qu’il voulait jamais aller au McDo, pour des raisons politiques.

A : D’où est venue l’idée de Gasface ? Et le nom ?

N : L’expression traduisait bien notre état d’esprit. Je me rappelle avoir eu l’idée en faisant le plein à la station Auchan, Porte des Alpes. J’ai appelé Mathieu, il m’a fait « Let’s go fellow« , comme Greg Beugnot.

G : Je me rappelle que l’autre nom qu’on aimait, c’était Time’s up, à cause d’OC… Par la radio on s’est mis à faire un max d’interviews de gens cools, genre Cannibal Ox, Madlib, Verschave… mais on n’arrivait jamais à faire marcher le dictaphone à l’antenne. Alors on a fait un mag.

N : On s’est retrouvés à « faire un mag’ » sans vraiment s’en rendre compte.

A : En termes de presse rap ou généraliste, quelles étaient alors vos sources d’inspiration ? A l’inverse, quels étaient les types d’écueils que vous souhaitiez le plus éviter ?

N : J’ai d’abord collectionné les Strange. Après le magazine que j’ai le plus lu c’est Mondial Basket, ou 5 Majeur ou Sport Action Basket. Le titre rap que j’ai préféré à l’époque c’était The Truth si les mecs qui ont fait ça lisent l’interview, big up ! Ils ont pas eu les props qu’ils méritaient, donc je le redis : big up. J’adorais lire ça avec des Choco Pops. Je me rappelle que j’ai acheté l’album de Real Live après avoir lu leur chronique, quelques années plus tard y’a eu une couv’ de Gasface avec K-Def… donc big up ! Plus tard à la sortie d’un concert des NTM, à l’époque du 4ème album (bien pourri), j’ai choppé Authentik, celui-là, je le lisais à la cantoche au lycée. J’ai kiffé. Quand Get busy était en kiosque c’était la meilleure lecture que tu pouvais trouver dans une Maison de la presse.

G : Mêmes lectures, en gros. Le pire c’est que 15 ans après on se rappelle du groupe de rap préféré de Scottie Pippen dans l’interview de Mondial Basket. J’ai jamais collectionné les mags – à part ceux de basket justement -, ou les fanzines, mais un mag qui m’a fait bien rire c’est LifeSucksDie. J’ai vu qu’un numéro, celui avec le chien écrasé, mais je m’en rappelle encore, ils disaient des conneries énormes, comme s’ils s’en branlaient de leur « statut », d’avoir l’air con ou de se faire passer pour un autre. Tout le contraire des mags à la française genre Rap US où les mecs se tapent le grand frisson quand un renoi leur propose de la coke sur la 125ème. Ils te racontent comme une anecdote le fait de s’être fait traiter de tapette par un mec des Dipset. C’est d’enfer.

N : l’album préféré de Pippen, c’était celui de Tony Toni Tone. J’ai retenu ça, et que Larry Johnson allait au Barbershop tous les 3 jours.

A : En termes d’approche journalistique – ton débridé mais archi-documenté, interpellation du lecteur, titraille choc -, aviez-vous des modèles ?

N : Non. On n’est pas nés de nulle part, il y a énormément d’influences qu’on a digéré, mais on a créé le KungFoutre.

G : On a fait le mag qu’on voulait lire.

A : D’une façon plus large, pensez-vous que les interviews et autres papiers d’ambiance sont aujourd’hui au moins aussi pertinents que les chroniques pour rendre compte de l’évolution d’un courant musical tel que celui-ci ?

N : Les chroniques m’intéressent peu. Ça en dit plus sur son auteur que sur un disque. La tradition critique à la Cahiers du cinéma ça m’intéresse à la limite quand Truffaut interroge Hitchcock, mais quand un fan d’IAM fait la chronique des sorties Fnac… Notre truc c’est plus de rencontrer des personnalités que de « rendre compte de l’évolution d’un courant musical« .

G : Personne ne lit les chroniques. Celles de ‘The Truth’ étaient vraiment marrantes, mais dans la presse normale, y’a rien à foutre. Déjà qu’avant c’était nul, avec le téléchargement c’est devenu carrément inutile.

A : Combien de personnes au total collaborent à Gasface ?

N : Math, moi + 7leonn, notre infographiste et Kamaz, mi-homme mi-stéphanois, qui s’occupe des illustres + le Seigneur qui veille sur nous.

G : Et Rich-Bite, qui veille à perdre le courrier.

A : A combien d’exemplaires environ ont été vendus les précédents numéros ? Parvenez-vous à rentrer dans vos frais ?

N : Avec les fanzines, les interviews, puis les concerts, la sortie en kiosque… Ce qui est récurrent c’est les questions genre « Comment vous faites pour… ? », « Comment ça se fait que…? ». Je comprends qu’on puisse se poser la question. Comme dirait Billy Ray Valentine « on est sexy, terriblement sexy« , les gens voudraient en savoir plus sur notre sexualité. Oui on s’éclate, oui on s’en sort, oui on grandit. Ça me dérange pas qu’on se pose des questions, il faut juste savoir qu’on vend plus de magazines que Teki Latex ne vend de CD’s. Le jour où on s’arrête, on mettra nos déclarations d’impôts et notre correspondance avec les NMPP online [Nouvelles messageries de la presse parisienne, société commerciale de messagerie de presse, NDLR].

G : Yep, les samedi aprèm’ aux Terreaux [place du 1er arrondissement de Lyon, NDLR] vendent cinq ou six fois plus que ‘Les matins de Paris’… Sans combinaison en peau de cochon et sans Fogiel.

N: Le biz de la presse peut paraitre un peu salaud, surtout si t’es un peu naif, comme nous, au départ. Tout se paie… jusqu’à ta place dans les rayonnages des kiosques. Au départ, on savait qu’on jouait à un jeu sans en connaître toutes les règles. Sans capital de base, si ce n’est nos skillz. Mais on s’est dit qu’on gagnerait quand même la partie parce qu’on des petits malins. Et c’est ce qui est en train de se passer : notre pourcentage de ventes est supérieur aux autres titres du « secteur ». D’ailleurs big up à Booba pour les ventes du numéro 3.

A : Comment se passe la conception d’un numéro (prise de contacts en amont, durée du séjour aux États-Unis, retranscription des interviews, fabrication du mag etc.) ? Sur combien de semaines cela s’étale-t-il ?

N : On essaie de plus en plus de faire coller nos idées, nos envies à une structure. Tous les paramètres que tu indiques sont aléatoires. Il n’y a pas de formule.

G : Y a des interviews qui se font en freestyle et des papiers qui prennent un an, ou une nuit.

N : Le plus gros challenge pour nous, c’est de garder du KungFoutre pour l’écriture, tout en assumant le milliard de prises de têtes qui vont avec une sortie kiosque.

A : Cinq rencontres inoubliables dans le cadre de Gasface ?

N : Pierre Max, l’ancien prof de français de Luis Fernandez à Vénissieux. Ghostface. Il est le mec qui a fait porter des Wallabies à la planète entière. Ça + les Helly Hansen, les peignoirs, les Jesus Heads… Il est indéniablement con et en même temps super émouvant. Con + émouvant c’est la formule chimique de Gasface. Je me rappelle qu’il nous parlait des jeunes mamans salopes, qui préfèrent sortir plutôt que de faire un repas correct à leurs enfants. Il racontait que ce genre de filles filent des céréales à leurs gamins au lieu de vrais repas, que ces gosses bouffent trop de sucre, que plus tard ils deviennent diabétiques… Sur le moment j’ai pas trop compris. Ensuite j’ai repensé qu’il nous avait dit que le soir il se faisait des injections, j’ai repensé au clip ‘All that I got is you’ où un petit bouffe des céréales… En fait j’ai capté un peu plus tard que sa diatribe anti-mamans-salopes visait… sa mère. Ca m’a tué. Ca m’a rappelé une phrase du journal de Marc-Edouard Nabe : « Plus vous en savez sur moi, plus je suis libre« . Nabe et Ghost même combat. Et puis ‘I can’t go to sleep » avec Isaac Hayes, c’est tellement beau.

Juju des Beatnuts. Je l’ai check à un concert sur Times Square : « hey tu te rappelles ? » Le lendemain Ali Shaheed Muhammad mixe dans un bar à Brooklyn, sur qui je tombe ? Le surlendemain Bobbito Garcia hoste une soirée, qui est encore là ? C’est un bon gros con comme je les aime. En plus il a un appareil dentaire.

G : Isaac Hayes, c’était dingue. Ce mec représente Stax, Memphis, sa propre légende, comment dresser les meufs… On l’a tenté plusieurs fois et puis finalement on a suivi sa Mercedes après un concert, on traçait, la Twingo Torpedo sautait dans les virages, comme dans Bourne Ultimatum… On est arrivé à l’hôtel en même temps et là les managers se sont dit « bah laisse tomber, ils arrêteront jamais d’essayer… « . On était avec un pote, Bruno. En sortant, Bruno a dit : « J’arrive pas à croire que je viens de rencontrer Barry White ! » Et il plaisantait pas ! En plus Barry White était mort depuis deux ou trois ans…

Y a eu Raekwon aussi, quand on a fait la ballade en Twingo pour choper un McDo. Il a fait une drôle de tête quand il a vu dans quoi on allait monter, je crois qu’il avait jamais vu une caisse aussi petite. Quand je repasse devant le McDo de Charpennes [quartier de Lyon, situé aux confins du 6ème arrondissement et de l’entrée de Villeurbanne, NDLR], c’est marrant de penser qu’on est venu là avec Raekwon Le Chef…
Le concert de Jeru qu’on a fait à Lyon, aussi… On n’est pas timides ni impressionnables, mais franchement c’était bizarre de se balader un dimanche aprèm avec un type que t’as tellement écouté… Voir Premier, c’était cool aussi, c’était comme entrer dans un temple hip-hop. Partout où il est, ça devient super hip-hop. C’est le Père Noël. Le meilleur.

Et pour finir y a le mec qui fait la couv du prochain Gasface. Lui c’est Jésus. C’était comme voir Bob Marley début 70’s. Pour la première fois je me suis dit : « Putain, c’est le futur du rap que t’as devant toi !« , et en plus il était grave marrant – contrairement à ce que j’imaginais -, même quand il a raconté comment il a failli crever… C’est cool d’être en 2007 et de voir que l’histoire du rap ne finit pas de s’écrire…

« Des fois on part pour dix heures de caisse en sachant que le management nous a mis un vent, et une fois sur place tu baratines comme un mec qui ne veut pas faire cinq heures de caisse dans l’autre sens. Neuf fois sur dix ça marche. »

Groswift

A : Cinq anecdotes marquantes ?

G : Ça concerne encore le fameux Bruno. Comme nous tous, il allait à la bibliothèque de la Part-Dieu pour étudier, parce qu’il y a beaucoup de livres et encore plus de bonnes meufs. Il va aux toilettes du 3ème, il sort le machin, y a un black qui rentre, Bruno regarde par la fenêtre, il continue à pisser, et là… il sent comme si quelqu’un lui touchait la bite… C’est une bonne histoire : Bruno a terminé la pause pipi dans son froc et il s’est barré en courant. Bon, ça concerne pas le mag, mais c’est marquant… Des anecdotes y a en mille, faut savoir qu’on a « volé » la plupart de nos interviews, encore aujourd’hui on le fait… Des fois on part pour dix heures de caisse en sachant qu’on n’a pas de gâche et que le management nous a mis un vent, et une fois sur place tu baratines comme un mec qui ne veut pas faire cinq heures de caisse dans l’autre sens. Neuf fois sur dix ça marche.

A : Une chronique de l’Abcdr s’ouvrait sur le constat suivant : « En nos contrées, à la question « Qu’est-ce que tu écoutes ? », deux types de réponses reviennent souvent : »Tout sauf du rap », d’une part, et « Tout sauf du rap français », d’autre part. » Pourquoi si peu d’artistes français interviewés dans Gasface, magazine français ?

N : J’aime pas le « rap français », j’aimerais qu’il monte dans un bus polonais.

G : Français ou non c’est pas la question. Quand t’aimes le whisky tu vas en Ecosse.

N : Je trouve que le genre « rap français » a finalement plus à voir avec la « chanson française » qu’avec le rap. Nous, on met en valeur des acteurs qui ont un univers qui nous parle. Sur le prochain il y a des français avec des skillz.

A : Les artistes que vous n’avez pas encore interviewés et qu’il vous tarde de croiser ?

N : Quentin Tarantino. C’est le mec actuel qui m’inspire le plus. Je supporte à 10 000% sa démarche. Death Proof, c’est très gonflé. J’ai l’impression qu’il aime le cinéma comme moi j’aime le rap. J’aimerais qu’on lise Gasface comme on mate un film de Tarantino.

G : RZA. Je l’ai croisé mais il était tellement pété qu’il savait plus dans quel pays il était.
Tarantino ça serait très fort, en plus il faisait aussi des interviews avant le cinéma ! Il avait même la même spécialité que nous : les interviews de trois heures avec une seule K7. Tu mets la face A, puis la face B, puis à nouveau la A, puis la B, la A… Si t’es assez décontracté, ça se voit pas… Nico est assez fort pour faire ça sans piles aussi.

A : Quels retours sur le contenu du mag vous ont le plus marqués ?

G : Les ventes. Les premières ventes en kiosque, quand les résultats sont tombés, j’y croyais pas ! C’est comme si j’avais eu un super diplôme : des vrais gens avaient massivement validé l’idée du mag. Une heure après, j’étais déjà raide bourré…

A : Avez-vous des retours de la part des différents artistes interviewés outre-Atlantique ?

G : Jamais. Ah si, il paraît que Solar et Guru veulent nous casser la gueule.

A : Quels types de retours recevez-vous de la part des « professionnels de la profession », c’est-à-dire de la part de confrères journalistes ?

G : Ils veulent tous écrire dans Gasface. On reçoit régulièrement des mails où les mecs commencent par s’excuser d’écrire dans des mags de merde. Ils disent que Gasface leur permettrait d’écrire « vrai », de faire ce qu’ils ont vraiment envie de faire.

N : Ça c’est pour les « confrères du rap ». On a aussi eu des retours de vrais journalistes. On a reçu beaucoup d’amour, on a été comparé à Actuel, aux « Inrocks d’il y a 20 ans »… Tu te dis « c’est cool ». Et puis tu passes à autre chose.

A : Êtes-vous assidus du Net et des forums spécialisés ? Si oui, lesquels ?

N : J’aime le blog « No Sneakers allowed », celui de Bill Bourdin… Mathieu ne l’écrira pas mais il est très Fuckaroo.org. Moi c’est Bigboobsalert, Le Monde en page d’acceuil, Nahright… Les forums des sites rap, les Lil Weezy geeks vs les Little Brother nerds, je m’en contrepète. Sinon je lis quand ça parle de nous et je note précieusement les remarques qu’on nous adresse sur un calepin doré qui, une fois rempli, est jeté à la poubelle. Des fois j’envoie des wizz sur msn et parfois j’ai des crises de lol.

G : Fuckaroo c’est pas moi, c’est ma meuf qui m’a montré ce site. J’ai rien dit mais j’étais tellement content le jour où j’ai vu qu’elle regardait du cul sur internet, « pour voir des nouvelles positions« , c’était émouvant… Sinon puisqu’on est dans l’ambiance « je balance« , faut raconter quand l’ex à Nico a voulu taper les deux premières lettres de « Groswift » sur son ordi et que le mot « gros seins » est apparu ! Et il a dit quoi ? « Ça doit être Mathieu, il est un peu pervers avec ses trips, il a dû faire des recherches de cul sur mon ordi« … Quel enculé…

A : Quelles limites vous posez-vous en termes de liberté de ton et de causticité ?

N : Des fois je dis à Mathieu de se calmer avec sa causticité : « Tu l’emporteras pas au paradis avec ta causticité ! » que je lui dis. Malgré ça, il reste con. Sinon j’en ai rien à foutre des limites, je suis comme Master Pet. Autrement j’ai beaucoup de respect pour tout le monde, surtout les juifs.

G : Moi pas. Une fois, je voulais faire un article titré « Le grand méchant juif » et Nico a dit « Non, non, non : on va avoir des tas de problèmes« . Et puis il m’a proposé d’aller manger un sandwich et j’ai oublié à quoi je pensais.

A : Vous êtes basés sur Lyon. Dans une interview accordée à l’Abcdr, Piloophaz dressait le constat suivant : « Finalement, quand tu regardes bien le rap hexagonal, tu réalises que la province est peut-être moins en avance, mais qu’elle possède pourtant plus de recul. Elle respire plus. » Aller pêcher les infos outre-Atlantique et prendre le temps de les retranscrire dans le calme lyonnais, est-ce un confort ? Un choix ? Une étape ?

N : Moi je suis basé sur Lyon. Mon comparse est un exilé fiscal suisse, au même titre que Johnny « Optic 2000 » Hallyday. Le « calme lyonnais« , la « douceur de la province » ça n’existe que dans les films de Claude Chabrol. Après quand tu fais un produit destiné au marché français, si tu bosses dans une autre ville que Paris, ça te dessert. Ça nous a desservi, et ça nous dessert toujours.

G : Lyon c’est pas calme, et pas du tout stimulant comme ville. C’est quand on est à Paris ou à plus forte raison New-York qu’on rencontre des gens qui mous mettent la pression, de « l’émulation » comme on dit… C’est sûr que quand tu vas à Paris, tu te dis que les mecs ont l’air de pas mal se prendre la tête, que les embrouilles peuvent te casser la motive… Mais Lyon c’est pire, y’a des VIP, une scène, mais elle n’a pas vraiment de public, pratiquement personne n’est écouté par des gens normaux, au delà du « milieu »… A Lille, personne n’écoute du rap de Lyon.

A : Si un jour vous deviez faire lire l’une de vos interviews à vos enfants, laquelle leur recommanderiez-vous en premier ?

G : Jamais pensé à ça. Ça servirait à rien, à moins qu’ils aiment les disques des mecs interviewés. S’ils s’en tapent, ça fait vraiment « vieux-con-qui-a-croisé-Elvis« , ça sert à rien d’en parler. A la rigueur c’est cool pour le côté « projet », leur montrer que deux mecs sortis de nulle part peuvent faire n’importe quoi, qu’il n’y a pas de limite… (c’est beau ça, zeubi.)
Par contre je montre le mag à ma mère, mais elle déteste, elle trouve ça vulgaire, idiot et pas intéressant. A chaque fois, je me dis « cette fois elle va bien être obligé de dire que c’est balèze« , mais non, elle compte les gros mots et elle veut qu’on demande des conseils à mon copain Benjamin qui a fait un stage au Monde il y a trois ans.

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