Offwhyte
Après Qwel, c’est au tour de Offwhyte de se prêter au jeu des questions-réponses. Auteur de « Squints », puis plus récemment d’un second opus, « The fifth sun »,
le co-fondateur de Galapagos 4 se montre extrêmement ouvert, calme et serein. Présentation.
Abcdr : Tu peux te présenter ?
Offwhyte : Je m’appelle Offwhyte, co-fondateur et membre du collectif de Chicago, Galapagos 4.
A : Comment définis-tu ta musique ?
O : Je considère ma musique comme l’instrument le plus puissant de mon expression personnelle. Après, il y a différentes façons de communiquer, écrire une lettre, parler, mais la musique constitue sans aucun doute le moyen le plus fort pour se faire entendre.
A : Quelles évolutions majeures y a-t-il eu entre Squints et ton dernier opus, The fifth sun, sorti il y a quelques mois ?
O : Ah… Je me pose cette question assez régulièrement depuis la sortie de The fifth sun. Même si bizarrement, je ne pose pas ce genre de questions quand j’écris des morceaux. Je pense, en fait, avec le recul, que The fifth sun, est dans l’ensemble, bien plus cohésif que son prédécesseur. Sur Squints, je me contentais juste d’écrire des chansons, d’exposer ce que j’avais en tête à ce moment là. Sur The fifth sun, j’ai essayé d’être plus direct lyriquement parlant, sans tourner au tour du pot.
A : Est-ce que le fait d’avoir monté ton propre label avec Jeff Kuglich, t’as permis de t’exprimer plus librement, et de développer ton propre style ?
O : Absolument. Je connais Jeff depuis l’enfance, on a grandi dans le même quartier à Chicago. On se connaît comme des frères, et c’est très important. Si je travaillais avec quelqu’un d’autre, les choses seraient sûrement beaucoup plus compliqués. Jeff était présent dans le studio pour chacun des titres de The fifth sun, et je pense que cela a une influence positive sur ma musique, avec lui je peux être tranquille. Et même si on a un désaccord, au final tout se termine bien.
A : Est-il nécessaire pour toi d’avoir un large panel de producteurs pour créer ?
O : Hum… Bonne question. Pour les deux albums que j’ai sorti, avoir une grande équipe de production a été un vrai plus. C’est bien d’avoir plusieurs producteurs avec des influences variées. Chacun des producteurs avec qui je travaille est talentueux, et à vrai dire je ne pense pas que je pourrai sortir un album produit par une seule personne. Meaty Ogre a produit la plupart des morceaux sur mon dernier album, mais ça aurait été complètement différent s’il les avait tous fait. Donc, c’est positif, et aussi assez sympa de travailler avec pas mal de personnes. Je peux travailler avec Alias d’Anticon par exemple, ou travailler sur mes propres productions.
A : Certains ont comparé ton flow parfois assez rapide, avec celui de Dose One, que t’inspires cette comparaison ?
O : En fait j’ai parlé avec Dose One de cette comparaison entre nos flows respectifs, et il n’était pas trop d’accord. Nous avons des voix et des styles différents. On a peut-être la même approche du beat, mais au delà de ça, je ne pense pas que cette comparaison puisse se justifier. C’est flatteur quelque part, parce que Dose One est un grand MC, extrêmement talentueux et très novateur.
A : Alias produit sur ton dernier album un morceau, Beta alpha. Que penses-tu de la démarche artistique d’Anticon ?
O : Hum… C’est une question difficile… [NDLR : il s’arrête un instant]. A vrai dire, je n’aime pas tout ce que fait Anticon, mais j’adore certains de leurs albums. Je pense qu’ils sont extrêmement courageux de faire ce qu’ils font. J’ai toujours beaucoup respecté Alias en tant qu’artiste, producteur et parolier. La production qu’il m’a donné est à mon sens l’une de ses meilleures. J’ai beaucoup de respect pour la démarche artistique de Anticon, même si je n’accroche pas à tout ce qu’ils font. Ils font quelque chose de novateur et d’original et je respecte beaucoup ça.
A : Ce souci d’innover semble omniprésent dans ton approche musicale, tu parlais tout à l’heure d’Anticon…
O : Oui, tout à fait. C’est ma priorité à vrai dire. Je ne veux pas faire quelque chose que j’aurais déjà entendu, et ce même si je suis influencé par tout ce que j’ai pu entendre, et j’écoute toutes sortes de musiques. Quand j’entends quelque chose de nouveau, de frais, ça me donne envie de créer, de procurer ce genre de réactions à quelqu’un d’autre. J’ai envie que l’auditeur ressente ce que je peux ressentir. Je suis tombé amoureux de la musique à l’age de treize ans, et à partir de ce moment là, je n’ai pas arrêté d’en écouter et d’en chercher toujours plus.
A : Musicalement parlant, penses-tu que Galapagos 4 a désormais sa propre touche, un son qui lui est propre ?
O : Absolument. Je pense que notre musique colle tout à fait à l’atmosphère qu’il peut y avoir dans la ville de Chicago. La ville de Chicago doit affronter toutes sortes d’extrêmes. L’hiver à Chicago est l’un des plus froids de tous les États-Unis, et en été c’est l’inverse, la chaleur est très forte de même que l’humidité. Ce n’est pas un climat tempéré, ou tu peux sortir plus ou moins quand tu le veux. La vie à Chicago est dure, et tu dois prendre sur toi. Le blues est très présent à Chicago aussi, beaucoup de labels de blues sont installés ici. D’ailleurs beaucoup d’artistes de la ville sont influencés par ça. Autre particularité, on enregistre tout en analogue, pas en digital. Toutes ces particularités prises en compte, je pense qu’on a un son unique, et c’est très important, un son honnête.
« Je ne veux pas faire quelque chose que j’aurais déjà entendu. »
A : Chicago est une scène assez à part, avec une touche qui lui est propre, penses-tu que Galapagos 4 peut devenir une nouvelle référence, au même titre que All Natural par exemple ?
O : En fait, je pense que c’est déjà le cas. On a déjà une soirée spéciale pour nous au club le Hot House, un endroit ou All Natural avait à une époque aussi sa soirée, une fois par mois. Déjà ça, c’est extrêmement flatteur. La dernière fois c’était complet, il y a des gens qui n’ont pas pu rentrer. Galapagos est en train de s’imposer au sein de la communauté Hip-Hop de Chicago. All Natural ont fait leur musique pendant des années, et ils sont très forts, aucun doute là-dessus, mais je pense qu’il y aussi de la place pour nous. On a une toute autre approche, mais je suis extrêmement fier de ce que on fait. J’espère qu’on va continuer à croître dans les années à venir.
A : Être à Chicago, une ville beaucoup moins médiatisée que New York ou Los Angeles, un obstacle au développement et à la reconnaissance de Galapagos 4 ?
O : A une époque, oui je pensais cela, mais plus maintenant. Beaucoup de gens se servent de cet argument comme d’une excuse pour justifier leur manque de succès. Ils disent que l’argent manque et que les grands labels sont installés autre part, Chicago est une ville ouvrière et honnête. Mais si avant je considérais cet état de fait comme un obstacle, aujourd’hui j’estime que cet éloignement nous aide à nous concentrer sur notre musique, s’en être influencé par ces grands médias. Nous n’essayons pas d’avoir un record deal, comme ça pourrait être le cas si nous étions à New York ou Los Angeles. J’étais à Los Angeles il y a peu et j’ai discuté avec pas mal de emcees encore inconnus là-bas. La scène underground de Los Angeles est très riche, mais beaucoup de rappeurs sont installés là-bas dans l’unique but de signer un record deal. C’est ici que sont installés Capital Records, BMG… A Chicago, on est pas perturbés par ça. On utilise notre talent et nos propres moyens pour faire notre musique, et je considère que c’est un point important.
A : Au même titre que Qwel, tu as de sérieuses dispositions pour les battles, on le voit par exemple sur un morceau comme Offwhyte vs. Bubba. Vous semblez avoir de nombreux points communs tous les deux…
O : Oui. A Chicago, tu dois être bon en freestyle, c’est obligatoire, sinon les gens ne vont pas prêter attention à toi. Je fais partie du groupe, Nacrobats, depuis que j’ai 18 ans, c’est le premier groupe avec qui j’ai été en contact. Toutes les semaines, on organisait des freestyles, on était souvent une trentaine. Crois-moi tu avais intérêt à être fort, parce que sinon tu te faisais virer. Qwel était là pour ces sessions, moi aussi. Je pense que ces expériences expliquent en partie notre approche du rap, et plus particulièrement du freestyle. On allait aussi dans un club, le Navy Peer, où des battles étaient organisés, et là aussi il fallait être au niveau. Le freestyle est très important à Chicago. C’est principalement pour cette raison que la plupart des MCs de Chicago qui commencent à être reconnus, et pas seulement ceux de Galapagos 4, sont très bons dans ce domaine.
A : Que connais-tu de la scène rap française ?
O : Pas grand chose. J’ai l’impression qu’il y a un vrai dynamisme autour du Hip-Hop ici. Plus généralement, en Europe, je pense que le Hip-Hop est en train d’exploser. Nous étions à Zurich il y a peu, et dans un magasin de disques j’étais surpris de voir qu’ils avaient une énorme partie consacrée à la scène rap allemande. Ca m’a vraiment étonné. Je ne sais pas si c’est le cas en France….
A : Ah oui ça l’est, la scène rap française est extrêmement productive…Tiens, d’ailleurs l’instru que tu entends en fond (Booba, ‘Repose en paix’) c’est du rap français.
O : Ah, très bien. Sinon j’avais entendu MC Solaar parce qu’il était dans les émissions de rap de MTV, et qu’il avait été invité sur un album de Guru (le premier Jazzmatazz). Mais sinon, je ne connais pas grand chose à la scène rap française, même si je serais assez curieux de la découvrir.
A : Quels sont tes projets à court et moyen terme ?
O : Déjà on va terminer cette tournée, qui jusque là s’est déroulée merveilleusement. C’est notre quatrième concert, je suis sur que ça va bien se passer. On a quatre dates supplémentaires, et ensuite on rentre à la maison pour donner un concert à Chicago. Après, je vais commencer à travailler sur un nouvel album. J’ai déjà commencé à écrire et à récupérer des instrus. Cet album devrait sortir à la fin de l’année 2003. J’ai aussi fait pas mal de morceaux avec d’autres rappeurs de Chicago, notamment un titre de dingue avec cette fille Psalm. Il y aussi une autre personne qui va sortir des trucs sur Galapagos 4, il s’appelle Rift. On a fait un morceau ensemble et tu vas voir ce titre est terrible. Je travaille beaucoup avec des gens de Chicago, parce qu’il y a vraiment du talent dans cette ville. Après plus généralement, j’espère continuer à apprendre des choses tous les jours. Cette tournée en Europe a été à ce titre extrêmement enrichissante.
A : Je te laisse conclure…
O : Merci à tous les gens en Europe qui soutiennent Galapagos 4. Ce n’est que le début, on a encore plein de sorties de prévues. Enfin, merci à toi pour cette interview.
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