20 moments précieux passés avec Puff Daddy
Alors que l’album No Way Out, succès monstre de l’année 1997, fête aujourd’hui ses quinze ans, le temps est venu de célébrer l’héritage de son auteur : Sean « Diddy » Combs, rappeur mal-aimé et showman d’exception.
Réputé pour son sens des affaires, haï pour à peu près tout le reste, Sean « Diddy » Combs fait partie des éternels indéfendables du rap. Même ses réussites artistiques les plus évidentes – de la quasi-invention de Notorious B.I.G. à l’identité donnée au label Bad Boy – n’ont pu donner la moindre crédibilité à sa carrière de rappeur, lancée en grandes pompes à la mort de son protégé.
Homme aux sobriquets changeants, Puff Daddy est un as du marketing reconverti en Narcisse, un excentrique de presse people qui se fait écrire ses textes. Il est donc disqualifié sur tous les critères habituels de qualité pour le rap. Pourtant, à chaque morceau, une pensée paradoxale s’impose : Puffy n’est pas censé être là mais il déchire quand même. A la fois D.A. et interprète, tête d’affiche et hypeman, marionettiste et pantin, Puffy est un électron libre unique en son genre : avec lui, un simple back, quelques mesures d’intro ou un hurlement spontané ont une valeur égale à la plus sophistiquée des punchlines. Alors que No Way Out, son premier album (classique ?), fête aujourd’hui ses quinze ans, voici donc notre hommage à Sean Combs, Roi de l’incruste et entertainer-né.
Supercat ft. Mary J. Blige, Jesse West, Puff Daddy & Notorious Big « Doll My Baby Remix » (1993)
Jeune D.A impétueux de Uptown Records, Sean Combs s’incruste sur ce remix pour un couplet qui le voit déjà utiliser le sobriquet Puff Daddy. Et c’est une catastrophe. S’il met déjà en valeur le jeune Biggie Smalls (qui rappe juste après lui), c’est par défaut : Puffy apparaît comme un rappeur amateur, un showman mal dégrossi qui prend un vague accent jamaïcain pour se donner une contenance et enchaîne les rimes de fonds de catalogue. Les seize mesures les plus laborieuses de sa grande carrière. En 1993, il fallait l’admettre : Puffy n’était pas encore tout à fait prêt pour la lumière.
The Notorious B.I.G. « Suicidal Thoughts » (1994)
Même si on sent qu’il a envie de squatter le micro, la place de Puffy dans Ready to Die n’est pas très claire. Il joue aussi bien un intrus dans le manoir de Biggie (« Warning »), un flambeur un peu trop entreprenant (un interlude de « Big Poppa ») ou, plus symboliquement, le médecin qui met Christopher Wallace au monde (« Intro »). Son intervention est en revanche essentielle dans « Suicidal Thoughts ». Alors que Biggie confesse son envie de se faire sucer au Paradis, Puffy y joue le bon copain réveillé en pleine nuit, le confident qui s’affole et qui ne peut rien faire à part écouter, jusqu’au drame. Sa présence et ses quelques réactions en backs permettent ainsi de souligner l’extraordinaire finesse de l’écriture, avec un Biggie à mi-chemin parfait entre la narration cinématographique et l’art de la conversation. Alors, certes, sur la fin, Puffy en fait un poil trop dans les réactions outrées. Mais bon, c’est Puffy, hein.
The Notorious B.I.G. « Hypnotize » (1997)
Principalement concocté par plusieurs générations de Hitmen (D.Dot, Young Lord), « Hypnotize » doit peu à Puffy producteur. En revanche, Puffy backeur brille tout au long des 48 mesures de prouesses techniques de Biggie. A la fois discrets et omniprésents, imbriqués dans les rimes de Biggie, les backs de Puffy rendent palpable la grande complicité artistique qui les liait à l’orée de 1997. La combinaison fonctionne tellement bien que Puffy ne lâchera pas les backs de Life After Death, apparaissant, d’une manière ou d’une autre, sur 16 des 23 titres. Oui, il faut s’y faire : Life After Death est aussi un peu son album.
The Notorious B.I.G « Long Kiss Goodnight » (1997)
Sur la version originale, c’est Cappadonna qui braille dans les backs. Puffy a effacé la voix de ce dernier pour y coller ses propres imprécations suraiguës. Commentant la guerre Bad Boy / Death Row, le producteur nargue ses rivaux, braille et frôle les menaces, bien à l’abri derrière les larges épaules de Biggie. Il trouve quand même la phrase définitive qui résume la position de Bad Boy à l’époque : « I can’t hate you ’cause it’s not in my nature to hate you. » Ad-lib impérial : la haine est pour les faibles et Puffy est un seigneur.
Puff Daddy ft. The Notorious B.I.G & Busta Rhymes « Victory » (1997)
Ce qui compte, ce ne sont pas les cris de perroquet sous amphets de Busta Rhymes. Ce n’est pas non plus cette équation délicieuse d’un Biggie au sommet (« Rhyme a few bars so I can buy a few cars »). Ce qui importe c’est Puffy, partout de l’intro au deuxième couplet de Biggie, initialement écrit pour lui. Jusqu’à cette outro à la détresse aussi poignante que cabotine, enregistrée juste après la mort de Biggie : « It’s all fucked up now ! What Im a do now ? Huh ? It’s ALL FUCKED UP NOW. » Un cri du cœur que nous pouvons tous, à un moment ou à un autre de notre vie, reprendre à notre compte.
Ma$e « Puff’s Intro » (1997)
La mise en scène hollywoodienne des albums de Biggie en atteste : Puffy était à la grande époque Bad Boy un excellent planteur de décor. Prenez la « Puff’s intro », qui ouvre le premier album de Ma$e : sur un gros sample d’Isaac Hayes, la voix-off nonchalante de Puffy ne fait pas grand-chose, à part marmonner un début de biographie pour son protégé. Et pourtant on y est : c’est bien un album Bad Boy™ qui commence. Une petite leçon de direction artistique, doublée d’un sens aiguisé du packaging.
Nas ft. Puff Daddy « Hate Me Now » (1999)
Spectaculaire mais paresseuse, symbolique mais anecdotique, la collaboration Nas/Puffy reste quand même le titre définitif pour illustrer les excès du rap à la fin des années 90. Carmina Burana, pyrotechnie, couronne d’épine et manteaux de fourrure : le morceau et son clip forment un condensé de vulgarité virtuose, centré sur une équation ultime énoncée par Puffy : « You can’t hate me now, but I won’t stop now, ’cause I can’t stop now. » S’il fallait marquer au carbone 14 l’instant où le cœur pur du Vrai Hip-Hop a cessé de battre (rappel : Puffy est le Diable), c’est à 3’26, dans le clip, quand, posé sur un canapé, il crache sa gorgée de champagne face caméra, l’air de rien. Afrika Bambaataa en tremble encore.
Puff Daddy ft. Shyne, G-Dep, Cee-Lo, Busta Rhymes, Sauce Money & Redman « Reverse » (1999)
Shiny Suit Era. Ce moment où le costard a remplacé le baggy, et où le crate digging a laissé place aux samples populistes. Contre toute attente, cette époque haïe dont Puffy fut le commandant en chef a de beau reste. Quinze ans après, les morceaux ont pris de l’âge, mais ils n’ont pas vieilli pour autant. Les samples 80’s sont enfin devenus vintage (bon, peut-être pas celui-ci), et sur les titres plus rugueux, le mix rutilant des ingénieurs Bad Boy a agi comme un couche protectrice contre l’usure du temps. Dans le mésestimé Forever, seule la pochette a pris une vrai coup de vieux. Pour le reste, Puffy passe plus de temps à faire des morceaux hors-format qu’à chercher le hit. Ainsi, en 1999, Puffy enregistrait « Reverse » : zéro refrain, une boucle d’une mesure et cinq minutes de rap avec Shyne, G-Dep, Cee-Lo, Busta Rhymes, Sauce Money et Redman. Oui, sous le costume qui brille battait un cœur de puriste.
« À chaque morceau, une pensée paradoxale s’impose : Puffy n’est pas censé être là mais il déchire quand même. »
Bad Boy All Stars « Where’s Sean » (2001)
Faire-valoir éternel de rookies qui rappent mieux que lui, Puffy est le seul hype-man de l’histoire du rap à se faire plus d’argent que la vedette. En ce sens, il n’a jamais été mieux dans son rôle que dans The Saga Continues, album au postulat vieux comme Bad Boy : un blindé et dix crevards qui font semblant d’être aussi blindés que lui, partagent avec nous des flashes d’un quotidien glamour, entre rêve et réalité. Dans « Where’s Sean », toute la clique de l’époque cherche le patron pendant tout un morceau. Son arrivée à la fin donne bien la mesure d’un mec qui n’a jamais eu de mal à partager le spotlight, du moment qu’il reste bien au milieu de la lumière.
P.Diddy ft. Black Rob & Mark Curry – « Bad Boy 4 Life » (2001)
« Don’t worry If I write Rhymes, I write checks. » Encore aujourd’hui, on a du mal à prendre la mesure de cette rime qui envoyait bouler les valeurs ancestrales du hip-hop (authenticité surjouée, lyricisme à tout crin) au profit d’un capitalisme tout puissant et d’un culte des apparences. Auteur ou non de cette rime, Puffy en est l’initiateur et l’incarnateur éternel. Et si aujourd’hui, le faux dealer / vrai maton Rick Ross peut encore se pavaner torse nu dans les clips et envoyer se faire foutre la crédibilité, eh ben c’est un peu grâce à Puffy.
G-Dep ft. P. Diddy « Special Delivery » (2001)
Discipline vénérable, l’intro de producteur est un art qui semble avoir été inventé uniquement pour Puff Daddy. Dans « Special Delivery », il livre l’une des meilleures pires performances du genre. Son monologue de Monsieur Loyal commence d’une manière relativement cordiale (« I go by the name of P Muthafuckin’ Diddy »), s’emballe vers la 33ème seconde pour laisser place à une série aléatoire de poses mégalo et d’hurlements convulsifs. Au bout d’une minute 17, quand G-Dep a finalement la chance de commencer son couplet, on croirait qu’il entre sur une scène saccagée par le propriétaire des lieux.
B2K ft. P.Diddy « Bump Bump Bump » (2002)
Le fabuleux gimmick qui constituait l’intro de « Who Shot Ya » trouve ici une seconde vie, combiné aux roucoulements de B2K. Le résultat est vertigineux : tout en dévoyant une partie de l’héritage de Biggie, Puffy semble nous dire que tous les hits se valent au royaume de MTV. Quoiqu’il en soit, Puffy assure le job, et en plus, son couplet (sûrement écrit par Loon) est très bon.
Mario Winans ft. P.Diddy & Enya – « I Don’t Wanna Know » (2004)
Justement, grâce soit rendue à Loon qui a su rendre Puffy plus précis techniquement, mieux calé et toujours aussi désinvolte. Écrivant les couplets de Sean comme si c’était les siens, Loon a fini par se faire voler sa place plusieurs fois de suite. Appâté par un sample racoleur (« Boadicea » du groupe Enya, déjà utilisé par les Fugees), Puffy a senti le succès et a réenregistré le couplet de son protégé à la va-vite, contribuant à faire de ce chant de ralliement des cocus dans le déni un petit tube de l’été 2004.
P.Diddy feat G.Dep & Black Rob - « Godfather » (2005)
En 2005, Puffy se cherche. Il ne sait pas encore s’il veut faire tout un album street-credible avec ses vieux poulains (G-Dep & Black Rob) ou bien les lourder pour aller rapper avec des pop stars. Sorti pour prendre la température, ce street single n’a fait aucune vague. Il est pourtant très agréable. Poisseux comme un morceau de mixtape sur cassette, il sample le générique du Parrain et enchaîne les egotrips sans prétention. Mais alors, qu’est-ce qui le rend spécial, hein ? Tout simple : Puffy. Alors que Jay-Z l’a éclipsé comme black self-made-man et qu’une nouvelle génération joue des coudes (le roi du Sud T.I en tête), il trouve la formule qui passera sûrement à la postérité à son sujet : « So Many Kings… One Godfather. » Simple et définitif. Et on est persuadé que cette fois-ci, ses ghostwriters n’y sont pour rien.
Notorious BIG ft. Jay-Z – « Watchuwant » (2005)
L’omniprésence de Puffy sur les chansons de Biggie a un avantage : elle lui permet de jouer les gardiens du temple sur les morceaux posthumes. Grâce à sa présence, même un morceau incertain comme « Nasty Girl » (avec Nelly et Jagged Edge) apparaît comme une hypothèse crédible de la carrière que Biggie aurait pu mener. Dans « Watchuwant », Puffy fait l’impossible : en un interlude, il assure la transition entre le jeune Biggie de 1992 et le Jay-Z maître du monde de 2006. Ainsi, il lui suffit de trois exceptionnelles banalités (« Ladies and gentlemen… Two of the world’s greatest ! ») pour que la jonction se fasse. Grâce à lui, quinze ans disparaissent en un clin d’œil. Anecdotique dans le morceau, Puffy y apparaît néanmoins à la meilleure place : au croisement des époques.
Diddy « The Future » (2006)
La version rap de Phantom of the Paradise : Diddy qui commande deux couplets à un rappeur estimé (Pharaohe Monch), lui emprunte tout ce qui constitue son identité artistique (positionnements rythmiques, variations de ton, schémas de rimes compliqués) pour en faire une contrefaçon parfaite. Difficile de savoir si Puffy fait là un caprice ou s’il joue avec son image de producteur-vampire, mais peu importe : c’est justement ce flou artistique entre l’intention et le symbole qui fait toute la réussite de la performance.
50 Cent ft. Diddy & Jay-Z « I Get Money (Forbes 1 2 3 Remix) » (2007)
Parfois, quand Puffy rappe, le plaisir est tempéré car on ne peut s’empêcher de penser à l’armée de talents qu’il a fallu convoquer pour faire tenir sa performance. Dieu merci, il existe bien un titre qui annihile cette impression désagréable : le remix de « I Get Money ». Diddy y est intouchable car le thème du morceau – les trois rappeurs les plus riches parlent du fait d’être les trois rappeurs les plus riches – est pour lui un boulevard royal. Fermement vissé au podium, Puffy peut traverser son couplet en roues arrières, faire rimer « Jennifer Lopez » et « Saint Tropez » tout en rappelant qu’il faisait déjà la couv’ de Forbes en 1994. Tendez l’oreille et vous entendrez presque les grincements de dents de Jay-Z et 50 Cent.
Booba ft. P. Diddy « Caesar Palace » (2010)
Attention, cas d’école. Booba a eu le bon goût de reconnaître le talent de Puffy dans le domaine de l’intro interminable mais au final, ça le dessert : les 40 premières secondes constituent une telle montée en puissance que l’arrivée de Booba passe pour un trou d’air. Son « Fuck Domenech » volontairement balourd tombe même complètement à plat. Cela aurait sûrement été un peu mieux si Puffy était resté durant tout le morceau pour lâcher quelques « Take That, take that » entre deux dédicaces au 92i mais ne nous faisons pas d’illusions : il était sûrement déjà remonté dans son jet privé avant même la fin du premier couplet.
Diddy Dirty Money ft. Drake « Lovin’ You No More » (2010)
Les ghostwriters de Puffy sont quand même des marrants : quand ils ne font pas dans la méta-blague magistrale (cf « Bad Boy 4 Life »), ils placent dans ses refrains des énormités dont l’ironie ne peut pas complètement lui échapper. Prenez la phrase centrale de « Lovin’ you no more », extrait du concept-album sentimental Last Train To Paris. « I love you more than I love myself. » Quelle meilleure déclaration d’amour pouvaient-ils trouver pour Puffy ? La phrase résume tout le personnage, et elle fonctionne à tous les degrés : au premier, elle est terrifiante de mégalomanie. Au second, elle est géniale d’auto-dérision.
Bugatti Boyz « Another One » (2010)
L’amitié Rick Ross / Puffy fait partie de ces rencontres évidentes comme seul le destin sait les provoquer. Champions du cabotinage, esthètes de la débauche, les Bugatti Boyz pourraient être toxiques l’un pour l’autre. La complémentarité de leur duo est pourtant évidente. Dans « Another One », la magie du ghostwriting les fait ressembler à deux jumeaux qui se retrouveraient enfin après avoir été séparés à la naissance. Plus étrange : l’écart générationnel entre les deux est à peine perceptible. L’arrivée de Rick Ross dans la carrière de Diddy agit ainsi comme un révélateur : en vingt ans, Puffy n’a toujours pas vieilli, comme si son statut de semi-rappeur l’avait immunisé contre les rides. Et si c’était lui, le Tom Cruise du rap ?
Ce type est une merde.
[…] aurait pu être un autre de ces moments passés avec Diddy. Certes, celui-ci est beaucoup plus confidentiel : “Nothing’s Gonna […]
Les gars c’est bien beau tout ca… Mais Don Cartagena moth*erf*ck ???
What ya gonna do haaaa ?
Encore un superbe caméo lyrical de Diddy:
http://www.youtube.com/watch?v=IlrW8_WIy7g
^bah c’est les faits #mainstream les plus marquants de sa carrière ! En même temps c’est Diddy donc ‘mainstream’ est un pléonasme. Et on a beau dire ce qu’on veut…
Y a que des hits ! Mais c’est vrai que le remix de KRS était bouillant.
« Sauf que j’aime pas les putains de puristes » ! -RaelSan
En effet, tellement d’oublis dans cet article, volontaires ou non. On aurait dû lancer un tumblr uniquement consacrés aux faits d’armes de ce cher Puffy.
KING COMBS.
he’s HIP-HOP,
just because !
Et le remix « Step into the world » de KRS One? Rien que pour faire chier les puristes ça méritait 2-3 lignes!
Et pas un mot sur le génial « Come with me » qui fut le générique de Téléfoot pendant des années.
c’est vraiment qune merde et vous le savez très bien alors pk un article? il fait lbeau avec son argent ce batard