The Procussions
The Procussions
Sept ans après un album sympathique mais pas ébouriffant sorti chez Rawkus (5 Sparrows for 2 Cents, 2006), le très bon single « The Fringe » laissait penser que la reformation du groupe colorado-californien, séparé depuis 2008, n’était pas opportuniste (pas vraiment sa spécialité, mais sait-on jamais) et concrétisait au contraire une vraie envie. Une envie partagée semble-t-il par une partie du public, puisque le LP a été financé par du crowdfunding. Porté par une énergie rock sûrement redoutable sur scène — le groupe est réputé pour la qualité de ses prestations live — le morceau, placé ici en deuxième position (juste après l’arrivée de la locomotive qui orne la pochette…), est typique des qualités qu’il a déjà démontrées : une musique entraînante et des textes de qualité.
L’album confirme globalement cette première bonne impression. À l’image du reste de la discographie du groupe, il se nourrit de divers apports (ici majoritairement rock/pop) bien digérés. Mr. J. Medeiros et Stro Elliot forment un duo complémentaire et tous deux rappent désormais aussi bien l’un que l’autre, en sachant autant jouer de leurs timbres de voix que des variations de leur flow. C’est cependant sur les morceaux les plus pêchus qu’ils sont le plus convaincants. De ce point de vue, outre « The Fringe », « Badges » (sur les débordements policiers, avec les Floridiens de ¡MAYDAY!) et son clin d’œil au « So What’cha Want » des Beastie, de même que l’électrique et nerveux « Iron Vox » se détachent du lot. Parmi les invités, c’est Blame One qui retient le plus l’attention sur « The Drum », juste après un « Phantasm » qui poursuit agréablement la collaboration entamée de longue date avec 20Syl. Dans un autre genre, « Insomnia » enveloppe l’auditeur éveillé en débutant dans le dépouillement avant que la composition d’ensemble se mette en place par petites touches, tandis que sur le crépusculaire « Modern Warfare », Stro, qui d’ailleurs produit entièrement l’album, délivre habilement au micro un texte incisif ; on regrette d’autant plus que le morceau soit gâché par son refrain chanté.
Car l’album n’est pas exempt de tout reproche. « Track 10 » apparaît ainsi comme une fausse bonne idée. Volontairement décalé et même parodique (les deux rappeurs s’amusent à jouer aux rappeurs bas du front sur un son putassier), il fait un peu tache dans l’ensemble, même si l’exercice de style est plutôt marrant. On se demande souvent pourquoi les « morceaux cachés » le sont, cachés ; ici, pour le coup, c’était la place idéale, histoire de réveiller un peu l’auditeur après une dernière plage de dédicace un peu longuette (plus de six minutes!). Un morceau comme « December », au climat paradoxalement estival, s’écoute et puis s’oublie. Quant à « Mountain », pollué par Logan (rien à voir avec celui d’Octobre Rouge…), il traduit une tentation commerciale certes compréhensible pour un groupe qui n’a certainement pas eu la reconnaissance publique qu’il mérite, mais donne surtout envie de passer au morceau suivant. Et puis, un petit scratch ou deux ici ou là n’auraient pas fait de mal.
C’est en fait typiquement le genre d’album dont la diversité fait à la fois la qualité et le défaut. En variant les tempos et les ambiances, il évite la monotonie, mais il manque aussi d’une ligne directrice plus franche. Plus largement, l’album The Procussions reflète bien la situation un peu paradoxale du crew du même nom, au moins sous sa forme la plus rétrécie. Celle d’un groupe original et estimable, au savoir-faire indéniable, à la trajectoire et à la discographie tout à fait respectables ; un groupe auquel en somme on n’a rien à reprocher, surtout qu’il sait mettre à distance l’identité qu’on lui colle volontiers sur le dos (« Conscious rap is a gimmick / Are you conscious of that?« , lâche Medeiros sur « The Drum »). Un groupe auquel, pourtant, il manque « quelque chose » pour réussir à se distinguer et marquer durablement les oreilles et les esprits.
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