Chronique

Young Dolph
South Memphis Kingpin

2013

Il est sans doute le « Young » le moins coté de la galaxie Brick Squad et pourtant il a un talent fou et enchaîne les mixtapes de haute volée. Young Dolph, originaire du Sud de Memphis, a rallié la bande à Gucci en 2012. S’il est plus ou moins affilié au Brick Squad et qu’il est présent sur tous les projets du Big Guwap, il n’est pas signé pour autant chez eux. Young Dolph continue de sortir ses tapes via son propre label : Paper Route Empire. Ce qui n’est sans doute pas une mauvaise chose. Il profite ainsi de la formidable vitrine que sont les tapes de Gucci Mane sans être dépendant de qui que ce soit quant à ses sorties personnelles et ses choix de carrière.

À presque trente ans, Young Dolph n’est plus tant un jeunot que ça. Après avoir écumé les rues de Memphis, il se met plus sérieusement au rap en 2009 et décide rapidement de migrer là où tout se passe : Atlanta. Sa mixtape avec l’insupportable DJ Scream, Welcome to DolphWorld, est déjà une belle réussite et attire un peu l’attention. Bien épaulé par le vétéran DJ Squeeky et par Drumma Boy (lui aussi expatrié de Memphis à Atlanta), Dolph continue d’étoffer son carnet d’adresses tant au niveau des invités que des producteurs. Chaque mixtape voit son exposition s’accroître et le jeune loup finit par être cul et chemise avec Gucci Mane. Bonne idée. Se faire adouber par le trap god en personne donne alors un sérieux coup de fouet à sa carrière. En 2013, Young Dolph se fait connaître d’un public plus large et multiplie les projets et les apparitions. Dans la foulée, il élève son niveau de jeu et sort sans doute ses deux meilleures tapes : High Class Street Music 3 et la dernière en date : South Memphis Kingpin.

À cheval entre Memphis et Atlanta, Dolph développe un univers de trap relativement conventionnel, mais si le fond est classique, le personnage est suffisamment excessif et son style assez particulier pour le distinguer de la masse des autres rappeurs du genre. Récits de rue, confessions à cœur ouvert, étalage d’un train de vie outrancier, il mène tout cela avec beaucoup d’énergie et sans donner l’impression de tourner en rond. Il fait avant tout de la « motivational music », celle qui remonte à bloc et donne envie d’aller conquérir le monde. Et qui joue aussi volontiers dans un registre régressif par moments. Dopé au son de C-Murder et Lil Boosie, Young Dolph habite ses couplets et parvient à donner vie à ses paroles simples. Ici, pas de rimes intriquées, d’images fulgurantes ou de profondeur spirituelle, mais un sens de l’interprétation passionnée et du gimmick accrocheur.

Mais pour accoucher de projets convaincants, il faut plus que cela. Dolph a su s’entourer de producteurs réguliers qui lui offrent des petits bijoux du genre. Le résultat est épique, synthétique, froid, et claque dans tous les sens. Les collaborations de plus en plus fréquentes avec Izze the Producer n’y sont pas pour rien, et il ne serait pas étonnant que le nouveau venu de Virginie figure bientôt parmi les fournisseurs d’instrus les plus en vue d’Atlanta. Armé de solides productions, Young Dolph développe un style parfois agressif, parfois posé, mais toujours dans l’outrance. Il multiplie les passages qui partent en crescendo, et qu’il conclut en étirant les syllabes de fin comme un forcené. Il aurait même tendance à abuser de ce schéma, mais on lui pardonne, c’est sa nature. Son rap, c’est le coup de sang permanent. Il a beau feindre la nonchalance, il finit toujours par s’énerver tout seul et se débattre comme un beau diable, c’est plus fort que lui.

Avec son rap facilement reconnaissable, ses bonnes connexions et ses refrains marquants, il a déjà sorti des mixtapes excellentes, mais il lui manque encore un hit ou quelques featurings judicieux pour s’imposer véritablement. Il y a un risque que Young Dolph ait déjà atteint son point culminant et qu’il ne reste qu’un rappeur de rue parmi d‘autres. L’avenir dira s’il réussit à briser ce plafond de verre. Son album, le bien nommé Now or Never, déjà repoussé plusieurs fois, devrait paraître cette année, mais s’il sort simplement sur iTunes sans rien ni personne pour l’appuyer, il n’est pas certain que le retentissement soit plus fort que celui d’un projet gratuit. En attendant de voir quelle direction va prendre sa carrière, la quasi intégralité de sa discographie est disponible ici, et il y a déjà de belles pépites à se mettre sous la dent.

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