Sortie

TTC

Game Over '99 / Trop frais

Paco Rabanne était présent aux tous premiers développements du hip-hop en France. Mais son ombre ne s’est pas limitée au milieu des années 1980. En 1999, l’illuminé couturier faisait partie de ceux qui voyaient l’an 2000 comme le plus grand péril de l’humanité. Visions d’un Paris en flamme, heurté par un objet céleste (en l’occurrence la station Mir qui s’écraserait sur la France), le créateur de mode faisait partie de la caravane de prophètes qui jugeait le 20ème siècle comme un point final. C’est inspiré par cette ambiance bug de l’an 2000 amplifié que TTC sort son premier maxi. Le groupe, fondé d’abord chez DJ Cruz, connecteur de toute une partie du rap français à la fin des années quatre-vingt-dix [CF notre article sur la mixtape Vagues Nocturnes l’an dernier, NDLR], formalise ses précédentes apparitions discographiques sur compilations et mixtapes. Le maxi s’intitule Game Over 99 et Tidoberman, Tekilatex et son cousin Cuizinier y rappent sur la face A tout ce qu’ils feraient « avant que les astéroïdes ne pleuvent sur Paris. » Signature déjà un peu déjantée portée évidemment par la voix cartoonesque de Tekilatex, mais aussi l’empreinte vidéoludique de la production de Mr Flash, lui aussi associé aux premières heures de TTC. En face B, c’est l’éternel et déjà vétéran DJ Fab qui produit « Trop frais », à la marque bien plus boom-bap. Gros kick, lignes egotrips et lignes annonciatrices de l’arrogance d’un groupe clivant, mais qui a toujours suivi sa voie et construit son propre rap, inédit et inimitable jusque dans ses canaux de diffusion (l’émission de WebTV Grekfrites par exemple). Avant la France, ce sont des Anglais qui ne s’y sont pas trompés, puisque c’est la filiale hip-hop du mythique label Ninja Tune, au top de la hype à l’époque, qui signera TTC. Game over 99 / Trop frais était bien plus qu’un maxi, c’était déjà un Disque.

Mr Flash

(Producteur auprès de TTC)

« J’ai rencontré Tido Berman chez Dylan, mon voisin de palier qui faisait des soirées open mics chez lui jusqu’à quatre du mat’. Mais des soirées open mic à l’ancienne, telles qu’on les imaginait à Brooklyn en 1990. Un jour, alors qu’on se toisait comme des branques, il me fait : « T’écoutes du rap toi ? Bah viens chez moi ! » Du coup, je vais chez lui, et là… [Il s’arrête] n’importe quoi jusqu’à cinq heures du matin. Tout le rap français est passé dans son appartement, mais pas pour déconner hein. Certains sont connus aujourd’hui, d’autres sont passés dans l’oubli absolu. Dylan claquait toutes ses thunes dans les maxis les plus improbables et tout le monde venait faire du freestyle chez lui. Ça a duré comme ça pendant un moment. Moi, j’assistais régulièrement à ces trucs-là avec menaces de mort, plaintes dans l’immeuble : bref c’était très drôle. J’ai rencontré Tido chez lui et on est vite devenus potes. Il m’a rapidement dit : « j’ai un groupe avec d’autres mecs, on veut faire un truc différent. » Je faisais mes trucs isolé à la maison avec le casque, avec rien parce que je n’avais pas de matos et pas assez d’oseille pour me payer un vrai studio. Donc je faisais mes trucs tout seul. C’était l’époque où c’était les prémices d’Internet, tout le monde commençait à blogguer, et les mecs de la clique de Buck 65 et d’Anticon avaient monté un forum. On était à bloc là-dedans et sur ce forum, tu avais les premiers beatmaker contests. Je crois que j’étais le seul français là-dessus, à essayer de sortir des trucs en me disant : « allez, je vais essayer, rien à foutre. ». Au final, j’ai gagné le concours. Et forcément ça m’a un peu galvanisé. Ça m’a poussé à me dire : « peut-être qu’il y a moyen de faire des vrais trucs maintenant et d’arrêter les conneries. » C’est comme ça que j’ai dit à TTC : « voilà j’ai ces sons, vous voulez des trucs? » Comme tout le monde dans le milieu du peu-ra à un moment donné, les MCs arrivaient et te disaient : « OK, ce truc-là nous plaît, ça nous inspire, on va écrire un texte là-dessus. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en septembre 2014.

Précédent Suivant
1999, une année de rap français - le mix
Écouter le mix Écouter le mix