Triptik
Triptik
L’éponyme Triptik est le disque le moins connu et cité du trio de Nanterre. Pourtant, 1999 est l’année de l’effervescence pour Blackboul’, Dabaaz et Drixxxé. Un avant an, ils ont sorti leur premier album, L’Ébauche, grâce à une rencontre fortuite avec Patrick Colleony qui décide de mettre des billes dans la production de leur premier disque. Le groupe y gagne une petite réputation. Productions ciselées, flows techniques, présence de scratches et attitude hip-hop leur valent des regards intrigués et enthousiastes. Le groupe joue la carte rappeur plutôt que celle de la crédibilité de rue. Cela s’avère gagnant, puisque complètement isolés de la scène rap jusqu’alors, T.RI.P.T.I.K réalise ses premières connexions, notamment via un fil boulonnais qui se retrouve sur l’album avec la présence de Zoxea, mais aussi celles de LIM et Nisay sur ce qui est probablement l’un des posse cuts les mieux cachés de l’année 1999. Blindé de connexions improbables, dépassant de loin le 92 avec la présence de La Ménagerie, du Sept & Sindbad, ou encore de Rocé, « J-217 » condense 8 minutes de performances nerveuses, hantées par l’arrivée de l’an 2000. Le thème est d’ailleurs récurrent dans de nombreuses sorties de rap français cette année-là. Mais l’EP Triptik, c’est aussi l’affirmation du trio de façon bien plus condensée qu’un an plus tôt. Leurs assonances en rafales franchissement clairement un cap, les beats de Drixxée sont intestables et regardés avec avidité par de nombreux rappeurs français, la vibe américaine mixée à un décor de jeunes branleurs français est parfaitement assumée, bref, le disque pose la patte du trio et, chose remarquable pour l’époque, assoit son beatmaker à la même hauteur que ses deux rappeurs. Drixxxé n’était-il de toute façon pas autant mis en avant que ses deux compères sur la pochette de L’Ébauche un an plus tôt ? Avant de faire bouger les cheveux, Triptik savait déjà bien faire hocher les têtes. Nombreux l’ont confirmé les années suivantes, d’Expression Direkt à Disiz en passant par Cut Killer ou Diam’s.
Dabaaz
(Rappeur de Triptik)
« C’est marrant, car on ne nous parle jamais de cette année ni de cet EP, alors que c’est vraiment l’année la plus folle pour nous. Suite à notre premier album, L’Ébauche en 1998, tout s’était un peu emballé. On avait rencontré Patrick Colleony, qui venait de quitter Night & Day pour Media 7. Il avait aimé ce qu’on faisait, croyait au truc, et il a eu le budget pour qu’on fasse notre premier album : 30 000 francs. On s’était fait remarquer assez vite avec cet album et en allant à FPP, à Générations, plein de contacts se sont faits. Par exemple, la première fois qu’on a été à Générations, c’était direct avec Logilo, Zoxea et Melopheelo. À chaque fois qu’on allait quelque part on rencontrait les gens et je crois qu’ils appréciaient qu’on ne joue pas aux durs, à une époque où chaque rappeur français faisait la gueule avec la visière de sa casquette baissée jusqu’aux yeux. C’était hyper effervescent, chaque jour il y avait une rencontre ou une opportunité. Comme on a senti cette effervescence, on a voulu enchaîner direct avec un EP. On montait notre label Concilium Prod pour avoir une structure pour faire des factures, payer les studios. On a fait ça avec celui qui est devenu notre manager, en mettant 2 000 francs chacun. On a enregistré l’EP de nuit, en clando, dans un super studio à Ivry, le studio A.D.S. Ça ne nous a rien coûté et c’était chant-mé, ça a permis au disque de sonner pas mal. Comme pour L’Ébauche, on l’a sorti en CD, mais aussi en vinyle. Pour nous, c’était important de faire des versions vinyles. On pensait aux DJs, vraiment, on en a toujours eu un dans le groupe. On a eu DJ Feadz, qui à l’époque s’appelait encore DJ Deon au moment de L’Ébauche, on a eu des scratchs de Toxik, puis Fresh, et à la fin évidemment Pone. On mettait toujours des scratches dans nos disques et les DJs nous kiffaient. On a d’ailleurs enchaîné sur pas mal de mixtapes, on fait aussi le maxi avec Cutee B et KDD. Cutee B, c’est vraiment le producteur avec lequel j’ai préféré bosser si on met Drixxxé à part. Après ce maxi, on a décidé qu’on ne bosserait plus que dans son studio et avec lui comme ingénieur du son. De toute façon, que ce soit lui, DJ Pone qui nous a rejoint après la sortie de Microphonorama ou Cut qui nous a vachement poussés jusqu’à nous consacrer une mixtape, le Double H a été hyper important pour nous. Cut nous a même proposé de signer en édition chez lui, via Eastory qu’il avait monté avec BMG. C’est tout aussi révélateur de l’importance des DJs dans notre parcours. Dès 2000, on passait notre vie chez le Double H, on squattait les émissions Bumrush, où passait tout le rap français mais aussi des Américains. Tu te retrouves avec RZA et sa bouteille de sky’, durant trois heures en studio. C’était quelque chose. On passait parfois aussi dans la maison de B.O.S.S où ça ne rigolait pas, surtout au début. [Rires] Et un autre collectif qui a été très important pour nous à nos débuts, c’est Funky Maestro. Il y avait vraiment une connexion forte avec eux, depuis 1999. D’ailleurs, cet EP, c’est aussi le seul disque de Triptik où tout n’est pas produit par Drixxxé puisque Tecnik fournit l’instrumental de « Noctambules ». Ca s’est fait parce qu’on était souvent fourré chez eux, à Neuilly Plaisance, où il y avait aussi plein de monde tout le temps, comme Endo. Ils réalisaient aussi la compilation Homecore sur laquelle on est. On aimait leur son et ça c’est fait naturellement. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en décembre 2019.