Section Est
Section Est
Taggueur au sein du sauvage collectif CMP qui laissera quelques souvenirs frappants en Île-de-France, Rost crée l’émanation rap de son crew. Après une série de disques sortis entre 1996 et 1998, la figure de Belleville décide de réaliser une compilation dédiée à l’Est parisien : Section Est. Il l’accompagne de stickers floqués au nom des X-Men, d’ATK et de CMP Familia proclamant que « les trois groupes sont enfin réunis ». Quand on connait les rapports entre ATK et Time Bomb à l’époque, c’est un peu gonflé. Une tension latente existe entre les deux collectifs depuis que la clique de Mars, Ricky et Sek a récupéré plusieurs éléments de la clique qui « prenait du poids comme un gars obèse ». Alors que c’est Axis d’ATK qui enregistre le disque, l’ambiance dans les studios varie entre bons moments et piques acerbes, selon qui s’adresse à qui. C’est dans ce contexte que se greffent d’anciens éléments d’ATK – parfois signés chez Time Bomb – comme Les Refrés, Odji Ramirez ou encore les Ghettos Diplomats. TPS et l’excellent Diska sont eux issus du collectif CMP alors que TTC et La Caution complètent de façon un peu incongrue le tout. Le mélange est étonnant, alternant entre du violon piano qui tire un peu trop sur la corde, des phases complètement hors-cadre, des expérimentations qui bousculent régulièrement le décor, et une alternance constante entre mélancolie plombante (« La Vie d’un orphelin ») et comportements névrotiques, ces derniers étant généralement signés Yemcha et Rost. Qui s’embrouillera d’ailleurs avec Lynx, le manager d’ATK, ce qui explique l’absence de Freko et du Barillet sur ce premier volume. À défaut d’avoir réussi à rassembler autrement que sur des stickers la scène de l’Est parisien au moment où elle était finalement la plus fragmentée, Rost a créé avec Section Est des associations de MCs dans une tracklist décousue et un peu bipolaire. Un mélange détonnant où s’alternent morceaux de bravoures et morceaux ratés, avec la porte ouverte à de jeunes MCs pour le volume suivant, via quelques mesures à compléter sur la prise 13 du CD.
Cyanure
(Rappeur d’ATK)
« Rost n’a jamais fait partie d’ATK mais c’est tout comme. Il était tout le temps à Paul Valéry, on faisait les concerts ensemble. S’il avait un plan concert avec CMP il nous incrustait et réciproquement. C’est un ami de longue date. Et je pense qu’il a eu l’idée de faire l’album commun CMP/X-Men/ATK parce qu’il était aussi très proche des X-Men et qu’on était tous de Paris Est. Il s’est aussi sûrement dit qu’ATK cotait un peu à l’époque, les X aussi, et que c’était cool. Mais quand tu regardes, il n’y a qu’un seul morceau des X sur l’album. Là pour le coup, tu te dis vraiment qu’il a voulu ramener le nom X-Men. Et puis la notion d’album commun, qui apparaît sur la communication autour du disque, quand tu écoutes, il n’y a pas un morceau commun entre ATK et les X. Comment je l’explique ? Ce sont de vieilles histoires, parfois un peu compliquées mais qui sont passées. On a toujours été un peu en opposition du fait que des anciens d’ATK soient allés chez Time Bomb et côtoyaient les X-Men. On entendait qu’il y avait des histoires sur ATK de leur côté. Les rapports avec les X n’étaient pas dingues, plus avec Ill d’ailleurs qui était assez… [Cherchant le mot juste] provocateur on va dire. Je pense qu’il nous considérait un peu comme des losers, qu’il pensait qu’ils avaient pris le meilleur d’ATK avec eux et laissé le reste sur le côté. Avec Cassidy ça ne se passait pas mal, il y avait des liens avec Antilop, mais avec Ill c’était un peu particulier. Il n’y a jamais eu de grosses galères parce qu’on avait beaucoup d’amis en commun, mais parfois… À l’époque, quand il parlait, c’était un peu comme un acteur américain que tout le monde regarde, écoute et kiffe. Depuis il est venu à l’enterrement de Fredy. Je suis content qu’il y soit venu. C’était un geste qui avait du sens et qui a clôt une époque. Ça a tourné la page d’une période où on était un peu cons. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en octobre 2013.