Saïan Supa Crew
KLR
Lorsque l’Abcdr a évoqué quelques souvenirs liés au Saïan Supa Crew avec Sly en novembre, l’ancien membre du groupe a rappelé une évidence : « il était essentiel pour nous d’être tels que nous sommes et de ne ressembler à personne. C’était notre volonté première. » Et en 1999, le Saïan est en effet une formation atypique dans le rap français. Après un maxi l’année précédente et un EP éponyme en début d’année, le groupe sort à l’automne son premier album officiel. Un long format qui aurait pu ne pas voir le jour, après le décès du septième membre du groupe, KLR, dans un accident de voiture en avril 1998. L’événement tragique va souder le Saïan, bien décidé à imposer sa vision du rap à travers ce disque dont le titre est un hommage à leur compère disparu. KLR est un joyeux bordel, un feu d’artifices, du tracklisting au contenu des morceaux. Rarement un album de rap français avait, alors, fait preuve d’autant d’éclectisme, faisant côtoyer rap, reggae, dancehall, nu soul, et même bossa nova sur un même disque. Surtout, le SSC est un hexagone où chaque identité vocale et chaque manière de rapper sont affirmées. Cette hydre à six têtes lui permet, aussi, d’aborder les thèmes des titres de l’album avec autant d’angles différents, du plus caustique (l’inventaire des bêtises humaines dans « Abécédaire des cons ») au plus sérieux (les différentes expressions racistes dénoncées dans « La Preuve par 3 »). L’énergie et l’explosion des teintes musicales ne sont pas encore parfaitement maîtrisées – il faudra attendre X Raisons en 2001 pour cela – mais l’enthousiasme communicatif du disque et son application sur scène, devenue depuis mythique, ont rapidement installé le Saïan comme une entité à part. Le carton du zouk-rap (ne lisez pas « zumba ») « Angela », pourtant parti d’une blague, sera leur rampe de lancement vers le succès un an plus tard.