Sortie

La Bande des 4

L'Avant-Garde Volume 1

Même s’il est bien sûr inévitable de dresser de nombreux ponts entre l’un et l’autre, il fut une période où les sorties Assassin Productions étaient à distinguer du parcours de Rockin’ Squat. En 1999, le label du groupe ayant trouvé La Formule secrète est géré par Maître Madj. Avec Dawan, également membre de la nébuleuse Assassin depuis plusieurs années, il fonde ce qui s’appellera La Bande des 4, un sceau destiné à mettre en avant des rappeurs prometteurs. Ça se fera à travers la mixtape La Contrebande, mais surtout via trois maxis vinyles intitulés L’Avant Garde qui sortent entre début 1999 et le milieu des années 2000. Alors que les volumes deux et trois se feront sous les bénédictions respectives de Kery James, Doudou Masta et Manu Key, la première sortie accueille uniquement des rappeurs en développement, plus ou moins proches d’Assassin Production. Parmi eux, il y a Aro mais également Pyroman, dont l’année 1998 était celle où il apparaissait dans la constellation Assassin (en duo avec Neda). Kalash complète le casting sur une production de Solo… qu’il remplace au micro ! Totalement dans la couleur new-yorkaise cher à la première – et éternelle – moitié d’Assassin, les trois rappeurs jouent la carte décliniste mais résiliente. L’instru est portée par un son smooth aux samples filtrés, qui n’aurait pas juré dans un revival bom-bap qu’affectionaient certains rappeurs lors de la première moitié des années 2010. Mais c’est surtout la seconde piste du maxi qui retient l’intérêt tant la combinaison Casey – La Caution frappe fort. La rappeuse du Blanc-Mesnil évidemment, pour son couplet mais aussi son refrain, sous lesquels couvent déjà cette bête à libérer. Et le duo de Noisy-le-sec bien sûr, car c’est pour eux l’occasion de donner un peu d’écho à leur style alliant ambiances de rue, associations d’idées hallucinées et techniques d’écriture. Mais surtout car contrairement à la première face du maxi, cette seconde association de MCs fait honneur au concept d’Avant-Garde. Avant-gardisme que les volumes suivants toucheront plusieurs fois du doigt, à travers les couplets de Téma l’Alien, d’Izno qui rentre dans le morceau en rappelant « je suis jeune, j’ai 13 ans » (véridique), ou la production de Dawan pour « Le Peuple nous connaît ».

Viktor Coup?K

(Rappeur de Kalash)

« En 1996, je traînais tout le temps sur le boulevard Rochechouart et j’avais repéré qu’Assassin passait son temps à rentrer et sortir de la Cigale. J’étais fan, et j’ai insisté auprès de la Cigale pour être reçu par le groupe. Après quelques tentatives, la fille du standard a fini par me répondre et m’a demandé ce que j’avais à toujours venir frapper à leur porte. Je lui ai expliqué que j’avais compris qu’Assassin avait des bureaux ici et que je souhaitais leur rapper un texte. Je n’avais même pas dix-huit ans, j’ai débarqué bandana sur la tête et dans la main ma cassette avec l’instru de « Boom Biddy Bye Bye » de Cypress Hill & Fugees, pour rapper devant Rockin’ Squat et Maître Madj. Ils sont sympas mais se disent un peu « qui c’est ce ouf qui nous a tannés pour venir rapper ? » On est restés un peu en lien, notamment avec les mixtapes que je faisais avec mes potes du collectif Mizérecord, et où c’est la première fois que le nom Kalash apparaît. Squat avait été invité sur le volume 1, il était venu avec Saïd Taghmaoui dans le studio qu’on squattait Place Clichy. Du coup, lui et Madj avaient mon numéro et un jour, l’un des deux, Madj je crois, m’appelle en me demandant si je suis chaud pour poser sur un beat de Solo, avec Pyroman et Aro. Sauf que c’est littéralement de la veille pour le lendemain, et qu’en plus, c’est pour poser à la place de Solo. J’écris mon texte et me retrouve devant Solo, que je n’avais jamais rencontré, à le remplacer alors qu’à l’exception des mixtapes Mizérecord, je n’ai encore rien sorti avec Jack Mes sous le nom de Kalash. [Rires] Je ne connaissais personne, ni Solo, ni Pyroman, ni Aro, c’était une bonne pression pour un fan d’Assassin, surtout que si Solo ne posait pas, c’était tout de même lui qui nous enregistrait. Et en réalité, c’était génial comme opportunité, mais je n’ai jamais trop aimé ce morceau. Aujourd’hui, je peux même dire que je ne l’aime plus du tout. Rien que le titre et le propos « Tout s’perd ici », c’était bateau. Ce côté décliniste, pessimiste, ce n’était pas du tout la vision qui m’intéressait. C’était sûrement une partie des codes du rap de l’époque de revendiquer un âge d’or perdu, mais rien que le refrain, je ne m’y retrouve pas. Par contre, la prod avait ce truc que Solo avait capté chez les Américains, ce côté très filtré, que j’aime bien. L’instru avait un bon climat, même si la caisse claire me chiffonne toujours un peu. Et clairement, dans mes souvenirs quand tu écoutais notre morceau et celui de La Caution avec Casey, il n’y avait pas photo : le leur est vraiment mieux ! C’est aussi parce que Solo n’a finalement pas posé que le premier volume de L’Avant-Garde n’a pas quelqu’un d’installé, contrairement aux volumes deux et trois où tu as Doudou Masta, Manu Key ou Kery James. Mais c’est avec cette participation à L’Avant-Garde que je suis devenu ami avec Madj, qui défendait vraiment ce projet avec Dawan. Suite à ça, en grand fan d’Assassin, j’ai évidemment espérer que Kalash fasse partie d’Assassin productions. Ce sont les premiers à nous avoir tendu la main, on traînait dans le même quartier, et un peu après notre premier maxi, j’ai clairement formulé la demande de faire partie du label. Mais il y avait Pyroman au même moment, il y avait aussi eu La Caution même si ça a été très court, donc il n’y avait plus vraiment de place. «  – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en décembre 2019.

Note de la rédaction : Ce disque est sorti en février 1999. Nos sources  (Viktor Coup?K et Maître Madj) n’ayant pas pu dater le jour précis, nous l’avons placé au début du mois.

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1999, une année de rap français - le mix
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