Sortie

Double H DJ Crew

H² DJ Crew

Depuis son passage dans La Haine en 1995, Cut Killer ne cesse de monter en puissance. En 1999, il est plus qu’un DJ, il est une marque à lui tout seul. DJ référence en France, il enchaîne les mixtapes, anime ses émissions radios et apparaît toujours autant sur scène ou sur des albums. Il faut dire que Cut – même si techniquement, certains de ses pairs le dépassent plutôt tranquillement – est un DJ qui a quatre qualités que ses compères du Double H DJ Crew ne cumulent pas : il a du flair, il est le roi de la mixtape, il sait fédérer et a le sens du business. Le chemin parcouru depuis ses premières mixtapes est énorme. Au logo CK fait main s’est progressivement substitué l’entité Double H Production. Cut a obtenu pour sa structure une licence avec le label S.M.A.L.L et sort en 1998 Détournement de son puis Opération Freestyle. Deux disques qui seront l’expression pure de la maturité à laquelle est arrivé Cut : il ne mixe plus des classiques de rap français sur cassette mais les produit et les crée. Il réédite d’ailleurs l’exploit un an plus tard, en estampillant de son logo Les Princes de la ville du 113 dont il participe à la réalisation technique de certains titres, ou en tenant les rennes de l’introduction de l’unique album de la Mafia K’1 Fry. 1999 sera pourtant une année un peu différente. Si Cut reste le boss, il élargit officiellement sa bannière deejaying, celle Double H DJ Crew et de tous ces disques jockeys qui scratchent avec lui chaque soir sur Skyrock. Il demande à chacun de ramener un rookie. DJ Abdel ramène Mouss, Crazy B convie Damage et Pone, Cut lui-même intègre Cutee B. Ce redoutable casting va permettre au crew d’écraser la concurrence en France, malgré la force de frappe d’équipes comme La Face B ou le collectif naissant Audiomicid. Un disque de 24 pistes consacre ce rassemblement de DJs. Partagé entre inédits basés sur des featurings de luxe dans la plus pure tradition de Cut Killer (Fabe, Doudou Masta, Rim’K, la Scred, Hasheem), la triple performance du Saïan (notamment avec « Course Poursuite ») dont c’est l’année, et la présence de deux légendes old school du deejaying que sont Dee Nasty et Cash Money, l’album du Double H DJ Crew fait la part belle aux exercices de style à travers ses nombreuses interludes scratchés. Un disque qui dépassera la marque Cut Killer pour figer celle du Double H et devenir la référence « grand public » d’un turntablism que la France et son rap délaisseront progressivement ensuite.

DJ Pone et DJ Mouss

(DJ au sein du Double H DJ Crew)

DJ Pone : « Depuis 1995, j’étais dans les compétitions de scratching et en 1998, avant d’affronter Crazy B en final, je bats Cut Killer en demi. Je suis super jeune donc ça fait tout un truc sur Paris et c’est comme ça que je le rencontre vraiment. Peu après, Cut décide d’élargir le Double H. À l’époque, le Double H c’est Cut, Abdel, LBR, Dee Nasty et Crazy B. Chacun d’entre-eux doit ramener son « petit jeune ». Crazy B est un vieux pote de Lilian [DJ Damage, NDLR], donc il le ramène… avec moi ! Cut ramène Cutee B, Abdel ramène Mouss, bref, c’est comme ça que le crew s’élargit ».

DJ Mouss : « Cette logique de cooptation, c’était l’idée même du collectif. Intégrer le Double H, quand tu te retrouves avec Dee Nasty, Cut Killer, Abdel, Crazy B ou Damage, c’est un truc de fou. »

P : « Au sein du Double H, chaque DJ n’était pas sur le même créneau. Cut et Abdel étaient monstrueusement connus, c’était énorme pour eux à l’époque. Nous, on était dans l’équipe mais on n’était pas sur les mêmes terrains. Moi j’étais vraiment un DJ de championnat. À l’époque des compétitions, c’était Mouss, Crazy B et moi. Chacun gérait son truc, mais Cut n’est pas du genre à te mettre en avant sans raisons. Il fallait bosser et le mériter, il fallait les skills pour gérer. »

M : « Quand tu rentres là-dedans, tu réalises que tu as quand même un peu de potentiel. [Rires] Pour moi, je rejoins juste L’Équipe de DJs français, la meilleure. »

P :  « Chacun avait vraiment son petit truc, c’était un peu une dream team où personne ne pouvait se bouffer parce que personne n’était sur le même créneau, personne ne faisait les mêmes mixtapes ni les mêmes soirées. Quand on a fondé le Skratch Action Hiro avec Mouss et Crazy B, c’était vraiment parce que c’était notre créneau. Tous les trois on est techniquement là et on s’apporte des choses. »

M : « Je suis assez solitaire, mais dès que je vois qu’on peut faire du lourd, je fonce. C’est pour ça que j’ai foncé dans le Double H, que j’ai foncé dans le Skratch Action Hiro. À cette époque, tout ce que je fais je le fais en voulant mettre des tartes sonores et techniques à mes confrères ! [Rires] À chaque fois que je fais un plan scratch, je me pose qu’une seule question : est-ce que quand je vais téléphoner à Crazy B et lui faire écouter ce que j’ai fait, il va m’insulter en entendant le plan que j’ai placé ? Si quand je l’appelais, je l’entendais sortir des jurons pendant que je lui faisais écouter ma routine ou mes scratches, j’avais gagné et je raccrochais toujours avec un grand sourire. [Rires] »

P : « Mais dans les faits c’est très dur de se réunir et de construire vraiment un truc. On se soutenait, c’était cool. Mais c’était il y a plus de quinze piges. Peut-être que s’il y avait eu internet, Facebook, Soundcloud, il y aurait eu un vrai soutien technique. Mais là c’était difficile, à part se dire « oui bravo, t’as fait un bon set » , tu étais vite limité. À l’époque tu te donnes pas des sons avec une clef USB, tes lives ne sont pas en ligne et disponibles dans l’heure qui suit. Chacun apportait sa pierre à l’édifice comme il le pouvait. Bon, on construit quand même l’album Double H, tant bien que mal on arrive à le faire et ce disque est une très belle réussite mine de rien. »

M : « Aujourd’hui encore on me parle du titre « Course poursuite ». C’est dingue comme il a  marqué des scratcheurs. J’étais un fou de beatbox. Honnêtement, il n’y a pas beaucoup de choses qui musicalement me dérèglent, mais voir Rahzel faire du beatbox, ça fait partie des choses qui m’ont déréglé. Qu’un mec puisse faire avec sa bouche des sons que moi-même je n’arrivais pas à faire aux platines, j’étais sidéré. Du coup, qui aime le beatbox et est français ne peut qu’aimer le Saïan. C’était mon cas, je les côtoyais souvent, j’étais parfois en studio avec eux et ils étaient souvent là en championnat pour faire des démos. Un jour où nous étions ensemble en studio, je les entendais faire des imitations de flics. Ils me faisaient taper des barres et c’était en plein dans l’époque où je scotchais des thèmes dans mes scratches, du genre tourner une séquence autour des voix d’un même film par exemple. Les entendre faire les flics dans le canapé du studio m’a donné l’idée de faire ce titre. On l’a bouclé quasiment sur le champ, en une soirée, et c’est vraiment un super souvenir. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son respectivement en mai 2014 et mai 2018.

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1999, une année de rap français - le mix
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