L’histoire discographique du Bisso Na Bisso commence par des easter eggs. En 1997, un interlude de Les Tentations de Passi titré « L’Union » présentait ce qui sonnait comme un extrait d’un morceau, sur lequel Passi, D.O.C., Lino et Mystik rappaient sur un air de rumba congolaise. L’année suivante, le morceau « Par où t’es rentré » d’Ärsenik se concluait sur un autre teasing lorsque Passi disait à ses deux cousins : « je vous rappelle pour le Bisso. » Un an plus tard, ce mot lingala prenait enfin son sens avec la sortie du premier album du Bisso Na Bisso, collectif réunissant plusieurs artistes originaires de la République du Congo. Il fallait l’aura d’un Passi, devenu icône grand public du rap grâce à son succès en solo, pour réussir le tour de force de réunir à la fois les nouveaux jeunes talents du Secteur Ä (Ben-J des Neg’Marrons, Ärsenik), les jumeaux frondeurs des 2 Bal (plus connus pour leur rage contenue sur l’album 3x plus efficace avec 2 Neg), l’affûté Mystik (révélé à un plus large public sur « On fait les choses ») et la chanteuse et rappeuse M’Passi, également cousine de Passi. Ensemble, ils parviennent à créer le premier long format du rap français créant des ponts avec l’Afrique, tout en restant profondément rap dans leur écriture, leur interprétation et leur construction des morceaux. Pacificateurs sur « L’Union » et « Après la guerre », remplis d’auto-dérision sur « Bisso Na Bisso », maniant la caricature sur « Dans la peau d’un chef » au sujet de la corruption, les artistes célèbrent le Congo et l’Afrique (« Africa by night », « Liberté »), sans tomber dans un idéalisme aveuglant (« Le Cul entre 2 chaises », qui conclue l’album). Du soukous à la rumba, du zouk au rap, de la rumba à la bossa nova : l’album brasse les genres, et a sans doute posé les premières fondations qui permettront à Mokobé de créer Mon Afrique en 2007, puis à MHD de porter fièrement son afrotrap près de vingt ans plus tard.