A priori, ce n’était pas gagné. Lorsque Luc Besson et la production du film Taxi demandent à IAM de prendre en charge la réalisation de la bande originale, rien n’a l’air facile. Shurik’n trop pris par la conception d’Où je vis pour s’engager là-dedans, c’est Akhenaton qui se retrouve seul à diriger le projet. Il n’a que peu de temps devant lui, trois grosses semaines, ce qui le laissera d’ailleurs dire que le délai est son seul regret, surtout que c’est durant cette période que naît son deuxième enfant. Un mois court mais intense, pendant lequel le sommeil n’est clairement pas une option, car les enjeux dépassent la seule réputation d’Akh. Effectivement, le boulot du rappeur n’est pas simplement de concevoir un disque pour accompagner Taxi à travers une soundtrack, mais d’en assurer tout l’univers sonore en réalisant ce que l’on appelle le score. C’est ce qui explique la présence sur un disque vendu à plus de six-cent-mille exemplaires de morceaux instrumentaux, thèmes à l’écran, interludes sur l’album. Pour ce qui est du rap à proprement parler, c’est évidemment Marseille qui relie les artistes entre eux : La FF, le 3° Œil, Carré Rouge, Def Bond, Akhenaton lui-même et son superbe « Liryx Files ». La cité phocéenne est le décor du disque comme elle est celui du film. Le morceau d’ouverture de la BO en revanche revient au voisin Sako qui fait là sa première apparition, et elle n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit du légendaire « Maudits soient les yeux fermés ». Akhenaton voit en ce morceau un joli contre-pied à l’ambiance comique du film, et presse donc Sako de le finaliser après en avoir entendu le premier couplet. C’est bien l’urgence qui caractérise ce disque, il a fallu aller vite, comme Samy Naceri en 406.

K-Reen

(Chanteuse sur la B.O de Taxi)

“Dans mes souvenirs, c’est Def Bond qui a pensé à moi. Def Bond était avec Kheops qui pilotait la Bande Originale. Je suis descendue à Marseille et on a enregistré ça dans la cuisine de Kheops, ou sa salle de bain je ne sais plus. Il avait mis tout son matos dedans. Attention, c’était sérieux hein, mais pour moi, rapper dans une pièce aménagée où normalement tu te laves ou fais à manger, c’était un peu étonnant. [Sourire] “Ah tiens, on va faire de la musique comme ça ?” [Rires] Le morceau qu’on fait avec Def Bond est un peu celui qui nous révèle tous les deux, c’est une très belle expérience sur un disque rempli de gens que j’admire. Tu es quand même sur un projet dont Akhenaton est à la réalisation. Par contre je suis descendue là-bas sans me poser la question d’un son typiquement marseillais. Je ne me prenais pas la tête avec ça. Def Bond avait de toute façon les codes, il m’a plongée dans l’exotisme local quand il m’a parlé de l’intro du morceau : “ici, c’est dragueur chemise ouverte.” [Rires] Je savais aussi qu’on attendait de moi un morceau grand public. Évidemment, je voulais tout déchirer. Alors je me suis libérée la tête. En plus avec cette intro second degré, il y a une ambiance, un personnage à endosser, j’aime beaucoup faire ça ! Je n’avais rien visionné du film quand on a enregistré. Comment j’ai réagi quand je l’ai vu ? Mais c’était cool ! [Éclats de rire] C’était urbain, tu entends ta voix dans la salle de cinéma, c’est un film qui marque l’époque en plus, le titre qu’on a fait avec Def Bond y est hyper associé. Ça ne peut être qu’une super expérience !” – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2018