Sortie

Saïan Supa Crew - Saïan Supa Land

C’est le tome 1 de l’histoire d’une équipe de super guerriers venus, non pas de quatre coins de la galaxie, mais d’Île-de-France. En six morceaux, le maxi Saïan Supa Land est un concentré chaotique, juvénile et euphorique de l’ADN du Saïan Supa Crew : intro au beatbox (reprenant le “Funky Worm” des Ohio Players), passages toastés façon dancehall, rimes de battles contre “les faux”, et ces flows entre rap et chant, hachés, remplis de jeux sur les sonorités, qui rappellent ceux du Boot Camp et du Flipmode Squad. Aussi bien sur les morceaux des micro-formations du groupe (OFX, Explicit Samourai, Simple Spirit) que sur les titres collectifs, c’est un feu d’artifice de voix théâtrales, grimaçantes, qui s’accorderont enfin sur les projets suivants du SSC. Surtout, le maxi est l’une des rares occasions d’entendre le crew dans sa composition originelle, à sept, avec KLR, sa voix plus agressive et son léger cheveu sur la langue. Il ouvre ici le maxi, comme il le fera de manière posthume sur le premier album du Saïan, KLR, qui sortira en 1999. La genèse d’un groupe à part dans le rap français, attaché à une vision d’un rap profondément ancré dans ses idéaux hip-hop tout en étant musicalement ludique.

Vicelow

(MC du Saïan Supa Crew et de OFX)

« Le Saïan s’est formé en septembre 1997. Certains membres du groupe se sont rencontrés dans un studio géré par DJ Fun, qui était un grand de ma ville, Bondy. C’était le studio Nomad, à Stalingrad, rue de l’Aqueduc. Beaucoup de groupes y passaient, notamment OFX – Fefe et KLR – et Explicit Samourai – Leeroy et Specta. Ils se sont rencontrés là-bas, se sont fait écouter ce qu’ils faisaient. Je suis entré dans OFX en parallèle. Leeroy connaissait un gars qui faisait du reggae : Samuel. On connaissait un mec de Montrouge : Sly. Comme ils sont arrivés à la fin, ils ont créé le duo Simple Spirit, mais ce n’était pas un vrai groupe à la base. À l’époque, la plupart des membres avait arrêté l’école. J’avais un petit boulot à mi-temps, beaucoup ne travaillaient pas. Le studio, c’était le QG. Il y avait un magasin au rez-de-chaussée, et un studio au sous-sol. Différents groupes louaient le studio la journée et nous, le soir, on y restait pendant les temps libres pour enregistrer avec Fun. C’était une ambiance de compétition : chacun faisait son morceau de son côté pour mettre la pression à l’autre groupe. C’était le squat : on était plus au studio que chez nous. On explorait nos univers : on avait déjà fait un zouk à l’époque ! Nos origines, nos influences musicales, on touchait à tout. On a eu des coups de cœur artistiques. Ce qui nous a fait halluciner, c’est qu’on n’avait pas grandi ensemble, qu’on s’est rencontrés en venant d’endroits différents, mais on kiffait les mêmes choses. On aimait le même rap, les mêmes gamineries. C’était évident. On était tous curieux, respectueux de chacun. Les deux plus caillera du crew, c’était KLR et Specta. Et à côté de ça, Sly c’est un nounours. On avait des personnalités différentes, mais on était à l’aise avec ça. On savait qu’on était tous des gars de quartier mais, au-delà de ça, ce qui nous réunissait ce n’était pas le quartier, c’était le hip-hop. Et je pense que ça s’est toujours ressenti. On essayait de représenter d’où on venait d’une autre façon. On s’est dit direct qu’on allait faire un maxi, où le concept serait que chacun des groupes qui forment le Saïan enregistre un morceau, avec en plus deux morceaux qui réunissent tout le crew. On a commencé à enregistrer à l’hiver 97/98. On a fini tous les sons en février 1998. Le maxi s’appelait Saïan Supa Land : on était à fond dans le délire de dire qu’on était d’une autre planète, qu’on était les sept boules de cristal, et que réunies, Fun devenait le dragon ! On avait un côté gamin, et ce maxi nous a permis d’aller au bout du truc, sans avoir des ambitions commerciales, parce qu’on a pressé nous-mêmes nos vinyles. C’est une période importante. On a fait notre premier concert, au New Morning. Le premier et le dernier à sept membres. C’était un concert hommage à Cheick Anta Diop, avec K-Reen, Afro Jazz… On était des tous petits en jaune. En avril, le 11, on a fait un concert à Dammartin, suite auquel KLR est décédé dans un accident de voiture. Le groupe allait se dissoudre, ça nous a mis un coup. Mais ce drame nous a rendu déterminés, et on a démarché les maisons de disques avec ce maxi. Ça a interpellé certains DA. On nous disait que c’était original et musical, mais qu’on ne comprenait rien, et que c’était peut-être un problème. Il fallait affiner des choses. Ce qui nous a beaucoup aidé surtout à signer, c’est la scène. Surtout qu’on a toujours été en marge du game, on s’est toujours sentis à part. Et on en jouait ! On voulait casser des bouches sur scène, et pas mal de groupes qui nous ont pas compris ont fini par nous respecter, parce qu’ils savaient le parcours. Peu de personnes croyaient en nous au départ, et je peux le comprendre. » – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2018.

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