Rohff : Appelle-moi Rohff
C’est une croisée des chemins depuis 1996 : ceux qui font converger la Mafia K’1 Fry, Expression Direkt et le D.Abuz System. Les trois crews multiplient les passerelles, particulièrement en 1997 avec L’Invicible armada. Et il y a dans tout ce beau monde un jeune rappeur d’à peine vingt ans qui deviendra l’une des figures majeures du rap français des années 2000. C’est Rohff. Après avoir été poussé sur Guet-apens par le T.I.N et Weedy, après avoir rappé “Dans ta race” avec ses amis du 113 Clan et Stor.K, 1998 est l’année où le Rimeur Original Hardcore Flow Fluide sort son premier maxi. Son titre ? Une sorte de carte de visite: Appelle-moi Rohff. Un let me introduce myself avec toute la finesse qui caractérisera Rohff durant l’ensemble de sa carrière. La présentation est arrogante, sûre d’elle, directe et convaincue de sa force. Du Housni tout craché même si la boucle de DJ Mehdi a un côté presqu’ensoleillé, farniente. Sans concessions, sans auto-censure, chantant déjà à sa propre gloire et n’étant pas à une vulgarité près, ce maxi deux titres transpire la détermination et l’énergie que Rohff a toujours mis dans sa musique. Quitte à parfois sembler avancer avec des oeillères, sans jamais vraiment se remettre en cause. À ce moment-là c’est avec raison puisqu’un an plus tard sortira le classique Le Code de l’honneur, dans une année où l’axe Orly-Choisy-Vitry connaîtra la consécration, avec également la sortie des Princes de la ville.
Thibaut de Longeville
(Passe Passe Records, organisateur de mixtapes)
“Pour Opération coup de poing que je fais en 1997 avec Passe passe on a pris le temps qu’il fallait pour faire rapper les mecs qu’on voulait faire rapper… Mais aussi deux ou trois qui se sont incrustés. Parmi eux, il y a eu Rohff. Extraordinaire ! J’étais avec Lord Issa en studio, on avait une séance avec Time Bomb. Issa me dit “Y a un mec qui est là, il paraît qu’il doit enregistrer. Il s’appelle Wouaf.” Je rentre dans la cabine du studio et je vois ce mec, assez baraque, qui avait posé un cran d’arrêt devant lui et qui faisait des pompes dans le studio. Il était 10 heures du mat’. Je le regarde, je lui demande ce qu’il fait là. Le mec se lève, me répond “Je suis là pour poser.” “Mais qui es-tu ?” Il me regarde un peu de travers et me répond “Ben je suis Rohff.” En fait, j’avais invité Kéry James sur la mixtape, il avait accepté mais m’avait dit “Si je viens, je viens avec tout le monde.” Je ne savais pas qui était “tout le monde.” Kéry James m’explique le principe de la Mafia k’1 Fry, me sort des noms que je ne connaissais absolument pas. Rohff, dans sa pure mentalité que j’ai appris à connaître après, était venu avant tout le monde. Il savait qu’un gros freestyle Mafia k’1 Fry était prévu, mais il voulait aussi qu’on le remarque, lui. Il était venu pour m’imposer son freestyle solo. J’ai dit “Pourquoi pas, on peut en parler, mais là j’ai une séance…” Rohff, un peu en mode menace, a fait sortir tous les autres mecs du studio, et il a fait son freestyle. C’est d’ailleurs un freestyle que j’adore aujourd’hui.” – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2011.