Oxmo Puccino - Opera Puccino
Le 28 avril 1998, Oxmo Puccino n’a pas encore soufflé ses vingt-quatre bougies. Avec Opéra Puccino, il réalise pourtant un album d’une maturité textuelle et artistique qui le ferait presque passer pour un vieux de la vieille. Une aisance vocale palpable, une assurance à toute épreuve, des textes à double fond et une corpulence impressionnante ne sont pas sans évoquer un certain B.I.G. Et l’album lui, avec ses deux masques triste et gai en couverture, ses histoires racontées comme autant de tranches de vie et sa conclusion morbide, n’est pas sans évoquer un certain Ready to Die. Mais loin de s’empêtrer dans cette référence prestigieuse, Opéra Puccino demeure vingt ans après un disque unique, fantasque et cathartique, qui n’a pas d’équivalent dans le rap français. Une pièce parfaitement séquencée avec son ouverture, son aria en treize scènes séparées par trois cavatines, et son funeste final. Entre tragédie classique, opéra bouffe et comédie-ballet, le Black Jacques Brel crée une œuvre composite où un texte déchirant sur la solitude infantile est suivi par une fiction mafieuse, où le récit d’une rupture amoureuse côtoie un commentaire social parlé et particulièrement cinglant. Accompagné par la fine fleur de la scène française d’alors (Akhenaton, Le Rat Luciano, Pit Baccardi, K-Reen, Freeman et Lino, monstrueux sur « La Loi du point final »), soutenu par DJ Sek et DJ Mars à la production, il livre un premier album définitif qui trace le parcours d’une vie et de ses visions. Un premier album aussi qui, déjà, s’écarte des codes traditionnels du rap dont Oxmo s’affranchira peu à peu dans le parcours artistique qu’on lui connaît.
K-Reen
(Chanteuse sur Opéra Puccino)
“J’ai rencontré Oxmo lorsqu’on a fait « Choisis ». On avait gardé contact et il m’a invitée quand il a commencé à réaliser Opéra Puccino. Déjà sur « Choisis », j’avais été épatée, j’avais presque la larme à l’œil. C’était tellement sensible tout en restant viril ! Honnêtement, aucun rappeur ne laissait autant parler son cœur que lui, en tous cas, moi, je n’avais jamais entendu un rappeur écrire et dire des choses comme lui le faisait. Il était différent des autres, même sa façon de détourner les mots. Quand tu entends « J’ai trop de style j’suis fêlé rime Rockfeller, je suis minarminard en plus criminaminal » tu te dis « waoh. » Tu ne captes pas tout de suite ce qu’il raconte mais il a trop de style. Et à côté, tu as cette faculté à raconter des histoires et à avoir une sensibilité. Il n’est pas comme les autres. Opéra Puccino c’est ça : des trucs hyper touchants qui gardent une virilité. Son écriture est vraiment énorme et son album révèle ça au grand jour. « L’Enfant seul » a une telle sensibilité par exemple ! Pour moi, personne n’a réussi à refaire ça dans le rap. En plus, c’est complet : le flow, la voix, l’écriture et même le personnage. Et rien n’est forcé, ça reste lui, ce n’est pas comme aujourd’hui où derrière le personnage, c’est une coquille en vide. Oxmo, c’est vraiment quelqu’un que j’ai trouvé différent dès la première fois que je l’ai rencontré. Quand je repose avec lui “Le Jour où tu partiras” pour L’âge d’or du rap français, je retrouve la même magie qu’à l’époque. J’étais fan d’Oxmo et quand je le revois aujourd’hui, je me rends compte que je le suis encore. C’est un honneur et une chance de pouvoir encore chanter des morceaux d’Opéra Puccino. J’ai chanté avec l’un des plus grands rappeurs français. Avec beaucoup de grands rappeurs français ? [Rires] Oui, c’est vrai, mais Oxmo, comme son premier album, c’est vraiment différent. Il y a un truc en plus, qui n’existe nulle part ailleurs.” – Propos recueillis par L’Abdr du Son en décembre 2018