Sortie

Mixtape Neochrome

Avant qu’ATK première formule n’explose pour devenir le groupe de six MCs et un DJ connu de tous, un dénommé Loko en faisait partie. Il rappait au sein d’une sous-entité du collectif de la Porte Dorée : Le Dispositif. Mais il est surtout l’un des rares à avoir chez lui des moyens de production et une connaissance du beatmaking. Un jour, il débarque avec ses acolytes à Générations FM et sympathise avec Mark Bombattak. Bousillé au rap, Loko devient animateur de la station et se met à côtoyer le gratin du rap français. Cela lui permet de mettre en œuvre son projet : réaliser une mixtape. Il le fait avec son ami Yonea, enregistrant les MCs dans la chambre de ses parents et en les contactant soit dans les locaux de Générations, soit depuis une cabine téléphonique. Lorsque la mixtape sort, Loko en fait timidement la promotion à l’antenne de 88.2 FM en diffusant des titres de Nysay, La Brigade, Le Barillet (désormais son propre groupe) et ATK. Neochrome, « La 7K de Loko », commence à être attendue et lorsqu’elle sort, c’est le premier « jackpot » de l’autoproduction à la française. Les ventes dépassent toutes les espérances et Yonea et Loko, qui ont réussi à placer leur mixtape jusque dans les FNACs, sont rapidement dépassés. Aujourd’hui, la mixtape est considérée comme fondatrice d’un certain rap à la française et son nom résume à lui seul le son qui a pullulé dans les années 2000 : une musique sombre, un brin menaçante, parfois basse du front et surtout purement rue. C’est en effet Neochrome, poussée par les ventes de cette mixtape et de son second volume, qui se structurera tant bien que mal pour sortir le premier album de Sinik ou faire éclore des artistes comme Seth Gueko ou Alkpote. Mais aux yeux de son principal initiateur, rien de tout cette aventure d’un label qui a commencé dans la chambre d’un appartement familial n’a jamais remplacé la saveur de cette première mixtape, érigée aujourd’hui au rang de pièce de collection.

Loko

(Co-fondateur de Neochrome)

« À l’époque, Yonea est mon meilleur ami. Il s’intéresse à ma passion, s’est même essayé au rap avec moi à l’époque du Dispositif. Celui qui a eu l’idée des cassettes Néochrome, c’est moi, mais Yonea s’intéressait à tout ça, m’accompagnait. Je devais aller à la radio ? Bien sûr qu’il venait avec moi, c’était mon pote ! Au fur et à mesure, on s’est mis à faire les choses ensemble. Au final, on a monté le projet à deux. Pour avoir les MCs, on appelait depuis une cabine téléphonique à Porte Dorée. C’était à l’ancienne, avec des cartes téléphoniques. On a cotisé ensemble pour les acheter. [Sourire] C’était beaucoup d’attente aussi. Mais avoir l’accord des MCs, ça par contre c’était plus facile. J’étais animateur à Générations, du coup pour les gens j’étais bien identifié, et je représentais également un espace de diffusion. On ne te dit pas trop « non » du coup. On a enregistré chez moi, dans la chambre de mes parents. on n’avait pas du tout réalisé ce qui allait nous tomber dessus. J’avais un peu parlé du projet à l’antenne de Générations, passé quelques titres, notamment Nisay, La Brigade, Le Barillet et ATK. J’avais fait une pré-promo finalement, en annonçant à l’antenne le projet. Sans m’en rendre compte, j’ai mis des précommandes dans l’esprit des auditeurs. On a eu un plan distribution en FNAC, qu’on a obtenu par pur culot et avec la tchatche de Yonea. À Urban Music, on était venus avec un petit carton de cassettes. Quand le mec nous a vus, il nous a dit  : « Néochrome c’est vous ? Vous avez combien d’exemplaires ? » Quand on a dit au gars d’Urban Music qu’il nous restait une cinquantaine de cassettes sur deux cent pressées, il nous a dit que lui, il voulait plusieurs centaines d’exemplaires, cash ! On s’est retrouvé comme des cons. [Sourire] Mes parents avaient aidé en avançant la tune pour les deux cent premières unités, Yonea et moi avions cramé tout notre budget en cartes téléphoniques et en burgers pour les rappeurs. Je suis rentré à la maison et ai dû demander à mes parents une avance pour presser mille nouvelles copies. Ce n’était pas évident, surtout qu’on n’était pas une famille bourrée de tunes non plus. Mes parents ont accepté, encore une fois ils m’ont soutenu. Le temps de faire presser les mille cassettes, puis on est revenu chez Urban, et en un coup, on avait multiplié par quatre ou cinq notre investissement. Ça a été le premier choc. Gagner de l’argent avec la musique ? Truc de ouf. Au total, dans le réseau FNAC, on a dû en placer six ou sept mille. » – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en juillet 2015.

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