Sortie

La Cliqua - Pas de place pour les traîtres

En 1995, après la sortie de Conçu pour durer, La Cliqua semble prête à régner sur le rap français. Trois ans plus tard, l’engouement autour du collectif parisien n’est plus le même : tout d’abord, Egosyst et Kohndo sont partis, amoindrissant la force de frappe de l’équipe. Ensuite, l’initiative d’avoir privilégié les sorties solo (de Rocca et Daddy Lord C) a fait que le blaze du crew a un peu disparu pendant quelques années, au moment où d’autres grandes formations – citons Time Bomb, Les Sages Poètes de la Rue ou la Mafia K’1 Fry – se sont taillées une solide réputation. Du coup, en 1998, La Cliqua possède un nom qui inspire un profond respect mais ne fait plus briller les yeux comme avant. Rocca et les siens ont-ils déjà raté le coche ? Rétrospectivement, on serait tentés de répondre par l’affirmative. À l’époque en tout cas, il est temps de raccrocher les wagons et de s’attaquer à l’exercice du premier album. C’est justement celui-ci qu’est censé annoncer le maxi Pas de place pour les traîtres. Le morceau-titre consacre un changement radical d’ambiance : les ambiances jazzy de « Comme une sarbacane » et « Tué dans la rue » sont loin. Le son est plus musclé, le style plus frontal et épuré. Et on en profite pour régler des comptes car, ce que l’histoire retiendra de Pas de place pour les traîtres, c’est surtout le diss en bonne et due forme de Kohndo. Dommage, car au-delà des attaques ad hominem il s’agit d’un titre accrocheur et de bonne facture. Le moment fort du maxi se trouve finalement en face B, avec « Un dernier jour sur terre », qui est très probablement le meilleur morceau de La Cliqua époque 1998-1999. Ici, pas de démonstration de force, juste de maîtrise. Pas de rimes multisyllabiques, pas de roulements, mais des mots habilement choisis, qui tombent toujours pile où il faut. L’interprétation est sobre et grave, en parfaite cohérence avec la merveille d’instru servi par Noï, qui a pioché dans “Music Box” de Phillip Glass, thème principal du film Candyman. Le rap a souvent cherché à décrire l’apocalypse et le chaos mais il n’en a que très rarement donné de vision aussi concrète. « Un dernier jour sur terre » est un bijou du rap français et constitue la preuve, si besoin en est, que La Cliqua en avait encore pas mal sous la pédale en 1998.

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