IDEAL J - Hardcore
Que dire qui n’a pas été déjà dit sur “Hardcore” ? Évoquer ses deux clips ? Le premier frontal, brutal, avait arraché des extraits d’images d’actualité pour sur-imprimer les paroles de Kery James sur la rétine de l’auditeur. La seconde version faisait le chemin inverse. En tenue camouflage, elle transportait l’esprit guerrier de “Hardcore” sur les écrans de télévision. Alors faut-il plutôt évoquer la puissance de ces huit lettres scandées par Las Montana, disparu quelques jours avant un concert à l’Élysée Montmartre auquel il tenait plus que tout ? Et est-il nécessaire de revenir sur ce succès qui a dépassé Kery James et qui a un moment tourné le dos à ce titre et à Ideal J ? Faut-il retisser une nouvelle fois les liens entre Expression Direkt (Delta est l’auteur de la production) et la Mafia K’1 Fry, ou ceux entre Skyrock et Alix, à explorer à l’aune de la version freestyle enregistrée avec Method Man en 1999 ? Tout a déjà été dit et analysé sur “Hardcore.” C’est par contre à ce jour le seul morceau de rap que j’ai pu entendre rappé par une trentaine de jeunes déchaînés dans un wagon de métro. C’était un après-midi de 1999 et ils l’ont rappé sans un bafouillement, sans une faute, comme un seul homme. La rage en deux syllabes de quatre lettres. Plus qu’une dénonciation, plus qu’un avertissement, c’était un cri de ralliement.
DJ Mehdi
(Producteur et membre d’Ideal J)
« Souvent, les morceaux emblématiques arrivent malgré eux. On n’a pas fait ‘Hardcore’ en pensant que ça allait devenir le premier single du « Combat Continue ». On n’a pas imaginé l’impact éventuel que le morceau pourrait avoir, en bien comme en mal. Il m’a semblé que la polémique a eu lieu après coup, plus suite aux interviews données par Kery qu’à cause du morceau lui-même. Pour resituer, « Le Combat Continue » est un album qui a été enregistré avec assez peu de moyens par rapport aux albums qui sortaient dans des majors à l’époque. On a eu assez peu de temps pour réagir. Quand on a commencé, Kery écrivait chez lui, moi je faisais les musiques chez moi et on se retrouvait ensuite en studio pour enregistrer et produire les titres. Sur « Le Combat Continue », il s’est passé autre chose : Kery voulait écrire en studio, Ça créait une ambiance particulière : tu es dans l’urgence tout le temps. L’heure tourne, le compteur des studios aussi, sachant qu’à l’époque, une séance en studio valait abusément cher. Un morceau du 113 s’appelle ‘Dans l’urgence’, et bien ça y ressemblait assez, à l’urgence. Tu es au pied du mur, il y a une deadline, il faut rendre l’album. Kery se nourrissait de cette ambiance « fil du rasoir » pour faire ce disque. Moi, j’avais plein d’instrus d’avance. Kery avait eu cette idée de faire un morceau où chaque début de phrase commencerait par « Hardcore ». C’est l’un des rares titres qu’il a écrit chez lui. Il l’a terminé avec nous tous au studio.Après, c’est la poule et l’œuf : je ne sais pas si c’est la musique de Delta qui a inspiré le thème de Kery ou l’inverse. Je crois que Delta lui avait laissé un DAT avec trois ou quatre instrus et il y avait ‘Hardcore’ dans le lot. Je me souviens qu’il était venu vider des instrus au tout début de la production de l’album, et après on n’a plus réussi à le joindre. On ne l’a plus vu. Du coup, c’est nous qui avons terminé la chanson aux Studios de la Seine, à la Bastille. Nous avions géré la construction du morceau, tous les effets et les breaks… Je m’en rappelle bien, c’était dans le studio A. On a enregistré et mixé dans la foulée. Au final, sur les 14 morceaux, j’en ai produit dix. Mais s’il y a une impression de familiarité sur tous les instrus du « Combat Continue », c’est à mon avis dû à Kery James. Ce sont ses choix qui ont donné toute leur cohérence aux instrus, même ceux que je n’ai pas produits. » – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en novembre 2009