« Parmi tous ceux qui sont là-dedans, les débutants comme ceux qui avaient déjà une petite réputation, il n’y en a aucun qui m’aimait vraiment. Sincèrement. Sauf Gab’1. Mais moi je suis comme ça : avant tout, on doit faire avancer la musique. Même si moi je dois perdre, et que la musique gagne, c’est important. Ils ne m’ont pas renvoyé la balle après, mais ce sont des clowns, je le savais très bien. C’est Liaisons Dangereuses, pas mes meilleurs copains. » Voilà comment Doc Gynéco dépeint cet album dans son autobiographie, tout en se donnant le rôle du preux chevalier au service de l’art. Tout pour l’art, rien que pour l’art, telles étaient vraiment Les Liaisons Dangereuses ? En tous cas, l’ambiance qui tourne autour est délétère. « Tout pour l’argent », notamment pour capter celui du Doc, serait probablement plus approprié. Fort d’une notoriété acquise avec Première Consultation, ayant sympathisé avec Fred Chichin, Bruno Beausire se retrouve chez Les Rita Mitsouko et décide de monter un disque joué en live, hybride, fourre-tout et à la hauteur des incohérences nonchalantes du Doc. Bernard Tapie, Renaud ou Catherine Ringer y croisent Calbo, La Clinique ou encore MC Janik. C’est aussi la première apparition de JP Manova, ou encore de MC Jean Gab’1 qui raconte avec sa verve habituelle – et lui aussi dans son autobiographie – comment il est arrivé sur ce disque tout en rêvant à l’enlèvement de Catherine Ringer. Comme quoi, Gynéco savait bien choisir ses amis. L’album mettra plus de huit mois à se faire d’un studio à un autre, comme le racontera notamment Mitch Olivier à nos confrères de Le Rap en France. Une belle parenthèse peuplée d’engueulades, menaces, deals de maisons de disques à revoir et politique de la terre brûlée entre un Kenzy déterminé et un Gynéco qui prend tout cela avec le flegme sarcastique dont il a fait sa marque de fabrique. Il tiendra néanmoins à réaliser un titre solo pour secouer Virgin et son patron, qui l’ont plusieurs fois mis au pied du mur devant ce projet aux budgets faramineux. Car pendant que pour certains c’était tout pour l’argent, pour Gynéco, ça restait tout de même tout par l’art. Bernard Tapie peut en témoigner. Non mais.

JP Manova

(MC présent sur Les Liaisons dangereuses)

“A l’époque, j’habitais Barbès mais j’avais pas de chaînes au pied. Je traînais à Marx Dormoy. J’allais au bahut à Clignancourt. Des fois, à Marx Dormoy, on croisait Gynéco devant le Mc Do’. On faisait des petits freestyles. Il a dû tilter sur un freestyle que j’ai fait et il m’a proposé de rencontrer son manager de l’époque, Chico. On m’a proposé de venir au studio pour essayer d’enregistrer un titre. C’était chez les Rita Mitsouko. On était très bien reçus. J’ai un excellent souvenir de Catherine Ringer. Gynéco passait beaucoup de temps là-bas. C’était très dur de passer une journée avec Gynéco. Tu voyais tout de suite un mec qui passait une journée avec Gynéco : à la fin de la journée il parlait comme lui ! Sur Liaisons Dangereuses, il y a quasiment tout le rap parisien connu de l’époque qui a enregistré, et même des mecs de Marseille , des Antilles. Mc Janik était là par exemple. Alors quand je me suis retrouvé là-dedans ça m’a paru bizarre. Et malgré le souvenir de ces moments, je n’étais déjà pas très satisfait de ma prestation à l’époque. J’avais déjà un truc différent, mais je n’avais pas encore trouvé mon style. Je me cherchais encore. C’était aussi ma première expérience de studio. Quand j’enregistre « Janis » c’est la première fois que je pose dans un micro. C’était pareil pour MC Jean Gab’1 d’ailleurs et l’enregistrement de ce titre, c’est un putain de souvenir ! Charles [MC Jean Gab’1, qui est sur “Janis” avec JP Manova, NDLR] arrive sans avoir rien vraiment écrit. On se parle, il commence à rapper et là il nous sort son fameux « écoute ce refrain, MC Jean Gab’1 n’est pas une putain. » On a écrit le reste de son couplet ensemble en cinq minutes. MC Jean Gab1 est à la fois un mec qui a une vraie histoire à raconter et en même temps c’est un entertainer. On ne saura jamais ce qu’il a vraiment pensé en étant là-bas.” – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en mars 2016