Qui aurait cru qu’un an à peine après leur première signature en maison de disques, les Svinkels seraient cités par le magazine économique Stratégies ? Personne, et c’est encore plus inimaginable quand dans son article, le journaliste décrète que le quatuor parisien « décide de faire un sort à l’alcoolisme. » Vingt ans plus tard, il faut avouer que la mise en perspective est assez savoureuse. L’ironie est encore plus grande lorsque ce disque de sept titres s’avère être produit par la Caisse d’Assurance Maladie et le Comité français d’éducation pour la santé. On peut légitimement douter que les Svinkels aient contribué à endiguer l’alcoolisme en France ces dernières années. Mais à une époque où courir après les subventions et les plans institutionnels permettant d’acquérir une visibilité était parfois un sport national dans le rap français, le Svink, mais aussi les Neg Marrons, MC Janik, DSL ou encore Prodige Namor réalisent avec Des groupes français se mouillent… et rappent l’alcool un sacré braquage. Tiré à deux-cents mille exemplaires, le disque est distribué gratuitement auprès de la jeunesse de France. Lycées, ZEP, Centre Régionaux d’Informations de la Jeunesse, c’est la Sécurité Sociale qui arrose ! Une tournée générale qui se transforme en sacré exposition pour des artistes qui resteront pour certains dans l’ombre (parfois des « grands », DSL ayant poursuivi sa carrière chez Ed Bangers quelques années plus tard). Parmi eux ? L’OVNI Cheravif qui, avec un Xanax des Svinkels survolté et un Manu Leduc du groupe de Fusion Sept (ex THC), pose les premiers fragments de sa discographie stroboscopique et fragmentée, diablement angoissante et crue. L’autre face d’un homme qui touchait déjà aux sonorités électroniques dans le rap. « Légitime défonce » dit-il en excipit de son titre. Et pourtant, tous les artistes ont joué le jeu dans des interviews compilées à la fin du disque : l’alcool c’est mal. Même le Svink le dit ! Et ils savent de quoi ils parlent, même vingt ans plus tard.