Premier hors-série de Groove, spécial rap français
Durant l’été, Groove sort son premier hors-série. Au programme, uniquement du rap français : une longue interview croisée de Joey Starr et Daddy Nuttea, des zooms sur des figures établies (Akhenaton, 2Bal 2Neg’, Fabe, etc.), une série de portraits d’artistes alors moins connus du grand public (X-Men, Arsenik, Kabal, etc.). Le magazine est comme d’habitude accompagné d’un CD sampler comptant seize titres, contre les dix habituels. Il permettra à beaucoup de découvrir des groupes qui n’avaient pas sorti grand-chose jusque-là et évoluaient dans des circuits plutôt confidentiels. Citons La Brigade, Soul Choc ou encore Section Fu. Ou d’autres comme Les Derniers Messagers ou Digamaz, dont on n’entendra plus trop parler par la suite. Une excellente façon de prendre le pouls d’un rap français en pleine effervescence, pour ceux qui n’avaient alors pas d’autre choix que d’observer ça de loin.
Frank Frejnik
(secrétaire de rédaction et journaliste à Groove en 1997)
« Ce premier hors-série a été un vrai succès. Qu’un magazine national consacre entièrement un numéro à des artistes français, c’était un peu comme légitimer cette nouvelle force artistique. Rien de mieux que la presse pour ça. Ça lui donnait l’importance qu’elle avait, et que peut-être certains médias refusaient de lui donner. De plus, ce hors-série était un peu un panorama non seulement du rap, mais de toute la culture hip hop du moment : on y parlait des gros vendeurs comme des nouveaux venus, des rappeurs comme des producteurs ou des DJ, des activistes, des graffeurs, etc. J’imagine que pour les jeunes de l’époque qui sont tombés sur ce numéro, ça a dû être comme une fenêtre ouverte sur un nouveau monde. Un magazine devrait toujours l’être. Le lectorat de Groove demandait de plus en plus d’artistes français au sommaire ou sur le sampler. Et même des artistes plus underground ! Ça se ressentait dans le courrier reçu, qui était abondant à cette époque. Mais aussi dans les contacts avec les artistes eux-mêmes, les activistes, les labels, que ce soient les majors ou les petites structures. On recevait beaucoup de démos, d’autoproductions, de mixtapes et de projets qui témoignaient de l’activité de la scène rap française. D’une manière ou d’une autre, tu dois, en tant que journaliste ou rédacteur, donner ce que le public te demande. A toi de le faire correctement. N’oublions pas non plus de dire que le potentiel commercial était important. Le marché du rap français explosait. Plus de productions, de groupes, d’artistes, de labels signifient également un marché publicitaire important. En plus des ventes en kiosques et des abonnements, l’autre manne financière d’un magazine, c’est la publicité. Plus les acteurs vendent, plus ils génèrent de l’argent, plus ils sont susceptibles d’investir dans la publicité. C’était donc une sorte de pari de se focaliser sur le rap français, mais un pari calculé tout de même. » (Propos recueillis par L’Abcdr du Son, décembre 2017)