Passi - Les Tentations
À l’époque où une grande chaîne pré-TNT diffusait des clips (de rap qui plus est) trois fois par jours, les passages réguliers sur M6 de « Je zappe et je matte », exercice de style de Passi sur le PAF, constituait une superbe mise en abyme. « On voulait prouver que le rap n’était pas juste un truc de banlieue, a-t-il raconté dans La Sauce. Je savais qu’avec ce sujet, je baisais les gens, parce que la télé, c’est chez tout le monde. Je leur disais : avec mon rap, je parle d’un sujet qui te regarde. » En 1997, Passi est un rappeur reconnu par ses pairs et les amateurs de rap, grâce aux disques de lascars militants du Ministère Ämer. Son album Les Tentations achève en 1997 la stratégie du Secteur Ä qui souhaitait installer les individualités de son groupe phare. Un an avant, Doc Gynéco devenait la coqueluche du grand public avec sa nonchalance sur Première consultation, et Stomy Bugsy jouait la carte du sex symbol italo-cubano-américano-sarcellois sur « Le Calibre qu’il te faut. » Passi, pris dans une affaire de meurtre conclue par un non-lieu, a dû prendre son mal en patience. « L’Altesse » a ainsi regardé dans le rétro son premier quart de siècle. Les Tentations est un album où l’introspection côtoie l’hédonisme, où les mises en boucle étouffées d’Akhenaton et Nicolas Nocchi se frottent aux ambiances moites de Doctor L et DJ Nasser. Entre egotrips redoutables (« L’Engreneur »), tube estival (« Il fait chaud ») et dialogue touchant vers l’au-delà (« Tu me manques »), Passi montre surtout qu’il a pris conscience des vacuités de la rue. Le cercle de la violence sur « Le Sang de la vendetta », le mirage de la délinquance comme ascenseur social sur « Le Monde est à moi », l’univers carcéral dans « Le Maton me guette », dévoilent un artiste qui a compris qu’en dehors des studios, il y a beaucoup « d’histoire(s) où nous sommes tous perdants. » « Tu avais raison, le rap c’était fait pour moi », admet-il à son ami disparu dans « Tu me manques ». Après Bisso Na Bisso, « Face à la mer », Dis l’heure 2 Zouk, et un duo avec Johnny Halliday, c’est un doux euphémisme. Passi pourrait faire sienne la maxime de Christopher Wallace : « Qui aurait pensé que le hip-hop m’amènerait si loin ? »