Sortie

Compilation Police

Comme d’autres à cette époque, elle s’annonce dans la rue à coups d’autocollants. Elle se prétend bientôt censurée. Elle ? C’est la compilation Police, produite par Artikal, jeune structure qui s’inspire du distributeur Night and Day et qui aide Nicolas Nocchi à finaliser le projet qu’il a mis sur pied, seul dans son coin. Mise à part la déferlante de mixtapes, ces quatorze titres forment l’une de ces premières compilations indépendantes du rap français passé l’épopée Rapttitude. Ici, le thème est un cliché mais le casting est un défi aux cases bien rangées qui attendent les MCs de l’hexagone. Police, c’est le symbole de ces compil’ au thème sérieux mais où la façon de le traiter se mélange sans complexe. Sa tracklist a le cul entre le futur rap alternatif (pas encore étiqueté en tant que tel) et le rap plus académique. Et des mélanges pareils sur un même disque, le rap français n’en a ensuite plus connu tant que ça. Le Beat, le Flow et le Mots, où Sakage Kronik voulait faire « kiffer un public plus large que Bud Spencer » avec un roaster singulier, rivalise peut-être. Mais le cul entre les cassettes de DJs vendues à Châtelet et les autres mixtapes et compilations qui allaient révolutionner le rap comme Opération coup de poing, Neochrome ou Opération Freestyle, sans parler des posse qui feront leur all stars comme le Secteur Ä avec Première classe, tel a été le destin cruel de ce CD réédité en numérique en cet an 2017. De Sully Sefil à La Relève, de Papifredo à Akt[é]fräzé, de Svinkels à Driver, de Section Fu à James Delleck, le grand écart stylistique est de mise et pourtant les keufs en prennent pour leur grade quatorze pistes durant. Il faut dire que le besoin était fort et fédérateur puisque le ministère de l’Intérieur sortait des années Debré et Pasqua. Et vu les ministres qui leur ont succédé depuis 2002, la réédition ne fait pas de mal.

Stéphanie Narjiss Ménard et Vincent Stora

(Collaboratrice de Night & Day et cofondatrice d’Artikal, fondateur d’Artikal)

« C’était le projet de Micko Nico, un ancien breakeur qui a fait partie des PCB et qui a monté ensuite un groupe signé chez Barclay, A.S. Incontrôlable. Il commençait à faire du son et il avait produit deux titres sur l’EP de La Relève. On devient potes, il était à l’époque en édition chez EMI, qui avait un studio à Courbevoie où plein de trucs se faisaient. C’était un peu un laboratoire, tous les artistes signés pouvaient l’utiliser. Il avait commencé à enregistrer une compilation sur le thème de la police, sans entrer dans des démarches pour sortir le projet. Il nous a proposé de finir le projet ensemble et de le sortir. On lui a proposé d’intégrer au tracklist La Relève avec qui on travaillait aussi, Section Fu qu’on connaissait, Papifredo avec qui on avait envie de travailler. Il y avait aussi James Delleck, qui n’avait jamais rien sorti jusque là. Je crois qu’on l’avait connu par Thierry de La Relève, c’était un peu la même clique. Nico avait enregistré un quart du projet, on complète, on mixe et on sort la compilation en 1997. On a réédité le disque récemment. ça apparaissait comme une évidence, c’est le projet emblématique d’Artikal, celui qui le mieux marché. » (Propos recueillis par L’Abcdr du Son, octobre 2017)

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