Alors que le rap français est en pleine effervescence, la compilation devient, au milieu des années 90, le rite de passage indispensable pour bon nombre de jeunes rookies avides de croquer dans un micro. Cas d’école en 1995 avec La Haine – Musiques inspirées du film et Hostile Hip-Hop, deux pièces maîtresses du genre. En 1997, Island Record balance L 432 comme l’ultime passage de flambeau à toute une nouvelle génération de rappeurs. Pas de IAM, d’Assassin ou de Solaar ici. On y entend pour l’une des premières fois Casey ou Lady Laistee, on y découvre le bagout d’Afro Jazz, on y retrouve Polo l’étoile filante, Ekoué l’étoile montante… Les quelques artistes qui ont déjà fait leurs preuves en sont encore à leurs débuts : Ideal J (« Cash Remix ») est comme son nom l’indique le remix du « J’dois faire du cash » présent sur Original MC’s sur une mission), La Squadra (« Là d’où l’on vient » et ses échanges prodigieux entre Rocca et Daddy Lord C était déjà dans la compilation d’Arsenal Records) ou encore Expression Direkt qui avait déjà bien balancé sa gouaille dans le mémorable Guet-apens. Mais surtout, cette compile représente la dernière étape avant l’album pour quelques-uns des MCs les plus importants de la décennie. Busta Flex est extraordinaire de facilité sur « Le Zedou », egotrip que l’on retrouvera un an plus tard dans son premier solo. Sur « Rimes et châtiments », les frangins Calbo et Lino concoctent la dernière version de leur poison juste avant de verser Quelques gouttes… Oxmo, déjà conteur hors-pair, invoque Scarface et John Woo dans un storytelling mafieux annonçant en grande pompe les « Hitman » et « Alias Jon Smoke » d’Opéra Puccino. Puis il y a Lunatic bien sûr, qui avec « Les vrais savent » et son instru Mobb Deepien va fournir à tous les DJ de France assez de phrases à scratcher pour les deux décennies à venir. Au final, il importe peu que l’article du code pénal ne soit quasiment jamais évoqué : le fait de rapper sur L 432 est déjà en soi un acte militant.