Afro Jazz - Afrocalypse
On a souvent reproché au rap français son manque d’identité et sa façon de copier, avec dix ans de retard, les modes américaines. Afro Jazz fait partie de ces groupes qui peuvent se targuer d’avoir su pleinement digérer la matière étasunienne pour la transformer – et ça instantanément – en quelque chose qui leur appartient. Sur leur premier album Afrocalypse, Daddy Jokno, Jaeyez et Robo dévoilent une panoplie vocale assez fascinante : voix graves et gueulardes, backs omniprésents, rimes sur-appuyées, variations imprévisibles de rythme… Explosive et particulièrement riche, l’interprétation rappelle ce que peuvent faire outre-Atlantique Onyx ou Heltah Skeltah. Pour cause l’album a justement été produit à New York, par DJ Clyde mais aussi en grande partie par, on se tient bien : Diamond D, Buckwild et Da Beatminerz, soit la crème de la crème du son crade et sordide de la Grosse Pomme. Cerise sur le gâteau, le regretté Ol’ Dirty Bastard vient poser sur l’enfumé « Strictly Hip-Hop », et repart en laissant derrière lui ce qui est certainement le meilleur featuring franco-américain de l’histoire du rap. On en conviendra, difficile de se planter avec un casting pareil. Pour toutes ces raisons, il n’est pas évident de comprendre le succès plutôt confidentiel de ce premier album. Car s’il ne se distingue pas particulièrement par ce qu’il raconte (le ghetto, les fake MC’s, les filles, l’Etat français), le soin apporté à sa réalisation et sa filiation américaine en font un disque véritablement à part dans le paysage du rap français. Trop à part sans doute dans une année 1997 où les sorties abondent. Avec le recul, on n’hésitera pas trop à dire pourtant que les Afro Jazz avaient un sacré coffre, et qu’Afrocalypse a de sacrés airs de classique oublié.