Triggerman, retour sur un classique du Sud
Comment un obscur morceau new-yorkais est devenu la colonne vertébrale du rap à la Nouvelle Orléans. Retour sur l’improbable destin de « Drag Rap ».
1986, Queens. Un duo de rappeurs signé chez Profile Records sort un single dans une relative indifférence : « Drag Rap ». Le succès n’est pas au rendez-vous et la carrière musicale à peine commencée des Showboys s’achève. « Drag Rap » sera l’un de leurs seuls morceaux pressés à l’époque. Le rap new-yorkais se choisira d’autres stars. Une histoire tout ce qu’il y a de plus banal, si elle s’était arrêtée là. Mais le titre va connaître une seconde vie dans le Sud des États-Unis et en particulier à Memphis et à la Nouvelle-Orléans, où il est devenu un classique intemporel. Il est entre autres l’un des morceaux fondateurs de la bounce de N-O, qui en a samplé l’intro épileptique un nombre incalculable de fois. Les deux labels majeurs de la ville, Cash Money et No Limit, s’en serviront allègrement. Du côté de Memphis, la famille Three 6 Mafia en fera également bon usage. Hormis la rythmique de l’intro, d’autres passages plus anecdotiques de « Drag Rap » seront régulièrement sollicités, le pont sifflé (qui reprend la mélodie des pubs pour les déodorants Old Spice) et surtout le « alright ! » qui apparaît à 2min21s.
Le morceau en lui-même est un récit ultra-violent de deux chefs de gang, Buggs Can Can et Filthy Triggerman, qui se livrent une guerre sanglante avant de se faire finalement coffrer par Eliot Ness dans le dernier couplet. Les deux compères rappent en criant et l’instru de Cliff Hall matraque à grands coups de 808. Le tout est un peu foutraque et épuisant, mais possède une efficacité indéniable qui avait tout pour plaire au Sud, si friand de ces sonorités.
Ce succès imprévu aurait pu relancer la carrière des Showboys ou au moins leur apporter la fortune, mais il n’en sera rien. Ils n’apprendront que des années plus tard, de la bouche-même de Mannie Fresh, que leur morceau est devenu un hit samplé, copié et joué jusqu’à plus soif dans les soirées de la Nouvelle-Orléans. S’en suivront des procès, qui ne rapporteront pas grand-chose aux Showboys, mais aussi quelques concerts. Aujourd’hui encore, « Drag Rap » est un titre très connu dans le Sud, les reprises régulières aidant à perpétuer la légende (« Ball » de T.I. et Lil Wayne parmi les dernières en date). Comme il n’y aurait pas de bonne appropriation populaire sans une part de déformation, le morceau a été rebaptisé Triggerman par des auditeurs qui ne se doutaient pas que l’une des clefs de voûte du rap de leur région est un morceau oublié de rappeurs du Queens.
Pour rendre hommage à ce classique au destin improbable, l’abcdr vous propose un mix de morceaux, récents ou anciens, célèbres ou moins connus, samplant « Drag Rap ». C’est parti pour une virée dans le Sud.
- Big K.R.I.T. – « Intro »
- The Showboys – « Drag Rap (Triggerman) » (1986)
- Hypnotize Camp Posse – « We Bout To Ride » (Three 6 Mafia Presents: Hypnotize Camp posse, 2000)
- T.I. feat Lil Wayne – « Ball » (Trouble Man: Heavy Is the Head, 2012)
- Kilo – « Who Dat Call the Police » (Too Cold To Be a Hot Boy, 1998)
- U.N.L.V. – « Boom Get Chopped » (Uptown 4 Life, 1996)
- Project Pat feat Three 6 Mafia et Frayser Boy – « Shut Ya Mouth, Bitch » (Layin da Smack Down, 2002)
- 504 Boyz – « Wobble Wobble » (Goodfellas, 2000)
- David Banner feat Lil Flip – « Like a Pimp » (Mississippi: The Album, 2003)
- Cheeky Blakk – « Shake That Ass » (Fuck Bein Faithful, 1996)
- UTP – « Nolia Clap » (The Beginning of the End, 2004)
- Starlito – « Alright » (Renaissance Gangster, 2010)
- Lil Wayne feat Curren$y – « Triggaman » ( Lil Weezy Ana Vol. 1, 2007)
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