Dealer d’art, Camoflauge Monk
Dans la série Hitler Wears Hermes de WestSide Gunn, le troisième volet est habilement réalisé. Plus long, plus dense, plus ambitieux, il symbolise à merveille son auteur : un directeur artistique caché sous une cagoule Chanel. Dans cette odyssée, quatorze pistes sur dix-sept sont produites par le producteur Camoflauge Monk. Rencontre avec un des artisans du son de Griselda Records.
Une conversation téléphonique à l’autre bout de l’Atlantique n’est jamais la meilleure formule pour orchestrer une première rencontre. La connexion intermittente, les nuances d’une langue dans un combiné, les prises de paroles involontairement interrompues à cause du décalage des mots, bout à bout, ces petits détails peuvent devenir de vrais freins pour installer un rythme au sein de l’échange. Plusieurs péripéties ont précédé l’entretien. Un premier appel rapidement écourté. Quelques heures plus tard, un deuxième échoué. Puis, un troisième avorté pour des difficultés techniques à la prise de son. Après quelques longues minutes à chercher une solution, la discussion se fera finalement à partir d’un l’ordinateur grâce à Facebook vidéo. Logiciel d’enregistrement fraîchement téléchargé. Demande d’invitation Facebook lancée. Clic sur l’onglet “Démarrez une discussion vidéo avec Camo Monk”, et en quelques secondes, atterrissage dans l’État de New York. De l’autre côté, assis tranquillement dans le restaurant Niagara Café à Buffalo, des ailes de poulets sous le nez, un soleil radieux sur la nuque, fuyant des stores vénitiens, Camoflauge Monk a le sourire. Malgré la compagnie, il prend le temps de sortir de table pour répondre aux questions dans le calme. Portrait d’un tout jeune producteur à l’oreille très pointue.
A : Quel a été ton premier contact avec la musique ?
C : Mon oncle Paul Greshman était un saxophoniste talentueux. Il faisait partie du groupe de jazz Birthright avec le saxophoniste Joe Ford [le troisième membre et batteur du groupe était Nasara Abadey, NDLR]. Les membres du groupe ont été très actifs sur la scène jazz. Ils sont partis en tournée à l’étranger et mon oncle a également travaillé avec Thelonious Monk. Des années plus tard, il a vécu quelque temps au sein de notre famille. Chaque matin quand il se réveillait, il jouait du saxophone… Dès cet instant, je suis tombé amoureux de la musique. En revanche, en ce qui concerne le rap, l’histoire est différente. Un jour, mon frère est rentré à la maison en train de rapper… Naturellement, j’ai toujours voulu être comme lui mais avec du recul, je ne me suis pas uniquement intéressé au rap durant cette période. J’ai été, et je suis toujours, fasciné par toutes les parties de la création artistique. La création musicale en elle-même, les idées, l’enregistrement, la direction artistique. Faire en sorte que tout soit parfait. Il y a des jours, je n’avais aucun ordinateur sous la main pour produire. Tout ce dont je disposais : une Playstation, une table de mixage, un graveur CD. Pour enregistrer, j’utilisais sept CD vierges pour un seul titre. J’achetais tous les CD classiques possibles juste dans le but de les sampler. J’ai appris à utiliser MTV Music Generator à cet instant. Aujourd’hui encore, ça m’aide dans mes productions.
A : Pour rester sur la thématique du jazz, quelle œuvre conseillerais-tu à une personne qui n’est pas familière à ce style ?
C : Pour moi… [Il réfléchit] C’est difficile de m’imaginer dans cette posture. J’ai toujours grandi avec une obsession, par moments, une œuvre peut te toucher, mais une autre personne peut y être totalement indifférente. Je ne donnerais qu’un seul conseil à un auditeur non-initié, plonger, fouiller, chercher dans cette musique pour tenter d’en ressortir avec quelque chose qui te touche réellement, “toi”. La musique est une aventure, je l’aborde de cette façon. Je crée, je crée, et ça me mène dans différentes villes. Si une personne veut découvrir ce style, qu’il essaie, qu’il s’en imprègne, qu’il regarde où ça le mène. Par exemple, mon oncle m’a laissé une grande collection de vinyles. Certains morceaux dans cette collection ont atterri dans mes productions, mais je préserve encore une partie pour un plus grand moment. Je souhaite être complètement imprégné de cette musique. Je veux avoir le temps de m’asseoir, écouter un à un chaque vinyle.
A : J’ai retrouvé un article du Buffalo Jazz Report de 1974. Le magazine était un mensuel local distribué dans les clubs et les disquaires de Buffalo entre 1974 et 1978 avec un objectif : raconter la scène jazz locale. Dans un des papiers à l’occasion d’une interview, ton oncle était décrit comme le businessman du groupe, un musicien de jazz séduisant mais aussi méticuleux, conscient que le manque de compréhension ou d’intérêt porté à l’aspect financier du métier avait mené de nombreux jazzmen à leur perte [Buffalo Jazz Report, October 1974. Free Vol. I, N°8, NDLR].
C : Malheureusement, je n’étais pas né pour mesurer l’impact. Quand je suis venu au monde, la drogue et toutes ces conneries se sont immiscées dans tous les aspects de nos vies, et pour les musiciens jazz, ça a détruit beaucoup de rêves. Mon oncle avait beaucoup d’ambitions pour sa carrière… Mais elles ne se sont pas réalisées. Quand il s’est remis à nouveau à faire de la musique, à reprendre plaisir à jouer du saxophone, j’ai été témoin de cette partie. J’ai encore hâte de pouvoir m’asseoir à ses côtés et entendre toute son histoire pour comprendre son approche de la musique. Il y a encore un tas de choses que je ne connais pas de son histoire.
A : La transition entre rapper ou produire, quand est-elle survenue ?
C : [Il réfléchit] Le 21 août 2013. J’ai déménagé à Atlanta pour rencontrer WestSide Gunn. Je l’ai toujours connu à Buffalo mais pour tout ce qui était hors de la musique… Il faisait ses thunes avec d’autres plans. Avant de partir pour Atlanta, on m’a filé Hitter Wears Hermes I. J’ai écouté et je me suis dit… “Putain, il faut que je rencontre ce type.” Quand on s’est rencontrés, une fois de plus, il faut se mettre dans l’esprit que je n’étais pas encore producteur mais rappeur [Le nom de rappeur de Camoflauge Monk était G5Gi, la majorité de ses titres sont encore disponibles sur Internet, NDLR]. Je lui ai dit, “Écoute vieux, j’ai mon propre studio. Je déménage de Buffalo pour Atlanta. Il faut qu’on se voie.” À cette période, Daringer [Producteur phare de Griselda Records, NDLR] avait un boulot à Buffalo et donc ne pouvait pas directement répondre ni même produire à la minute. Moi, j’avais la chance d’être physiquement avec WestSide Gunn. Il m’a fait écouter les productions de Daringer pour Hitler Wears Hermes II. Je les ai écoutées… Je lui ai dit “OK. Pas de problème. Laisse-moi juste aller en studio et voir ce que je peux cuisiner.” Je voulais tenter ma chance, avoir une opportunité. Tout a commencé à cet instant.
« La musique est une aventure. »
A : Que penses-tu avoir appris avec un producteur comme Daringer ?
C : Maîtriser mon son. Maîtriser mes productions. Prendre ma musique du début, à des fréquences tout à fait normal, puis les étirer, les changer, les amplifier au maximum. Orchestrer la musique c’est transmettre une expérience, contrairement à simplement fabriquer une production dans son coin. Quand tu produis, tu crées une expérience comparable à la composition musicale d’un film. Il m’a ouvert les yeux sur cet aspect. J’ai eu le privilège de le voir créer en studio. Daringer est un génie. La manière dont il étire les samples, sa connaissance… Il m’a appris à maîtriser ma musique. Il m’a forcé à avoir une oreille plus attentive pour maîtriser, appréhender ce que les gens aujourd’hui appellent le son de Griselda. Il m’a accompagné dans la création des parties de cet univers. Dans Hitler Wears Hermes III et aussi Hall & Nash, tu le ressens. Nous étions très souvent en contact pendant la création de ces deux projets. Les moments de studio que nous partagions, nous ne faisions que créer.
A : Ta première production pour WestSide Gunn a été “Salute” dans Hitler Wears Hermes II ?
C : On a réalisé des tas de morceaux avant d’en sortir un officiellement. Hitler Wears Hermes II a été réalisé en deux jours. Il doit y avoir entre dix et quinze morceaux que nous n’avons pas mis sur le projet. Certains sont sortis pour d’autres occasions, d’autres jamais, mais “Salute” a été un des premiers titres retenus. Je devais avoir un autre morceau sur le projet intitulé “MKQueens Dream”, mais on a décidé de le garder pour une autre occasion. Durant la production de Hitler Wears Hermes II, j’étais constamment avec WestSide Gunn. Il me rendait visite chez ma belle-mère, je n’avais aucune idée de l’ampleur que prendrait Griselda Records… Je voulais juste l’aider à avoir les meilleures productions possibles car Daringer n’était pas sur place. Une fois imprégné du son, nous avons discuté, puis j’étais prêt. Je voyais parfaitement l‘univers, et surtout, je connais Buffalo… J’y ai vécu pendant la période difficile même si nous ne sommes pas issus du même coin. J’ai grandi dans les quartiers résidentiels, WestSide Gunn et Conway dans le centre-ville, la partie plus dure, plus sale, plus crasseuse de Buffalo.
Westside Gunn - « Salute »
A : Avant d’aller plus loin dans Griselda, tu m’as dit avoir vécu à Atlanta. Qu’est-ce que cette ville t’a appris ? J’ai l’impression qu’elle est source d’apprentissage pour tous les artistes. [Il m’interrompt]
C : Je vais te dire quelque chose de mieux encore : Atlanta m’a appris à devenir un homme. J’ai déménagé là-bas avec ma copine. Désormais, elle est la mère de mes deux enfants. J’ai eu deux enfants à Atlanta. J’ai connu la misère à Atlanta. J’ai été fauché à Atlanta. J’ai fait de l’argent à Atlanta. J’ai été frais à Atlanta. J’ai été dans le trou à Atlanta. J’ai étendu les limites jusqu’au bout dans cette ville. WestSide Gunn et moi avons tous deux été au pied du mur à Atlanta, avec une obsession : réaliser quelque chose de nos vies. J’ai toujours compté sur lui, sur sa vision. Il a toujours été comme un grand frère. Il m’a ouvert les yeux sur Atlanta. Je ne pensais pas que cette ville était si authentique. Elle est remplie d’énergie, de personnes volontaires, toutes prêtes à faire quelques sous pour s’en sortir. Tu vas dans certains quartiers, ils ne sont pas totalement délaissés. Ils essaient tous de se débrouiller. Ce type de comportements m’a ouvert les yeux. D’où je viens, la vie est comme suspendue, calme, au ralenti… Je trouve ça terrible [Il inverse la caméra de son téléphone pour me montrer la ruelle dans laquelle il se situe. Une allée calme, vide, comme figée par le temps, NDLR]. Atlanta c’est le “Black Hollywood”. L’envie de partir de rien pour réaliser quelque chose. Ils ont les poches vides mais essaient. Atlanta est un réseau. Chaque personne que j’ai rencontrée là-bas, m’a amené bien plus loin que l’argent. Les gens font preuve d’une grande hospitalité. Et ça, j’essaie de le reproduire collaborant avec un tas d’artistes. Là-bas, les gens ont réellement essayé de m’aider pour arriver où j’en suis aujourd’hui. Mais attention, il ne faut pas croire que je n’ai pas travaillé. Bien au contraire.
A : À quoi penses-tu réellement quand tu appelles cette ville “Black Hollywood” ?
C : Atlanta est un endroit où tu peux être afro-américain, faire bonne figure et prendre plaisir à chaque instant. Moi et Wes étions debout toute la nuit pour enregistrer un projet entier. Le lendemain, on allait au Blue Flame, un strip-club à Atlanta. On commandait une centaine d’ailes de poulet, une bouteille, on allait dans notre section… Puis on passait un bon moment. C’était notre vie à Atlanta. On passait du garage à enregistrer des titres au strip-club. J’adorais.
« Atlanta m’a appris à devenir un homme. »
A : Malgré toutes ces frivolités, j’ai l’impression que cette ville donne une discipline dans son travail.
C : Je vivais exactement à Grayson en Georgie, à cinq minutes de Stone Mountain. Du coup, je prenais mon ordinateur, j’avais même pris l’habitude de marcher jusqu’au sommet avec ma copine… Et je produisais. Je ne vais pas te dire lesquels, mais les morceaux plus connus de Mach-Hommy ont été produits au sommet d’une montagne. [Rires] Ce genre de souvenirs c’est aussi une de mes joies. Par exemple, je vivais dans un appartement dans lequel tu avais un court de tennis que personne n’utilisait. J’y restais seul, assis, toute la nuit pour produire accompagné d’une bouteille avec pour seul mot d’ordre : “fuck it, let’s just make mad shit”.
Westside Gunn - « Oil Base »
A : Pour aller plus loin dans la série Hitler Wears Hermes, tu produis une grande partie du troisième volet…
C : On était tous les jours ensemble. Je vivais chez lui. Il vivait chez moi. Il connaissait mes plans. Je connaissais les siens. Je pouvais lui faire écouter directement ce que je composais, et par la suite, on pouvait disséquer ensemble chaque élément. D’ailleurs, j’ai su à ce moment précis ce qui était bon ou mauvais. [Rires] J’ai appris à anticiper ses réactions. On a enregistré Hitler Wears Hermes II et III dans mon appartement à Atlanta, puis on les a emmenés au studio Inkkwell. Notre ingénieur son, Ikey Boy, était une des personnes les plus aimables que j’ai rencontrées. Il enregistrait pour les plus grands, Rick Ross ou encore Wiz Khalifa… Je voulais apprendre à ses côtés, être sous son aile pour intérioriser les réflexes d’un ingénieur son. Il a enregistré beaucoup de nos projets et les a fait passer à un autre niveau. Je pense que la série Hitler Wears Hermes a très bien fonctionné aussi grâce à lui, il utilisait les mêmes effets sonores que tu entends sur les plus grands albums. J’étais assis à ses côtés, et il me disait “C’est ce genre d’effets que j’utilise sur les albums de Wiz.” J’étais comme un enfant dans une confiserie.
A : Tu préfères quel volet dans la série ?
C : Je vais être très honnête avec toi, après le volet trois… Je n’ai pas réellement écouté ce qui s’est fait à côté parce que dans mon esprit, Hitler Wear Hermes aurait dû être, et rester une trilogie. La première partie restera ma préférée, elle m’a ouvert les yeux sur ce qui était possible. Je devais me connecter à WestSide Gunn, je lui en serai toujours reconnaissant. Aujourd’hui, j’en suis là grâce à lui.
A : Dans l’univers de Griselda, vous sembliez tous assez proches.
C : Définitivement. Il y avait une sorte de fraternité qui venait de WestSide Gunn je pense. Griselda est sa vision, et avec Conway, il a des liens très forts. Nous, nous avons été des pièces disposées au bon moment pour donner du corps à l’ensemble. Griselda était sa vision, mais il a toujours su, dès le départ, que je voulais aussi avoir ma propre branche. Je ne sais pas si je me suis fait comprendre, mais en tout cas, j’ai toujours voulu lui faire entendre. Une fois que les choses se passaient bien pour lui, j’ai été ravi, c’est tout ce que je désirais [Dans le titre “Easter Gunday 3” produit par Daringer, WestSide Gunn égratigne Camoflage Monk, Tha God Fahim et Mach-Hommy, ex-proches collaborateurs de Griselda, NDLR].
« Je suis désolé pour ceux qui ne peuvent pas se procurer l’objet. Ils sont peut-être plus nombreux que ceux qui ont les moyens de dépenser ces sommes… »
A : Cette “propre branche”, tu essaies de la formaliser autour de tes projets avec deux mots que tu mets beaucoup en avant sur tes réseaux sociaux : “Art Dealer”. Dans ton projet solo Madguru, tu as même un morceau intitulé “Larry Gagosian”. Peux-tu m’en dire plus ? [Larry Gagosian est un influent marchand d’art contemporain, NDLR].
C : Hormis mon frère, Larry Gagosian est une personne que j’estime énormément. L’année dernière, il a fait des millions de dollars juste grâce à la revente d’art. Il passe son temps à chercher des œuvres méconnues pour en faire des affaires. La musique est similaire. Je suis capable de vendre de la musique qui est à présent étiquetée comme de “l’art”, et non simplement comme de la “musique”. Aujourd’hui, elle a pris de la valeur, se revend sur Internet avec une plus-value comme pour les chaussures Jordan… C’est fou, “ma musique”. Je suis tombé sur le nom de Larry Gagosian grâce à des documentaires, et ça m’a donné envie de modeler sa situation à la mienne. Ces marchands d’art… Ces mecs se font tellement de thunes sans pour autant être connus, j’aime beaucoup le concept. Par exemple, Larry Gagosian a aidé Basquiat à faire grimper sa cote. Pour moi, ces détails démontrent les parallèles entre le monde de l’art et la musique, c’est exactement la même chose.
A : Dans cette lignée “Art Dealer”, tu composes pas mal avec Tha God Fahim. Peux-tu m‘en dire plus sur votre relation ?
C : Wes et moi à Atlanta avions un coiffeur attitré à Atlanta et Fahim y travaillait comme apprenti. Un jour, il a mis son téléphone en haut-parleur et a commencé à jouer ses titres… Je me suis dit “Putain ça sonne bien !” À mon avis, Wes était déjà au courant, mais pour ma part, je n’en savais rien. On a fait connaissance, on est allés en studio, il nous a fait écouter plusieurs titres, et il a réalisé “Bon Jovi”. C’est fou… Griselda a eu la capacité de rassembler trois producteurs talentueux, tous focalisés sur un seul et même sujet, sans que personne n’ait les mêmes sonorités. C’est spécial. Pour en revenir à Fahim, il aime avant tout créer… Qui peut lui interdire ? Il le fait pour lui seul, comme un combat contre lui-même, une discipline, comme pour se prouver quelque chose. C’est un poète dans le vrai sens du terme. Chaque jour, il compose.
Tha God Fahim - « Dump Tour »
A : Vous avez aussi pris l’habitude de fixer des prix astronomiques pour vos sorties digitales voire physiques. Pourquoi ? J’ai une idée de réponse, mais je voudrais entendre la tienne.
C : Je ne sais pas à quel point tu suis la culture des “sneakers”. Disons par exemple, j’achète une paire de Jordan 3 avec la semelle transparente. Le jour où elles sont mises en vente, elles valent 220 dollars. Quelques heures plus tard, elles sont revendues à 500 dollars et personne ne s’en plaint. Cette logique m’est venue de là, en voyant mes amis acheter, échanger, racheter des chaussures. Je fais un parallèle avec ces marchés de la revente et le marché de la musique. Je voulais adopter le même schéma à la musique. Tu n’es pas obligé de suivre le chemin préétabli. Si on a fixé les prix de nos œuvres à un certain niveau, nous ne sommes pas obligés, mais objectivement, il y a une demande derrière ça. Tu as déjà des gens enclins à payer ce prix, pourquoi ne pas s’intéresser à ce marché ? De l’autre côté, je peux comprendre que l’objet se raréfie, que la valeur de l’œuvre à sa revente peut être excessive… Mais en même temps, si ça marche pourquoi y toucher ? Tu as une niche prête à payer pour un objet à ce prix. Je suis désolé pour ceux qui ne peuvent pas se procurer l’objet. Ils sont peut-être plus nombreux que ceux qui ont les moyens de dépenser ces sommes… Mais je promeus mes œuvres auprès des acheteurs qui sont prêts à dépenser cet argent et qui portent un intérêt sincère à l’œuvre. Je sais où je vais avec une telle stratégie. Ce n’est que le début. Peu importe si les gens ou parlent en bien ou en mal, je suis déjà ravi qu’une personne en parle tout court.
A : Ce que j’apprécie dans cette philosophie, c’est que tu donnes à ton oeuvre la valeur à laquelle tu l’estimes. On vit tout de même à une époque où les produits culturels, en particulier la musique, n’ont jamais autant été accessibles. Tu as des projets prévus pour 2018 ?
C : Plusieurs. J’ai un projet en collaboration avec SonnyJim intitulé Money Green Leather Sofa, il doit sortir bientôt. J’ai un album en préparation avec Mach-Hommy, Tha God Fahim évidemment. Tu as aussi un projet avec Toney Boi, un rappeur de Buffalo, puis Sauce Heist, la suite de notre premier projet qui devrait avoir une date de sortie officielle les semaines à venir. Mon ambition à travers est de rendre tangible le concept Art Dealer.
A : Qu’est-ce que Art Dealer serait dans l’idéal selon toi ?
C : Premièrement, j’aimerais une plateforme pour… [Il réfléchit] Je voudrais une plateforme… Pour la musique indépendante. Je n’aime pas trop cette terminologie… D’ailleurs, je ne pense pas qu’elle soit la bonne, je ne veux pas non plus étiqueter cette plateforme à une esthétique précise, mais je voudrais être capable d’incarner une plateforme capable de travailler avec des artistes d’un certain niveau. Je ne veux pas signer des artistes, je veux être partenaire avec eux. Je veux être capable de distribuer les vinyles, cassettes, CD des artistes. Gérer une distribution complète de la bonne manière. Il faut être très attentif à tous ces circuits, car dans certaines situations, les artistes peuvent être volés. Je veux être garant de l’art. Je veux que les œuvres d’art soient capables de bien vieillir. Je voudrais qu’Art Dealer soit une galerie d’art. Que les gens puissent venir, explorer, et regarder ce que les artistes accrochent aux murs. Je suis déjà ami avec tous ces artistes… Tout ce que je désire, c’est de les mettre en valeur dans ma galerie.
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