Soufien3000
Beatmaker de 24 ans, Soufien3000 a catapulté deux de ses productions brutes et spatiales sur l’un des projets les plus commentés de l’année 2011 : LIVELOVEA$AP, la mixtape d’A$AP Rocky. Un joli tour de force qui méritait un coup de projecteur.
Il y a trois ans, lors d’une conversation anodine, le rappeur Lil B a montré au journaliste Andrew Noz une image d’un château dans les nuages et lui a dit « Je veux que ma musique ressemble à ça. » De cet échange est né le terme « cloud rap », sous-genre aérien et halluciné qui a consumé Lil B mais infuse aujourd’hui le rap américain, de Soulja Boy jusqu’à Drake. Par un double sens judicieux, le terme reflète aussi les transformations d’un monde online bientôt indissociable du monde offline : plus de support matériel, plus de régions, plus de limites.
Soufien3000 est à l’image de ce phénomène : installé entre Lille et Twitter, ce beatmaker de 24 ans a livré l’année dernière deux instrumentaux à A$AP Rocky, lui-même symbole d’une génération aux références éclatées entre Harlem, Houston et le nuage. Joli tour de force : les beats minimaux et écrasants de Soufien se sont ainsi retrouvés au centre de LIVELOVEA$AP, carte de visite d’un des rappeurs le plus observés de l’année 2011. Présentations.
Abcdr Du Son : A quel moment as-tu commencé à faire du son ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ?
Soufien3000 : J’ai commencé à pouvoir faire des beats il y a deux, trois ans en acquérant un ordinateur. Bien avant ça, je cherchais sur Internet comment faire mais je me suis vite emmêlé les pinceaux, entre les gens qui font vraiment de la musique et les collectionneurs d’instrument c’était impossible de s’y retrouver. Je me suis retrouvé avec un Atari que j’avais acheté pour rien et une espèce de sampler. En branchant le tout, je me suis vite rendu compte que ce n’était pas dans cette direction que je voulais aller…
Un peu plus tard, un animateur branché rap a débarqué à la MJC de ma ville. Au début on s’échangeait des sons, puis ensuite il s’est mis à nous installer Fruity Loops sur les ordinateurs. Il m’avait filé un CD avec une très vieille version du logiciel, avec une interface moche et des packs de drums de producteurs connus de l’époque. J’ai réussi à bricoler deux trois trucs avec, le meilleur beat que j’ai réussi à cette époque était avec un sample de Cindy Lauper que j’avais foutu sur un rythme de TR-808. J’étais assez fier de ça, mais ça m’a juste donné envie de m’y mettre encore plus sérieusement. Quand j’ai pu m’acheter un ordinateur portable perso quelques années plus tard, ça m’a permis de vraiment m’y plonger.
A : Tu es un gros fan des Neptunes. Est-ce que l’écoute de leurs sons t’a appris des « trucs » de production ?
S : Je ne sais pas. Quand j’ai commencé à faire de la musique, je trouvais impossible de reproduire leur musique, et encore aujourd’hui d’ailleurs. Je n’ai aucune formation musicale donc j’essayais juste de faire la musique que j’arrivais à faire. Mais inconsciemment, ils m’ont peut-être poussé à faire une musique accessible et complexe à la fois. Les Neptunes sont vraiment les gens qui m’ont le plus traumatisé. Pendants de longues années, j’ai été dans une quête afin de pouvoir écouter tous leurs travaux. Je les écoute depuis très petit et j’ai grandi sous l’ère de leur domination de la musique mainstream. Je pense que ce sont les premiers artistes qui ont réussi à exploser les barrières entre les différents style de musique : je trippais sur le clip de « Rockstar » sans jamais avoir écouté un seul disque de rock. Je ne me posais pas la question pourquoi j’aimais leur musique, je voulais juste en entendre toujours plus, et il se trouve qu’ils m’ont régalé pendant de très longues années. C’est bien plus tard que j’ai compris leur génie : faire de la musique simple mais complexe, décontractée et rigoureuse.
A : Quelles sont tes autres influences ?
S : Timbaland. Si les Neptunes était le recto de la musique mainstream de la dernière décénie, Timbaland était son verso, et vice-versa. À part les hits radio, j’écoutais énormément les Dipset. En plus d’avoir été les plus grands super héros du rap et de la mode, ils ont permis l’émergence des Heatmakerz, qui derrière leur beats à sample ont pour moi plus un côté musique électronique que « rap soulful », dans leur manière de hacher et rejouer les samples pitchés à l’extrême.
J’ai ensuite découvert la Trap Music via Gucci Mane, qui est définitivement mon deuxième traumatisme musical. En plus d’être un rappeur extraordinaire en tout point, ce type est le rappeur qui a facilement les meilleurs goûts musicaux. Son écoute m’a initié à toute une nouvelle vague de producteurs qui font déjà partie de mes préférés, tous styles confondus : Zaytoven, Shawty Redd, Drumma Boy, Lex Luger, Southside…. Aujourd’hui, la grande majorité de musique que j’écoute est la trap : Gucci Mane, Jeezy, tout le Brick Squad, la musique d’Atlanta de toute époque est en général très importante pour moi. Sinon, plus petit, j’ai principalement écouté du rap west coast et du g-funk via mes grands frères. Parfois j’y reviens. Daz Dillinger est un producteur très important pour moi.
A : Tu as placé deux productions sur la mixtape d’A$AP Rocky. Qu’est-ce qui t’a plu chez lui quand tu l’as découvert ?
S : Son originalité, son univers. Et puis surtout, la première fois que j’ai entendu « Purple Swag », j’étais persuadé qu’il était de Houston. Le fait qu’il vienne de New-York rendait la chose à la fois troublante et fascinante.
A : Comment t’es-tu retrouvé à placer deux sons sur la mixtape ?
S : Je cherchais des informations sur lui sur Facebook, voir s’il avait une fan page afin de pouvoir suivre son actualité. Je suis tombé sur son profil perso, et je l’ai ajouté. Ensuite je l’ai vu en ligne, j’ai commencé à lui parler de sa musique et lui poser des questions sur son actualité. De fil en aiguille je lui ai fait écouter ce que je faisais sur ma page Soundcloud et il se trouve qu’il a aimé mes prods. Il m’a demandé s’il pouvait en utiliser, chose à laquelle j’ai immédiatement répondu oui.
A : Travailler via Internet avec des artistes, c’est frustrant ?
S : Pas vraiment, je pense qu’avoir eu la chance de travailler avec A$AP Rocky via le chat Facebook a été beaucoup plus enrichissant pour moi que si j’avais pu travailler avec n’importe quel artiste dans le meilleur studio du monde. Je n’ai jamais ressenti une once de frustration.
A : Sur ta page Soundcloud, tu as mis le tag « spaced out » sur tes instrus. Ce terme, c’est le dénominateur commun du rap d’aujourd’hui (et de demain) ?
S : Je ne pense pas que le rap d’aujourd’hui, d’hier, ou de demain puisse être englober sous un seul dénominateur, c’est ce qui fait d’ailleurs le charme de cette musique. Le grand écart musical que l’on peut-entendre selon les régions et labels sans avoir à se poser la question de savoir si c’est du rap ou autre chose en est une preuve, cette musique est fondamentalement impossible à réduire dans son ensemble sous un seul et même dénominateur. J’ai presque envie de dire que le terme « rap » est un terme galvaudé et obsolète, de par le nombre infini de sous-genre qu’on essaie de lui faire englober. La grande majorité des artistes que j’écoute ne se revendiquent même pas « rappeurs ». Pour répondre précisément à la question il ne me semble pas que le terme « Spaced Out » music définisse un mouvement ou autre, c’est juste le nom que j’ai donné à la musique que j’aime écouter et que j’aime faire : spatiale et vrillée.
A : Quels sons tes prochains projets ?
S : Mes projets les plus proches sont des tracks sur l’album de Issue, Wave of Italy [NDLR: le morceau « Ferrari (Italian Love) » a depuis été diffusé], et des prods sur la tape de A$AP ANT et Young Shaka. Pour la suite, on verra et de toute façon, depuis Internet il est très dur de prévoir quelque chose. Les choses peuvent prendre une éternité à sortir où sortir de nulle part sans que personne ne l’attende. L’important est de rester connecté pour avoir les informations en direct.
A : Ta collaboration idéale, ce serait avec qui ?
S : Britney Spears. Cette meuf défonce les charts à chaque album depuis que je suis en CM1. Je pense qu’en terme d’adaptation musicale à son époque elle est juste imbattable.
V.I.V suicide toi mec.
Haters gonna hate!
J’comprends en partie ton commentaire V.i.V mais tu sais comment c’est… il n’y a pas de règles.
[…] été fructueuse pour l’exportation des producteurs français aux États-Unis. Au hasard : Soufien3000 a participé à l’album d’A$AP Rocky, le “Platinum Producer” SLAM a […]
[…] cercle habituel d’instrumentalistes. Ainsi on retrouvera des beats de Clams Casino, du Français Soufien 3000, Hit-Boy, T-Minus, Emile Haynie et même de Danger Mouse. En effet la moitié du groupe Gnarls […]
Il produit depuis seulement 2 ans.
Aucune connaissance musciale.
De la musique sur Fruity loops.
et son rappeur préféré est Gucci mMane.
Je me demande parfois pourquoi certaines personnes sont propulsés sur le devant de la scene…