Rugz D Bewler

C’est en février dernier que sortait le trailer de la compilation de Ski Beatz 24 Hour Karate School. Un trailer qui donnait un avant goût du contenu du CD et laissait entrevoir les têtes que nous allions pouvoir retrouver. Si la plupart d’entre elles étaient plus ou moins connues, certaines étaient totalement inconnues du public comme Tabi Bonney ou Rugz D Bewler. C’est pourtant ce dernier qui a surpris tout le monde avec son morceau « Superbad ». Sur un beat épuré, le rappeur de Harlem s’en donnait à cœur-joie avec un flow vicieux et un refrain entêtant. Même si le morceau est une petite bombe, j’étais un peu sceptique, le flow me rappelant un peu trop celui de Lupe Fiasco sur « Switch ».

Avril 2010, New York. Par une belle journée printanière, je m’apprête à aller sur la 125ième pour m’acheter une paire de baskets au House of Hoops et rencontrer mon pote Digga. Dans la foule, j’arrive à reconnaître un visage familier : celui de Najee. Un rappeur de Washington Heights avec qui je me suis lié d’amitié depuis quelques années (d’ailleurs si vous n’avez jamais entendu sa musique, je vous conseille d’y jeter une oreille). Je m’arrête pour discuter avec lui et nous sommes finalement rejoints par ses potes, dont Rugz D Bewler. Je ne pouvais pas avoir une meilleure introduction que celle-là. A la fin de notre discussion, Rugz m’invite à l’écoute de l’album de Ski qui a lieu le lendemain à Williamsburgh et où il se produira sur scène. J’accepte.

Accompagné d’Armen, je vais donc au show organisé par le DD172. J’y croise Ski (bien sûr), Dame Dash, Stalley, Najee et Rugz. Ce soir-là, Rugz est le rappeur qui retourne le plus la salle. Après avoir rappé quelques morceaux de sa mixtape Bewler’s Day Off, il choisit de clôturer son set par « Superbad ». Et là, c’est le bordel ! Toute la salle reprend le refrain en cœur et se lâche sur le morceau. Sa performance a pour conséquence de me faire attendre avec impatience la sortie de Bewler’s Day Off. Une fois disponible sur le net, je m’empresse donc de la télécharger. Malheureusement, le projet ne répond pas à mes attentes. A part quelques morceaux (ceux produits par Ski), le tout est ennuyeux et pas du tout représentatif de ce que j’avais pu voir sur scène : un peu comme s’il hésitait encore sur sa direction artistique.

En septembre est sorti le trailer pour le nouveau projet de Rugz, le tout filmé par Creative Control. La vidéo montre l’artiste en studio en train d’enregistrer et d’écrire, le tout accompagné d’une bande son délivrée par Ski Beatz pour faire monter le buzz autour de Save Bewler: The Memoirs Of Muhammad Mc’Fly, sa nouvelle mixtape. Cette fois, le rappeur semble mieux maîtriser son sujet et plus sûr de la direction musicale qu’il veut prendre. Chose déjà appréciable : le projet ne contient que douze titres. Un petit format qui permet assez de vite de se rendre compte d’une chose : l’impact de Ski et de la team DD172 a fait le plus grand bien à Rugz. Présentés sous forme de mémoires entrecoupés par 3 interludes, les morceaux témoignent d’une ambiance assez légère qui se laisse écouter toute seule. On y retrouve quelques invités comme Smoke DZA, Curren$y, Terri Walker ou encore Najee qui y apportent chacun leur touche personnelle. Qu’il s’agisse de parler de femmes (« Thank God (An Ode To Spike Lee) »), de faire de l’égotrip (« March Of The Beautiful Soldier », « Thyself ») ou de son amour pour la fumette (« White Paper & Women »), Rugz fait son taf et délivre un projet qui sans pour autant être exceptionnel, remplit une condition incontournable à tout projet qui se veut de qualité : celle de pouvoir être écouté et ré-écouté sans lasser.