Shurik’N doit faire un album de douze titres
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Shurik’N doit faire un album de douze titres

Cours de SVT : les animaux ont deux manières d’assurer leur descendance. 1) pondre un maximum d’œufs en acceptant l’idée que la plupart ne tiendront pas le coup ou 2) pondre un œuf unique à protéger vaille que vaille contre les aléas de la nature. Les truites pondent ainsi plusieurs milliers d’oeufs. A l’inverse, la femelle du pingouin en pond un seul (que le mâle couve en solitaire pendant 65 jours, dingue). C’est la stratégie de la quantité contre la stratégie de la qualité.

Les rappeurs sont comme les truites. Ils veulent pondre beaucoup de morceaux pour s’assurer que les auditeurs en auront pour leur argent. Le rap est l’un des rares genres à procéder de la sorte, à croire que la métaphore classique « rap égal cocaïne » a fini par être comprise au sens propre : le client doit avoir sa dose, sinon il part voir la concurrence. Chez IAM, cette notion est à la fois un principe commercial et une méthode de création : enregistrer en amont des dizaines de titres, puis faire des coupes franches jusqu’au pressage final. Dans une interview récente, Shurik’N a ainsi déclaré au sujet de son nouvel album :

J’ai 12 morceaux mixés (trois doivent l’être dans les prochains jours) et il me reste 2 titres à poser. Pour finir avec 16 titres et une intro, en dessous de ce nombre j’estime que c’est une « enculerie ».

Attendu depuis 1998, l’année de son premier et unique solo Où je vis, ce nouvel album serait donc une arnaque s’il n’a pas un minimum de seize titres. Stratégie de la quantité ! Certes, en procédant par le nombre, le groupe marseillais a signé des chefs d’œuvre, mais l’accumulation de morceaux jusqu’à plus soif est aussi l’un des symptômes les plus visibles de son déclin. Cas d’école : Revoir un Printemps, avec ses 18 titres, 79 minutes et 57 secondes au compteur. A trois secondes près, la barre fatidique des 80 minutes – durée maximale de stockage sur un CD – était atteinte. Aujourd’hui, que dire de Revoir un Printemps ? Au moins une chose : que le disque aurait peut-être mérité une approche moins quantitative et plus rigoriste (une approche que j’aurais d’ailleurs du appliquer à ma chronique du disque).

Quand nous avons interviewé Oxmo Puccino, nous lui avons apporté fièrement une citation d’Antoine de Saint Éxupery : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer » . Voilà qui va comme un gant à Shurik’N. Où je vis ne durait « que » 55 minutes. Un monolithe intimiste, tout en dépouillement. L’ADN de l’album pouvait être scindé en trois éléments fondamentaux : samples romanesques, rythmiques sèches et couplets en bronze. Rien de plus. Les invités ? Uniquement des voix familières : Faf Larage, Akhenaton, Sat…. Une stricte unité de ton qui collait complètement à l’esthétique samouraï chère à l’Oncle Shu.

Même à l’époque où le groupe était au sommet de sa popularité, Shurik’N rappait déjà avec la hauteur de vue et la lucidité d’un vétéran. Il anticipait le phénomène de ces rappeurs américains qui, aujourd’hui, se replient sur ce qu’ils savent faire de mieux sans chercher la polyvalence à tout prix, ni le hit désespéré. En poursuivant dans ce sillon douze ans plus tard, le co-leader d’IAM devrait bien sûr sacrifier une bonne partie des plaisirs du rap, mais le jeu en vaut la chandelle (et puis cette fois-ci, tout le monde a bien compris qu’IAM, c’est-aussi-la-rigolade).

Si Shurik’N réussit, dans son prochain album, à signer 80 minutes de rap aussi cohérentes et durables que les 55 minutes de « Où je vis », jetez-moi la pierre. Mais s’il ne devait faire que dix titres et seulement quarante minutes de musique, comme d’autres avant lui, Shurik’N aurait les cartes en main pour signer un diptyque d’exception, avec le second album de sa carrière solo à écouter d’une traite. C’est promis : en douze ans de rap français, les « Où je vis » se sont faits un peu trop rares pour que quiconque ose crier à l’enculerie. 

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21 commentaires

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  • […] simple et terriblement précise. Alors qu’il semble désormais inconcevable de livrer un projet qui comporte moins de quinze titres, le rappeur parisien se contente de l’essentiel (mais pas du minimum). Un peu à la manière […]

  • K-rip,

    Je n’attends pas grand chose de cet album. « Où je vis » reste mon disque préféré (il frôle la perfection) et Shurik’N a mon respect le plus profond, mais c’est vrai que sur « Saison 5 » j’ai beaucoup moins accroché à son style. S’il arrive à nous faire quelque chose de vraiment différent, pas forcément dans un délire à l’ancienne mais quelque chose qui change de ce que fait IAM actuellement, dans ce cas ça peut être intéressant. Mais un « Saison 5 » version solo, je sais déjà que je ne l’écouterai pas en boucle. Et puis je préfère craindre le pire pour pouvoir être surpris… Après dans le cas où l’oncle Shu serait de retour au meilleur de sa forme, un 16 titres sans faute et sans rien à jeter, je pense que personne ne crachera dessus !

  • A.G,

    Il faut rejeter cette idée d’objectivité, ce n’est pas les morceaux qui sont des « classiques » mais ce que les différents publics en font et les considèrent …

  • gza08,

    Big L – Livestylez ov da poor and dangerous (14 titres)
    Black Moon – Enta dah stage (14 titres)
    Booba – Temps mort (14 titres)
    Busta Flex – Busta Flex (14 titres)
    GZA – Liquid Swords (13 titres)
    Jeru the Damaja – The sun rises in the east (13 titres)
    Jeru the Damaja – Wrath if the math (15 titres)
    Lunatic – Mauvais oeil (15 titres)
    Method man – Tical (14 titres)
    Mobb deep – Hell on earth (15 titres)
    Nas – Illmatic (10 titres)
    O.C – Word Life (15 titres)
    Wu tang Clan – Enter the Wu Tang Clan (14 titres)

    Quelles enculeries putain!

  • Dissos,

    Cours de journalisme: il y a deux manières d’assurer un trafic régulier à son blog. 1) être suffisamment passionné pour fouiner, aller chercher l’info, devenir légitime en postant des exclus régulières soutirées à des sources crédibles, creuser sa place jusqu’à s’établir comme le blog de référence. 2) choisir ses cibles, et saisir la moindre occasion pour taper dessus sans la moindre once d’objectivité. C’est la stratégie du fanzine contre la stratégie du magazine people.
    L’abcdr du son est comme un magazine people, disposé à balancer sur sa cible à tout moment pour se mettre en avant. On ne critique pas, on dénigre.
    Lorsqu’il s’agit d’IAM ou de l’un de ses membres, l’essentiel est de taper. « Un principe commercial et une méthode de création ». Peu importe que l’on n’ait pas encore entendu un seul titre ou que l’on ne connaisse pas la date de sortie, le projet sent le commercial. Il sera de toute manière moins bon que ce qu’on a aimé il y a 12 ans, les membres d’IAM devraient se résoudre à prendre leur retraite. De toute manière le rap est mort.
    Il pourrait n’y avoir qu’une moitié de tracks digestes sur le tant attendu album de Shurik’n, rien ne sentira jamais autant le réchauffé que les réquisitoires anti-IAM de la presse rap parisienne.
    Approchez-vous pour assister à l’exécution Messieurs Dames, ici vous en aurez vraiment pour votre argent.

  • Sensei,

    @Nah Shav : Il s’agit plus d’émettre des doutes sur la nécessité absolue de faire un minimum de 16 titres que de dire qu’il va obligatoirement se foirer. On serait en 98 j’aurai aucun doute quant à la sortie d’un album à la fois riche en tracks et cohérent, mais pour le coup ça se fait vraiment rare (le dernier pour moi serait Kohndo et « Deux Pieds sur Terre »).
    Par contre ce qui est plutôt encourageant, c’est que Shu est toujours quasi impérial chez Iam et ne connait pas la baisse de régime lyricale d’Akh qui commence doucement sur « Revoir un Printemps » et qui trouve son point culminant avec « tu rappes au Milan car tes couplets sont Kaka » (je préfère me passer « Coupe le Cake » en boucle toute une aprem que d’entendre une seule fois ce truc immonde)

    Bref de toute manière « Où je vis » est tellement magistral qu’au final je suis obligé d’y croire à peu près autant que je flippe de la cohérence musicale et lyricale.

  • Borsalino,

    nan de la merde il fera pas mais c’est possible de faire un album sensiblement moins étincellant que le premier
    bien que shurik’n est un emcee de grand talent

    c’est sur le temps joue pour lui car 12 ans tu peux quand meme faire un truc énorme c’est évident mais jattends de voir perso meme si jai confiance jpense une tuerie à 85%
    car faut aussi se dire que si le temps passe pour IAM
    pourquoi pour un shurik’n en solo ca serait different

  • Na' Shav',

    Serieux j’ hallucine de lire ce que je lis… des fois, il faudrait mieu etre aveugle… le mec a pondu l un des meilleurs album solo de tout les temps, il attend 12 ans… ( environ un morceau par ans… ) pour sortir le 2eme et vous oser penser qu il va faire de la merde ? Entre les com’, et l’auteur de l article j ai vraiment l impression d etre tomber cher les fous !

  • Ben X,

    C’est triste à dire mais je trouve que cet album pue la daube…Je vois d’ici le son ragga genre « official » au texte bidon, les feat avec Said super mielleux,…y aura surement un feat avec AKH pas mal mais j’y crois pas trop…

    J’espère que l’avenir me donnera tord…

  • ReMs_,

    Cette album j’en suis sur sera au moins du niveau de « Ou je vis » .

    Du même avis que Shrykull j’ai peur que la voix actuel de shu’ (que j’apprécie moins que l’ancienne) ne vienne « gacher » mon écoute de l’album.

    Mais je fais confiance à l’oncle pour selectionner 16 pistes qui deviendront dans 10 ans des « Legendes » ça j’en suis sur :]

  • Shrykull,

    Mh, corrigez-moi si je me trompe, mais Où Je Vis faisait bien 16 titres, et aucun déchet à signaler. Certes les thèmes se répétaient un peu.

    Après on peut faire un album de 19-20 pistes variées et quasiment sans déchet (Cinquième As, Entre Ciment et Belle Étoile) comme on peut faire un album de 13 pistes interminable (Kery, apprendras-tu un jour à faire des morceaux de moins de 6 minutes ?)

    Après j’ai un peu de mal avec la voix enrouée du Shurik’N actuel, pas sûr que je la supporterais pendant 1h15… mais qui sait. Qu’il fasse comme il le sent, avec plaisir et sans contrainte, et il n’y a aucune raison que ça foire.

  • Sensei,

    Ca c’est du billet! Moi perso, j’ai une adoration pour les albums qui comptent 10 à 13 pistes – au hasard, « The Sun Rises in the East », « Dead Serious », « Psycho Social LP », « Jihad ». Ca me semble être l’équilibre parfait.

    Ca va pas m’empêcher non plus de kiffer un 23 titres de Redman, mais c’est incontestable : plus y’a de tracks, plus t’as de chance de tomber sur celle qui va te niquer la sacro-sainte « écoute d’une traite », la seule et unique raison qui me fasse acheter un album. J’ai encore un souvenir particulièrement amère de « Animals » sur « Temps Mort ».

    Bref si Shurik’n lâche un album 16 titres parce qu’un 15 titres aurait été une enculerie et qu’un seul morceau n’est pas au niveau, , je vais me sentir mal.

  • Marvine,

    Moi j’ai peur des featurings chantés notamment avec son pote Saïd le chanteur que j’apprécie mais à petite dose :).

    Vivement la date de sortie du skeud en tout cas !

  • Jacques,

    « Je table sur la qualité pas la quantité,
    d’un service organisé, créé pour vous faire planer »
    Ca se passe comme ça.

  • Yannick BloggroupeIAM,

    Bonjour, merci pour le lien. Je me suis permis d’apporter à cet article sur mon blog avec une part de mauvaise foi 😉
    http://groupe-iam.blogspot.com/2010/09/reaction-la-suite-de-larticle-signe.html

  • meduz',

    Ouais, enfin, l’article part du postulat qu’il y aura des déchets parmi les 16 titres, et n’est justifié que si ce sera le cas, ce qui n’est pas garanti avec Shurik’n.

  • Jah'Zz,

    Merci!

  • Nicobbl,

    Respect !

  • Borsalino,

    jespere quil ne se trompera pas dans le choix des morceaux

  • lapprenti,

    L’intro est classique. ah ah

  • coco,

    Amen!